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Honorer la part fragile de nous-même

RCF,  - Modifié le 30 juin 2020
Chaque lundi Philippe de La Chapelle propre sa chronique.
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Dans notre monde de performance et d’apparence, il vaut mieux ne pas trop montrer nos fragilités. Les personnes handicapées, elles, n’ont souvent pas le choix. « Le plus dur, ce n’est pas la maladie, pas le handicap, c’est votre regard sur moi ». Alice qui parle ainsi est la première Dauphine Miss originale 2018. Cette jolie jeune femme blonde, mannequin de métier, est venue témoigner spontanément à la Nuit du handicap que l’OCH a organisée à Paris, sur le Parvis de Notre Dame.

Elle est atteinte d’une maladie rare, qui provoque d’intenses douleurs. Elle est contrainte le plus souvent à s’appuyer sur une canne, voire à se déplacer en fauteuil roulant, parfois même à rester clouée au lit. « Je passe selon les moments de valide à demi valide, - dit-elle avec un joli sourire - parfois à plus valide du tout ». 

« Devenir mannequin, -témoigne-t-elle- c’était presque une vengeance face à la maladie. Lorsque j’étais mannequin, je défilais, j’étais une femme magnifique pour vous, j’étais quelqu’un de respectable… Le lendemain, avec ma canne ou en fauteuil, vous ne me regardiez plus, je n’étais plus rien, ou vous me regardiez avec surprise, parfois avec dégout. Pourtant, j’étais la même personne, la même femme, celle sur le podium et celle dans la rue, respectable de la même manière ».

Alors elle a décidé de postuler au concours de Miss originale 2018, une élection débarrassée des critères de poids, taille, et autres tyrannies. « Pour cesser d’avoir honte de mon handicap -dit-elle- en faire mon originalité ». Et Alice d’inviter avec force les centaines de personnes handicapées présentes à ne pas se laisser envahir par la honte comme elle a pu le vivre, à être fières de ce qu’elles sont : « Chacun d’entre nous mérite le même respect, voire parfois même plus » a-t-elle lancé sous les applaudissements.

En réconciliant le mannequin et la personne handicapée, Alice a manifestement trouvé son unité intérieure. Ça l’a mise en paix et même en joie, au point de vouloir en témoigner.
D’une certaine manière, c’est notre chemin à tous que de nous réconcilier avec cette part fragile de nous-même. Nous sommes tellement tentés de la masquer. Pourtant, elle n’est pas une tare. Elle est constitutive de notre humanité. Il y va de notre unité personnelle, comme Alice.

Les personnes handicapées, dont la fragilité est visible, irrémédiable, peuvent nous aider à consentir à cette part fragile de nous-même et même à l’aimer et l’honorer. C’est le sens même de la parole de Saint Paul dans la première lettre aux Corinthiens : « Même les membres du corps qui paraissent les plus faibles sont nécessaires, et ceux que nous tenons pour les moins honorables, c’est à eux que nous faisons le plus d’honneur ».
 

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