"Bloquons-tout", que sait-on du mouvement du 10 septembre ? Stéphane Sirot
Mercredi 10 septembre, c'est le jour du mouvement "Bloquons-tout", né sur les réseaux sociaux. Une mobilisation qui intervient deux jours après le vote de confiance demandé par François Bayrou.
Analyse de l'historien Stéphane Sirot, spécialiste des syndicats, de l’histoire sociale de la France.
Auteur notamment de “le syndicalisme, la politique et la grève” aux éditions de l’arbre bleu et “la grève en France”, chez Odile Jacob.
Stephane SirotCela fait une dizaine d’années que les réseaux sociaux font bouger les lignes du jeu politique français. Qu’est-ce qui fait la spécificité de cet appel à « tout bloquer » le 10 septembre ?
« Depuis 2016 et la lutte contre la loi travail sous le mandat de François Hollande, en passant par les Nuits Debout qui organisaient des débats sur les places publiques, les Gilets Jaunes, suivis par toute une série de mobilisations et maintenant Bloquons Tout, on voit que la variable des réseaux sociaux s’est installée. Elle vient percuter parfois l’action des syndicats qui ont longtemps été les seuls à la manœuvre pour mobiliser. Les Gilets Jaunes ont même créé un précédent, démontrant qu’un mouvement social pouvait s’organiser, et durer au niveau national, par le vecteur des réseaux sociaux. »
Cette fois-ci la base militante des « septembristes » émergée au milieu de l’été sur le site Les essentiels, parait plus disparate, moins homogène, et son utilisation des réseaux a de quoi surprendre.
« La force du mouvement c’est que sans leader physique mais avec une messagerie cryptée, elle est plus difficilement captable par le politique. Ses propositions d’actions sont aussi particulièrement inventives et d’une diversité incroyable ! En revanche on ne peut pas se prononcer sur son efficacité parce qu’il n’a ni l’expérience ni l’expertise des syndicats. »
Pourtant, quand on y regarde de plus près, la pétition lancée par les syndicats contre le projet de budget n’a recueilli que 350 000 signatures, quand une pétition non institutionnelle contre la loi Duplomb en a recueilli 2 millions…
« Cela montre que chaque citoyen peut avoir un impact sur la société. C’est là qu’il faut dissocier abstention et dépolitisation de notre société. L’offre politique ne correspond sans doute pas aux souhaits de beaucoup de Français »
L’irruption du vote de confiance et la chute du gouvernement Bayrou à la veille de cette manifestation sociale suscite tout de même des interrogations. Pour Stéphane Sirot les dates révèlent sans doute une intention gouvernementale de démobiliser les moins engagés du mouvement, en laissant présager des changements plus significatifs.
« Partir le 8 septembre pour amortir l’éventuel choc du 10 peut avoir un effet, mais si le mouvement prend de l’ampleur quand même, et se maintient, cela voudra dire que la critique sociale va bien au-delà de la question du maintien ou non de ce gouvernement et de son projet de budget. »
Une aubaine pour la majorité des syndicats - à l’exception de la CFDT - qui s’apprêtent à surfer sur cette vague grandissante de mécontentement depuis la dissolution de l’assemblée nationale en juin 2024. Puisqu’une partie des Français reproche au Président de la République d’avoir contourné le résultat des élections, les syndicats, même affaiblis, seront présents le 10, espérant sans doute canaliser le mouvement contre sa récupération par l’extrême droite.
« Dans ce mois de septembre socialement chargé, l’intersyndicale appelle à une mobilisation plus précisément le 18, mais la variable du politique va s’immiscer entre le 10 et le 18 septembre… En fonction de la décision d’Emmanuel Macron de maintenir son orientation politique ou pas dans le choix d’un nouveau gouvernement, il attisera ou pas la colère sociale. »
