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La Maison du quantique Alpes : nouveau lieu d’échange pour le calcul quantique

La Maison du quantique Alpes : nouveau lieu d’échange pour le calcul quantique

Un article rédigé par Jade Petris, Lola Steve - le 23 mai 2025 - Modifié le 23 mai 2025
Le magazine des sciencesLa Maison du quantique Alpes : nouveau lieu d’échange pour le calcul quantique

Qu’est-ce que le calcul quantique et qu’est ce qu’on peut espérer pour les prochaines années ? Nous avons interrogé Xavier Waintal, directeur de la nouvelle Maison du Quantique Alpes. Elle a été inaugurée le lundi 19 mai 2025 sur la presqu’île scientifique à Grenoble et promet d’être un véritable lieu d’échange pour les intéressés du calcul quantique. 

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Pilotée par l'Université Grenoble Alpes (UGA) et associée au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Institut National Recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA) et l’Institut Polytechnique de Grenoble (INP), la Maison du Quantique Alpes a été inaugurée le 19 mai à Grenoble. À cette occasion, nous avons rencontré Xavier Venthal, qui nous explique le calcul quantique et ses applications, mais également Franck Balestro, le directeur adjoint. Ensemble, ils reviennent sur les missions de cette maison quantique et de ses projets futurs.

RCF Isère : Xavier Waintal, vous êtes le directeur de la Maison du Quantique Alpes. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qu’est le calcul quantique ? 

 

Xavier Waintal : “Le calcul quantique revient à utiliser une forme d'addition, de multiplication, qui ne sont pas celles de nombres mais d'ondes. À l'échelle atomique et corpusculaire, la matière, la lumière… tout est fait d'ondes. On va donc utiliser le fait qu'on peut multiplier et additionner ces ondes pour créer des phénomènes d'interférence, d'intrication qui donnent accès à un espace de taille exponentielle, gigantesque. C'est la taille de cet espace qui permet d'imaginer faire des calculs qu'on ne saurait pas faire sur un ordinateur classique.”

 

 

On a pu voir que l'ordinateur quantique était applicable dans plusieurs domaines différents, tels que la chimie ou la biologie. Est-ce que vous pensez que les ordinateurs quantiques vont en quelque sorte révolutionner le monde de la recherche ? 

 

“Alors, c'est compliqué, il y a beaucoup de choses qu'on ne sait pas. Ils ont aujourd’hui un niveau de précision qui n'est pas encore celui qui permet de l’affirmer. Ce qui est sûr, c'est que ces technologies qui arrivent et évoluent, représentent en soi une révolution. 

Imaginez que l’on soit au milieu du 19e siècle, on commence à maîtriser l'électricité et il y a des savants fous qui font des étincelles entre des boules de métal dans des laboratoires. Ces gens-là n'avaient pas vu internet, le calcul, les téléphones portables... Et aujourd'hui, on ne peut pas vraiment voir encore tout ce qui va se passer, bien qu’une porte se soit ouverte. Après, jusqu'où mènera-t-elle ? Et à quoi ? Moi, je n'en sais rien. On a des exemples d'applications aujourd'hui, mais pour des choses qu'on sait faire autrement. L’IRM, par exemple, est une technologie quantique, mais ce n'est pas du calcul quantique. Elle utilise une des deux propriétés dont je vous ai parlé tout à l'heure, c'est-à-dire l'addition, les interférences, mais pas l'intrication ou à peine. Il y a beaucoup de technologies quantiques qui existent et qui marchent et il y a énormément d'applications qui sont en train d'émerger. Par contre, pour ce qui est du calcul quantique, on est vraiment au milieu du gué.”

 

 

Est-ce que l'ordinateur quantique va venir remplacer nos ordinateurs classiques ?

 

“Non, ça c’est sûr que non et l’on peut même démontrer que ce n’est pas le cas. Si on arrive à le faire, il va permettre de faire certaines choses bien plus vite que sur un ordinateur classique. Par contre, il y en a tout un tas qu'il ne fera jamais. Typiquement, l'ordinateur quantique sort très peu de données. Pour toutes les applications qui ont besoin d'énormément de données, notamment pour l'intelligence artificielle on parle de centaines de milliards de bits d'informations, l'ordinateur quantique n'apportera pas grand-chose, voire rien.”

 

 

Est-ce que vous pouvez nous parler un peu des impacts environnementaux ? 

