Confinement : Consentir à notre intranquilité
Je ne sais comment vous êtes, mais j’ai toujours été fatiguée, par une certaine pensée dite positive : « malgré les soucis, les difficultés, les drames, soyez positif ». Avec des mantras empruntés à de magnifiques écrivains, mais sortis de tout contexte, comme « Fais de ta vie un rêve et d’un rêve une réalité », d’Antoine de Saint-Exupery. Ou encore dans le journal d’Anne Frank « Je ne pense pas à toute la misère, je pense à la beauté qui reste. » Même Nelson Mandela est mis à contribution : « Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends. »
Mon tempérament intranquille depuis bien longtemps m’a rendu assez étrangère à ces formules. En ces semaines, la vie bien réelle de nous tous apporte d’ailleurs une forme de démenti à cette autosuggestion du « sois positif ». Ne nous faut-il pas plutôt consentir à des « sentiments négatifs » ? Accepter que nous soyons traversés par l’inquiétude, la tristesse ou le chagrin, l’anxiété. Comment en effet pourrait-il en être autrement en entendant la course hurlante des véhicules de secours ? En écoutant, y compris avec parcimonie, les infos. En prenant des nouvelles de proches ou de collègues, malades. Et surtout en pensant à toute la détresse que nous ne pouvons rejoindre.
Compte alors peut-être de nous tenir à l’égale distance d’une anxiété que l’on voudrait à tout prix nier comme d’une angoisse qui nous envahirait. L’intranquillité du souci, de l’inquiétude active pour autrui, ce n’est pas cultiver l’anxiété. Car celle-ci, comme une forme de pensée positive, peut relever de la pensée magique. Comme si nous nous disions : « Si j’y pense très fort, ce que je redoute ne va pas se produire… » Mais le virus se moque de notre pensée positive comme anxieuse. Ces pensées n’agissent pas sur les événements. Croire le contraire entretient encore cette illusion d’une toute-puissance qui nous aura fait tant de mal. Je nous souhaite de simplement consentir aux sentiments qui nous traversent, à notre intranquillité pour l’autre, croyant profondément que la paix qui vient de notre Dieu se donne en ce lieu même, durant tous ces jours.
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