Changer de paradigme

Paradigme : un mot que l’on entend de plus en plus associé à celui de transition ou au concept de développement durable. Du grec ancien para, à côté de et deïgma, la chose montrée, ce mot désigne en sciences sociales un  modèle cohérent de pensée ou de croyances, un système de représentation du monde, admis de tous qui lui confère une valeur inattaquable.
 
Ainsi, accepter que le progrès technologique génère des pollutions et détruise notre environnement peut être considéré comme un paradigme, tant le progrès s’impose comme une force qui nous dépasse, contre laquelle il est impossible de lutter, son impact sur notre environnement étant un effet collatéral tout aussi inévitable. Une fatalité, en somme.
 
Oser remettre en question - ne serait-ce que s’interroger sur la réalité de ce phénomène - s’est immédiatement courir le risque d’être mis au ban de la société. On imagine le tollé provoqué par Pythagore lorsqu’il osa affirmer, dès le 6ème siècle avant Jésus-Christ, que la terre est ronde et non pas plate. Admettre que des gens peuvent vivre la tête en bas sans tomber nécessitait, pour le moins, un changement de paradigme !
 
Force est de constater que notre modèle économique dominant, uniquement fondé sur la croissance et la consommation, épuise les ressources et impacte à ce point la biodiversité qu’elle est aujourd’hui en train de s’effondrer. Face à la nécessité absolue de préserver la nature, dont dépend l’humanité toute entière, nous ne pouvons pas nous contenter de quelques ajustements à la marge : c’est bien de modèle que nous devons changer. Bref, changer de paradigme.
 
Car nous n’avons plus guère le choix et il nous faut, d’urgence, inventer un modèle qui nous assure un monde à la fois vivant, viable et vivable. Changer de paradigme, c’est oser imaginer la généralisation d’une agriculture sans chimie de synthèse. A cet égard, on ne peut que se réjouir de la toute récente interdiction, par la Commission européenne, de 3 néonicotinoïdes tueurs d’abeilles. Changer de paradigme, c’est reconsidérer certains projets de travaux - comme le grand contournement ouest de Strasbourg - décidé il y a 50 ans, dans un contexte radicalement différent de la situation actuelle. Changer de paradigme, c’est sortir du nucléaire. Nous aurions tort de nous moquer des contemporains de Pythagore, alors qu’à bien des égards, en 2018, c’est nous qui marchons sur la tête...