 

“Il y a des gens qui essaient de vendre le fait que l'ordinateur quantique va permettre d'utiliser beaucoup moins de calculs et donc de gagner de ce côté-là. Il faut le dire avec des pincettes. Je ne sais pas si vous avez suivi ce qui s'est passé avec les LEDs. Quand on a changé nos ampoules à incandescence contre des LEDs, on a divisé par 10 la consommation électrique de ces ampoules. On aurait pu penser qu' on allait dépenser 10 fois moins d'électricité pour s'éclairer. Et finalement, on consomme exactement la même chose parce que, comme ça coûtait moins cher, les gens se sont mis à éclairer tout le temps, partout, pour un oui ou pour un non. Pour commencer à penser à quelque chose de positif de ce côté-là, bon, il faut déjà que ça aille lieu et après, il faut aussi d'autres choses qui ne sont pas du domaine de la science.

Après, si on est ultra optimiste et que tout fonctionne, on peut espérer, grâce à ces calculs de trouver des solutions technologiques pour tout un tas de choses qui permettraient de faire des économies d'énergie. Un exemple qui a été beaucoup mis en avant, c'est la catalyse de l'azote. Aujourd'hui, on dépense des quantités d'électricité faramineuse pour prendre l'azote de l'air, la craquez pour faire de l'ammoniaque, qu'on utilise après dans les champs pour faire pousser nos légumes. C’est ce que font les plantes, pas très bien, mais elles le font à température ambiante donc sans utiliser des tensions de dizaines de kilovolts. On comprend très mal le mécanisme mais il y a des gens qui disent qu'avec un ordinateur quantique, on va pouvoir l’étudier, le comprendre, le calculer, et trouver d'autres cofacteurs et d'autres enzymes qui vont être capables de faire cette synthèse de l'ammoniaque sans utiliser autant d'énergie. C'est une histoire qui est jolie à raconter, qui fait très bien à la radio. Est-ce qu'elle va se passer ? Moi, je n'en sais rien. Je suis un peu dubitatif, pour ne rien vous cacher.”

 

 

Nous sommes toujours en compagnie de Xavier Vental, le directeur de la Maison du quantique Alpes, et Franck Balestro, le directeur adjoint, nous a rejoints. 

Alors, pourquoi une maison du quantique à Grenoble ? 

 

Franck Balestro : “La première maison du quantique, elle était à Paris-Centre, et elle était portée par le lab quantique à la station F. Et pourquoi des maisons du quantique ? C'est dans un cadre plus général qui s'appelle le projet HQI, qui est coordonné par le CEA. Et dans ce sous-projet, ils se sont rendu compte que par rapport à cette thématique précise du calcul quantique, donc sur des ordinateurs existants, en construction et en devenir, il y avait un grand besoin de culturation par rapport aux entreprises. Et ils se sont dit que plutôt que de passer par la formation continue, il était mieux d'intégrer directement cette culture et cette aide aux entreprises dans des nouveaux objets qui s'appellent les Maisons du Quantique. Plutôt que d'en monter une, puis une deuxième, puis une troisième, il a été décidé au niveau national d'en monter cinq directement et de créer le réseau des maisons du quantique, qui d'ailleurs est également en lien avec d'autres maisons du quantique au niveau international comme aux Pays-Bas.”

 

Quelles sont les missions principales ? 

 

Franck Balestro : “La mission principale de la Maison du quantique Alpes, c'est d'accompagner les entreprises, soit celles qui ont déjà des connaissances et des groupes de recherche dans le calcul quantique, et donc de les aider à aller plus loin avec des experts qui sont dans les labos de recherche. Soit d'initier des entreprises qui n'ont aucune connaissance par rapport à ce qu'on peut faire en utilisant le calcul quantique. C’est deux axes qui sont différents, et c'est pour ça que, dans le cadre du pack quantique, on a prévu différents niveaux qui vont vraiment de la sensibilisation, de la vulgarisation, à de l'accompagnement un peu plus accrus et à de l'aide et du soutien sur des cas de calcul quantique très particuliers que les entreprises pourraient nous donner. Ça c'est l'axe principal, c'est vraiment faire le lien recherche et innovation avec les entreprises. L'autre axe, bien évidemment, c'est la formation, c'est-à-dire de mettre les jeunes un peu au milieu de tout cet écosystème pour leur montrer à quel point il se passe des choses par rapport au calcul quantique. L'idée après, c'est d'avoir un lieu unique pour que toutes ces personnes, que ce soit innovation, donc les entreprises ou les startups, la recherche, quels que soient les tutelles : CEA, CNRS, Grenoble INP, INRIA ou UGA, et les programmes de formation, puissent vivre ensemble et se côtoyer régulièrement pour voir à quel point on est très actif au niveau de l'écosystème grenoblois dans cette thématique-là.”

