Escalade au Moyen-Orient : où est la Commission géopolitique ?
Ces 15 derniers jours, on a assisté à une hausse des tensions entre les Etats-Unis et l’Iran : mort du général Soleimani, le 3 janvier dernier, dans une attaque de drone américain, réplique iranienne contre une base américaine en Irak, discours de Donald Trump enfin mardi dernier qui semblait stopper l’escalade. Au contraire, les Européens ont semblé absents.
Et pourtant, rappelez-vous c’était en septembre : Ursula von der Leyen, alors présidente-élue de la Commission, promettait une Commission géopolitique, qui jouerait dans la cour des grandes puissances. Mais, aujourd’hui les Européens sont bien en peine de s’accorder sur une ligne face aux menaces d’embrasement. Ils sont, en effet, tiraillés entre, d’une part, leur tentative de sauver l’accord sur le nucléaire de 2015 et, d’autre part, leur volonté de préserver une relation transatlantique fragilisée.
Conséquence n°1, les Européens ne peuvent qu’appeler à la désescalade entre Iran et Etats-Unis et… espérer que cette situation qui les dépasse ne dégénère pas. Conséquence n°2, les institutions européennes ne sortent pas renforcées de cette séquence. Et la Commission, en particulier, du fait précisément de la volonté affichée d’Ursula von der Leyen, de voir la Commission développer une approche géopolitique alors même qu’elle n’a pu que se réunir de manière exceptionnelle sur le sujet et… appeler elle aussi à la retenue et la désescalade.
Même si la mort de Soleimani a été critiquée en Europe, il était tout de même l’architecte des opérations extérieures de l’Iran et à ce titre a joué un rôle dans plusieurs opérations contre des intérêts notamment européens. Alors, question un peu provocatrice : le monde n’est-il tout de même pas un peu plus sûr avec la mort de Soleimani, en particulier pour les Européens ?
C’est vrai qu’il est tentant de se dire que la mort de ce personnage peu sympathique et dangereux est une bonne nouvelle. Mais, regardons objectivement les conséquences de sa mort. La principale victime collatérale de la frappe américaine est l’opération de lutte contre l’Etat islamique en Irak. L’OTAN a, en effet, suspendu ses opérations sur le terrain. Par ailleurs, alors que le régime des Mollahs était de plus en plus contesté en Iran, l’attaque américaine a reconstruit une forme d’unité nationale autour du régime, ce qui est aux antipodes des intérêts et objectifs des Occidentaux. Enfin, il est clair que l’objectif prioritaire des Européens est de sauver l’accord de 2015. Or, la mort de Soleimani a donné l’excuse parfaite à l’Iran pour se soustraire un peu plus à ses obligations. Donc, non, clairement le monde n’est pas plus sûr aujourd’hui. Et pour les Européens encore moins.
Donald Trump a récemment appelé les Alliés de l’OTAN à s’impliquer davantage au Moyen-Orient. Y-a-t-il là un rôle à prendre pour les Européens ?
Cette interpellation des Européens – car c’est bien sûr aux Européens que Donald Trump s’adresse à ce moment-là – est intéressante car elle vient confirmer que les Etats-Unis ne souhaitent plus jouer un rôle de premier plan au Moyen-Orient, du fait de l’indépendance énergétique que leur confère le pétrole de schiste. Pour autant, la frappe contre Soleimani a été réalisé sans que les Européens ne soient informés.
Toute la question qui se pose pour nous, Européens, est donc la suivante : souhaitons-nous continuer à être mis devant le fait accompli par nos Alliés ou voulons-nous retrouver une certaine autonomie stratégique ? Il est clair que nous aurions bien besoin d’une Commission géopolitique…
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