Eloge de la philosophie
âLa morale est-elle la meilleure des politiques ? Reconnaître ses devoirs, est-ce renoncer à sa liberté ? Est-il possible d’échapper au temps ? Seul ce qui peut s’échanger a-t-il de la valeur ? Vous avez sûrement entendu ces sujets du bac, cru 2019. Il est toujours heureux – quand on n’est plus bachelière depuis bien longtemps ! – d’y réfléchir. Plus fondamentalement, ils sont l’occasion d’un éloge nécessaire de la philosophie, ou plutôt de cet artisanat qu’est de se risquer à philosopher.
Le philosophe, y compris en herbe, est témoin de son temps. Il entre dans ce difficile art de questionner dans des époques qui ne veulent que des réponses. Et des réponses immédiates, rapides, non complexes, par écrans interposés. Mais ce qui est vital c’est avant tout la question. Pourquoi quelque chose plutôt que rien ? Pourquoi le mal ? Pourquoi l’homme peut-il tout détruire ? Pourquoi la mort ? Pourquoi, tout simplement.
Alors oui, philosopher est œuvre salutaire. Le faire, c’est partir en voyage, à travers les cultures comme les savoirs, pour trouver les mots justes de nos questions. C’est ouvrir nos fenêtres sur plus que l’utile, la commune humanité. Fenêtre sur le monde.
Michel Serres avait coutume de dire que Hiroshima fut le moment décisif où il a changé de vie, quittant sa carrière scientifique pour devenir philosophe. Car alors l’homme a montré, non qu’il fût mortel, mais qu’il pouvait détruire toute l’humanité.
Aujourd’hui plus encore, dans ces bascules de civilisation où nous sommes, de par la gravité des questions écologiques et l’immense instabilité politique, problématiser, interpréter et chercher avec beaucoup d’autres s’imposent plus encore.
Tenter de comprendre un tant soit peu notre monde et nous-même, afin aussi de faire face au tragique de notre histoire ; celui des migrations climatiques d’aujourd’hui, des violences contre les femmes, des abus contre les enfants, celui de notre terrible génie à faire notre désastre. C’est là qu’il faut penser. Non pour tout dire. Non pour espérer tout comprendre. Mais par dignité. Et par esprit de résistance. Afin que la vie bonne, pour soi et pour les autres, et avec eux, soit bien notre question et notre passion par excellence.
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