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Le Chambon-sur-Lignon : il y a 85 ans, l’appel du pasteur André Trocmé à sauver les Juifs

Le Chambon-sur-Lignon : il y a 85 ans, l’appel du pasteur André Trocmé à sauver les Juifs

Un article rédigé par Cédric Bonnefoy - le 23 juin 2025 - Modifié le 23 juin 2025

C’était il y a tout juste 85 ans, le 23 juin 1940, le pasteur André Trocmé exhortait les habitants du Chambon-sur-Lignon et du plateau à venir en aide aux Juifs persécutés.

Il y a 85 ans, le pasteur André Trocmé prononça un sermon au Chambon-sur-Lignon, exhortant les habitants à cacher les Juifs persécutés. ©Fondation Yad Vashem.Il y a 85 ans, le pasteur André Trocmé prononça un sermon au Chambon-sur-Lignon, exhortant les habitants à cacher les Juifs persécutés. ©Fondation Yad Vashem.

Une date importante dans l’Histoire du plateau du Lignon et de la Haute-Loire : le dimanche 23 juin 1940, il y a tout juste 85 ans. Il prononça un sermon au Chambon-sur-Lignon, exhortant les habitants à aider les Juifs.


Pendant les 5 années qui suivirent, de nombreux enfants juifs furent cachés par les habitants du plateau, leur évitant ainsi la déportation. Un engagement reconnu au niveau international. De nombreux habitants sont reconnus comme Justes parmi les Nations. Depuis, au Chambon-sur-Lignon, le Lieu de Mémoire raconte ce sauvetage inédit. D’ailleurs, en ce moment, il accueille une exposition autour de Simone Veil. Elle a beaucoup œuvré pour leur entrée au Panthéon en 2007. Article à découvrir ici.


Sermon du pasteur André Trocmé, le dimanche 23 juin 1940 au Chambon-sur-Lignon :


Le président de la Fédération Protestante a prononcé hier [le 22 juin 1940] à la radio une allocution à laquelle nous voulons joindre notre voix.  Dans cette allocution, M. [le pasteur Marc] Boegner appelle l’Église Protestante de France à l’humiliation pour les fautes qui ont amené notre peuple à l’état où il se trouve aujourd’hui.


Comme lors des grandes détresses d’Israël, l’heure est à l’humiliation.  Humilions nous tous pour la part de responsabilité que nous avons dans la catastrophe générale.  Humilions nous pour les fautes que nous avons commises et pour celles que nous avons laissé commettre, pour notre laisser-aller, pour notre manque de courage qui ont rendu impossible le redressement devant les tempêtes menaçantes, pour notre manque d’amour devant les souffrances des autres, pour notre manque de foi en Dieu et notre idolâtrie de la richesse et de la force, pour tous les sentiments indignes du Christ que nous avons tolérés ou entretenus dans nos coeurs, en un mot pour le péché dont nous avons chacun notre part et qui est la seule cause véritable des malheurs sans nom qui nous frappent. […]


Cependant, nous devons nous garder de certaines manières de nous humilier qui seraient une désobéissance à Dieu.


Premièrement, gardons nous de confondre humiliation et découragement, et de penser et de répandre autour de nous que tout est perdu. Il n’est pas vrai que tout soit perdu. La vérité évangélique n’est pas perdue, et elle sera proclamée librement du haut de cette chaire, dans les réunions et dans les visites. La Parole de Dieu n’est pas perdue, et c’est là que se trouvent toutes les promesses et toutes les possibilités de relèvement pour nos personnes, pour notre peuple, pour l’Église. […]


En second lieu, gardons nous de nous humilier, non pour nous mêmes, pour nos propres fautes, mais pour les autres, et dans un esprit d’amertume mêlé de rancune.  Ces derniers jours, au cours de nos visites, nous avons entendu de nombreuses plaintes de soldats contre leurs officiers, et d’officiers contre leurs soldats, de patrons contre leurs ouvriers, et d’ouvriers contre leurs patrons, de riches contre les pauvres, et de pauvres contre les riches, de pacifistes contre les patriotes, et de patriotes contre les pacifistes, de croyants contre les incroyants, et d’incroyants contre les croyants. Chacun accuse les autres, chacun cherche à esquiver ses propres responsabilités pour charger ses concitoyens ou les peuples étrangers, oubliant que Dieu seul peut juger et mesurer la culpabilité de chacun.  Nous ne croyons pas qu’une telle humiliation soit féconde et puisse préparer la reconstruction de notre pays et de l’Église.


En troisième lieu, en humiliant nos cœurs, n’humilions pas notre foi et nos convictions fondées sur l’Évangile. Ainsi, parce que nous n’avons pas bien usé de la liberté qui nous était donnée, ne renonçons pas à la liberté, sous prétexte d’humilité, pour devenir des esclaves, et plier lâchement devant les idéologies nouvelles. Ne nous faisons pas d’illusions: la doctrine totalitaire de la violence a acquis ces derniers jours un formidable prestige aux yeux du monde, parce qu’elle a, du point de vue humain, merveilleusement réussi. […]


S’humilier, ce n’est pas plier devant une telle doctrine. Nous sommes convaincus que la puissance de cette doctrine est comparable à l’autorité de la Bête, qui est décrite dans le chapitre 18 de l’Apocalypse. Cette doctrine n’est rien d’autre que l’antichristianisme.  C’est pour nous une question de conscience que de l’affirmer, aujourd’hui comme hier.  Il est à peu près certain que des enfants de notre église ont donné leur vie pour combattre cette doctrine. S’humilier de ses péchés, ce n’est pas, maintenant, abdiquer devant elle.  C’est en donnant nos vies à Jésus Christ, au service de son évangile, de son Église universelle, que nous serons dans la fidélité et la véritable humilité.[…]


Des pressions païennes formidables vont s’exercer, disions nous, sur nous-mêmes et sur nos familles, pour tenter de nous entraîner à une soumission passive à l’idéologie totalitaire.  Si l’on ne parvient pas tout de suite à soumettre nos âmes, on voudra soumettre tout au moins nos corps.  Le devoir des chrétiens est d’opposer à la violence exercée sur leur conscience les armes de l’Esprit.  Nous faisons appel à tous nos frères en Christ pour qu’aucun n’accepte de collaborer avec cette violence, et en particulier, dans les jours qui viennent, avec la violence qui sera dirigée contre le peuple anglais.


Aimer, pardonner, faire du bien à nos adversaires, c’est le devoir.  Mais il faut le faire sans abdication, sans servilité, sans lâcheté. Nous résisterons, lorsque nos adversaires voudront exiger de nous des soumissions contraires aux ordres de l’Évangile. Nous le ferons sans crainte, comme aussi sans orgueil et sans haine. […]
 

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