La directive travel menace le monde des séjours éducatifs
C’est une directive du parlement européen sur les questions relatives aux voyages, dans une logique louable de protection des consommateurs, en l’occurrence ceux qui achètent des voyages organisés. L’objectif, c’est d’obliger tout organisateur de séjours à avoir suffisamment de garanties financières pour se porter garant de ses propres prestataires. Par exemple, une agence de voyage vous vend une semaine de vacances tout compris en Bretagne. Pas de chance, l’usine de beurre doux que vous deviez visiter a fermé. C’est à l’agence de voyage de vous rembourser.
On a un peu de mal à voir le rapport avec le scoutisme, avec les colos, ou avec l’éducation populaire. En fait, il y a un point commun, un seul : les vacances. Nous organisons des vacances. Sauf que nous, nous sommes des œuvres sociales et non pas des entreprises marchandes. Nous agissons pour l’intérêt général. En toute logique, le code du tourisme actuel en France prévoit une dérogation pour les associations et organismes sans but lucratif qui nous permet de ne pas être inscrites au registre du tourisme. Or, c’est Bercy qui a piloté la transposition de la directive et qui a fait sauter cette dérogation sans associer les secteurs directement concernés. A partir du 1er juillet prochain, les accueils collectifs de mineurs vont donc devoir s’inscrire au registre du tourisme et appliquer les règles d’opérateurs de voyages. A mes yeux, c’est grave pour plusieurs raisons.
La première, c’est que cela va encore plus fragiliser le secteur des colonies de vacances et les séjours scolaires. Il faudra des garanties financières supplémentaires, cela va rajouter une couche de complexité administrative alors que nous sommes déjà – et c’est très bien – hyper contrôlés en raison de la protection des mineurs… Un bon nombre de petites structures ne pourront pas s’en remettre.
La deuxième, encore plus grave, c’est que cela illustre une vision exclusivement comptable et financière de l’éducation, alors que le secteur associatif des colos est dans une logique de transformation sociale. Nos associations visent la mixité sociale, l’émancipation des jeunes, et nous voilà traités comme n’importe quelle agence de voyage. Hélas, nous vivons dans ce nouveau monde où tout est calculé, estimé, marchandisé. Un voyage scolaire serait une activité lucrative ? Qui peut mettre un prix sur un coucher de soleil observé par des jeunes ?
Cette transcription de la directive peut être dramatique à très court terme. Dès demain, vous ne pourrez peut-être plus confier vos enfants qu’à des entreprises de séjour pour qui la participation à la construction d’une cohésion collective sera le dernier des soucis.
Il reste une porte de sortie : le gouvernement doit, d’ici le premier juillet, sortir les accueils collectifs de mineurs du code du tourisme. Il en a encore la possibilité juridique, en aura-t-il la volonté politique ?
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