 

 

On a pu voir que c'était une thématique qui était assez complexe, comment comptez-vous vulgariser les découvertes au grand public ?

 

Franck Balestro : “Moi je vais parler de la vulgarisation non pas de calcul quantique.

La physique quantique c'est quelque chose effectivement qui est très abstrait et qui peut être à la fois passionnant et effrayant. Donc il y a deux axes qu'on fait au niveau du territoire grenoblois. Il y a la vulgarisation de la physique quantique au sens large du terme, et là tout le monde y participe, quels que soient les permanents qu'on peut avoir dans les laboratoires, mais il y a aussi tous les enseignants-chercheurs.  Il y a également un programme de formation qui s'appelle QuanTEdu-France où il y a des actions de vulgarisation, et là c'est pour différents axes de la physique quantique comme la dualité en corpuscules, la quantification d'états ou alors même l'intrication.”

 

Xavier Waintal : “Ce n'est pas non plus le cœur de la maison du quantique. Notre cible principale c'est d'essayer de faire la connexion déjà avec les applications, essayer de voir si on peut trouver des applications notamment qui intéressent les industriels. Et donc cette connexion là, elle se fait au niveau mathématique, c'est à dire qu'on va connecter des problèmes mathématiques qu'ont les industriels avec le formalisme mathématique de la physique quantique. Ca c'est un très gros boulot qui demande déjà une certaine acculturation, on a besoin de passer beaucoup de temps à expliquer aux industriels . Il faut vraiment leur faire raconter leurs problèmes pour comprendre comment est-ce qu'on va pouvoir éventuellement s'interfacer avec le formalisme de la physique quantique. On va faire un petit peu de vulgarisation, pour essayer de toucher le grand public, comme par exemple l'exercice que j'ai fait tout à l'heure, d'essayer de présenter l'ordinateur quantique en 15 minutes. On va également faire des conférences grand public, des événements comme ça je pense.”

 

 

Justement, est-ce qu’il y a d'autres événements accessibles au grand public prévus bientôt ? 

 

Franck Balestro : “Comme on est un écosystème, on ne met pas tout dans la maison du quantique, on ne met pas tout dans le CEA, dans le CNRS. On est tous là pour participer à des actions de vulgarisation, que ce soit la maison du quantique, la fédération en sciences et technologies quantiques, les différentes tutelles ou que ce soit QuanTEdu . Donc nous sommes des acteurs qui travaillons ensemble, et oui il va y avoir d'autres événements, il y en a un actuellement qui a été annoncé, c'est la conférence Quantum Matters, qui est une conférence à visibilité internationale.”

 

Xavier Waintal : “Elle n'est pas à destination du grand public, mais il y a d'autres événements qui ont lieu. Par exemple, j’ai une amie réalisatrice qui est en train de faire un documentaire qui s'appelle le Cantique des quantiques et qui va passer sur France 3 en octobre ou novembre. Il y a également des interventions dans les lycées, et là il y a trois semaines, on a fait venir Julien Bobroff pour la physique de l'extrême. Dans la même semaine on a aussi invité un québécois qui a fait des cours de vulgarisation d'informatique quantique à différents niveaux, à destination essentiellement d'étudiantes et d'étudiants de niveau licence, mais on a vu d'autres personnes, grand public en fait, qui sont venus pour se vulgariser à cette thématique là. Donc il y aura d'autres événements, mais on ne peut pas déjà tous les planifier.”

 

En tant que directeur, comment envisagez-vous l’avenir de la Maison du Quantique Alpes ? 

 

 

Xavier Waintal : “Le temps de faire des travaux de rénovation, d’ici un an ou deux, on aura un bâtiment à nous, qu'on espère ouvrir au public le plus largement possible. Il viserait à agir comme un aiguillage de la technologie quantique à Grenoble, c'est-à-dire un lieu où tout le monde se retrouve. On veut mettre tout le monde au même endroit, les chercheurs, les étudiants et les industriels. Pour les industriels, il y en a plusieurs sortes, il y a ceux qui sont du côté quantique et ceux qui n’y sont pas encore mais qui sont intéressés par les applications. Pour ce faire on aura donc un bâtiment et après il y a aussi tout un travail autour des animations, d'éducation et de formation, pour faire vivre tout ça.”

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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