Un grand écrivain est mort, l’un des plus brillants de sa génération. Philosophe, homme politique, grand reporter, son analyse de la démocratie a fait date. On n’a rien dit depuis de plus lumineux, ni de plus juste.
Il y a deux jours donc, le 16 avril 1859, Alexis de Tocqueville, l’auteur De la démocratie en Amérique, nous a quittés. Ses parents avaient échappé de peu à la guillotine. Lui-même fut rédacteur de la Constitution de la Seconde République. Un aristocrate comme on en fait peu.
Qu’a-t-il montré de si définitif ? Que la démocratie américaine est la forme politique et sociale à laquelle aboutit toute démocratie. Nous sommes tous des Américains, dès lors que nous vivons en démocratie. Et, le premier, Alexis de Tocqueville en a montré les dangers.
Le danger de la démocratie, c’est le bonheur, le bien-être généralisé qu’elle érige en valeur absolue. La politique n’y a d’autre fonction que d’assurer notre tranquillité et la satisfaction de nos désirs. Pour un peu, dit-il, on confierait volontiers à l’État le soin de penser et de vivre à notre place. Peu à peu, notre univers se rétrécit, nos élans s’appauvrissent, nos aspirations et nos envies se miniaturisent. Le monde se limite à nos enfants et à nos amis.
Nous vivons à côté de nos concitoyens, poursuit Tocqueville, mais nous ne les voyons pas, nous ne les touchons pas, nous ne les entendons pas. S’il nous reste une famille, « nous n’avons plus de patrie ». Car tout idéal nous semble beaucoup trop encombrant. Notre bonheur est avant tout domestique. Décoratif et peu exigeant. Il ne fatigue pas les volontés, il les « amollit ». Il ne « tyrannise » pas ; il « éteint ». L’opinion régit tout, régente tout. Et la liberté se réduit au seul fait de choisir ses maîtres, puis de les répudier.
La démocratie est préférable à tout autre régime, mais elle a son poison : l’endormissement des consciences, l’affaiblissement des intelligences. On n’empêchera pas, affirme Tocqueville, que les citoyens y perdent la « faculté de penser, de sentir et d’agir par eux-mêmes ». De la démocratie en Amérique : le livre à lire de tout urgence.
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