Bertrand Delhom, atteint de Parkinson, a réalisé un tour du monde à la voile
Un tour du monde à la voile en équipage, pendant huit mois au total dont cinq de navigation. L'aventure qu'a vécue Bertrand Delhom, originaire de Plabennec, avec neuf autres membres d'équipage, à bord du Neptune, un bateau monocoque. Il nous raconte ce défi qui, il l'espère, peut participer à changer le regard sur sa maladie.
Dans le livre "Neptune, qui ose vivra !", l'auteur Christophe Agnus tire un récit documenté de cette aventure extraordinaire. (Crédit photo: Océane Théard)L'histoire de l'aventure "Neptune" commence en 2021. Bertrand Delhom, originaire de Plabennec dans le Finistère, apprend qu'il est atteint de la maladie de Parkinson. Un coup de massue de plus pour le Finistérien dont le parcours de santé est déjà mouvementé. Bertrand Delhom a été atteint d'un cancer, il a dû être amputé d'un pied suite à un accident de travail, alors ce diagnostic aurait pu être la goutte de trop, admet-il. "Dans mon cas, ça a été: "Monsieur, vous avez la maladie de Parkinson", point barre. Moi, ça a duré deux minutes cette annonce. On m'a fait l'ordonnance, et puis on dit: on se revoit dans six mois. On est livré à soi-même. Donc, on peut gamberger. Si on regarde un petit peu les exemples autour de soi, de voir des malades de Parkinson, qui ne marchent pas, qui tremblent, qui sont renfermés sur eux-mêmes, pour moi, c'est pas un tableau idyllique." Et pourtant, c'est à ce moment-là que ce passionné de la mer va renouer avec un rêve, celui d'une course à la voile autour du monde.
L'appel du large remonte à plus loin. À 23 ans, Bertrand Delhom démarche Éric Tabarly pour tenter de participer à la Whitbread, ancien nom de l'Ocean Race, course en étapes autour du monde. "Évidemment, ça a été un refus", se rappelle-t-il. Mais l'idée est toujours là. En 2021, il a vent de l'Ocean Globe Race, course héritière de la Whitbread, dont le départ sera donné en 2023. "J'ai donc contacté les bateaux français pour pour pouvoir accéder à cela", poursuit-il. Une réponse lui parvient. Une réponse "via satellite, sur ma messagerie." Il s'agit de Tan Raffray, skipper et chirurgien à Vannes, qui navigue au beau milieu de l'Atlantique, ramenant le "Neptune" de Guadeloupe, un monocoque partagé entre 10 copropriétaires, prêté pour l'Ocean Globe Race. "Il m'a dit: j'aimerais bien te revoir à terre, et voir un petit peu déjà, vu mon état de santé, savoir si j'étais capable ou pas de faire un tour du monde." Au bout de trois, quatre mois, à naviguer et échanger, Tan Raffray lui donne le feu vert: "Il m'a dit: c'est ok pour moi, tu embarques."

D'Afrique du Sud à l'Aber Wrac'h
Le départ de la course est donc donné en septembre 2023 de Southampton. Ils sont une équipe de dix marins sur le "Neptune", un modèle ancêtre des Imocas, dessiné initialement pour la Whitbread de 1977. Ce départ reste gravé dans la mémoire de Bertrand Delhom. "C'était un sentiment de fierté (...). Il y avait tous mes petits-enfants qui étaient là. Et qui avaient chacun des petits drapeaux "Allez Gopa" puisqu'ils m'appellent "Gopa". Et de voir toute ma famille sur les embarcations, ça a été une petite larmichette de joie", se souvient Bertrand Delhom.
Ce qui était le plus marquant, c'était de voir ma famille sur le ponton, et notamment mon père de 92 ans à l'époque et le voir sauter de joie.
De cette course de huit mois au total, dont cinq de navigation, de Southampton au Cap en Afrique du Sud, à la Nouvelle-Zélande jusqu'à l'île de Wight dans la Manche, il garde beaucoup de souvenirs, certains éprouvants. "Le premier vrai coup de vent au large du Portugal, un orage qui était assez marquant, c'était de nuit, en plus. Et il y avait un cargo qui était en panne à côté de nous. C'était un des premiers faits marquants. Après, il y a eu là la première grosse tempête que l'on a eu au large de de l’Afrique du Sud, où là, on est passé en très peu de temps, de quinze nœuds de vent, à cinquante nœuds, des vagues de dix à douze mètres, des déferlantes sur deux mètres. Et évidemment, le passage du Cap Horn, l'Everest des marins."
Et surtout, le retour, l'arrivée à l'Aber Wrac'h. "Évidemment, il y avait du monde. Ce qui était le plus marquant, c'était de voir ma famille sur le ponton, et notamment mon père de 92 ans à l'époque et le voir sauter de joie."Un père très impliqué dans la course. Bertrand Delhom pose un ouvrage épais sur la table, c’est le carnet de bord détaillé qu’a tenu son père pendant toute cette aventure. Au fil des pages, des photos, le parcours détaillé, les vents. Une réalisation à laquelle son père s'est dévouée, d'autant plus que l'Ocean Globe Race est arrivée à un moment très particulier dans la famille. "J'ai perdu ma maman très peu de temps avant la course. Moi, je voyais le couple des inséparables. Je me suis dit: Il a perdu son épouse. Il va pas tarder à la suivre. Eh bah, non, c'est, ça a été le contraire. Et il a été reboosté."
"Je suis malade et alors ?"
Ce défi c’est donc un message adressée tout particulièrement aux nouveaux diagnostiqués de Parkinson, et la volonté de porter un nouveau regard sur la maladie. "Je voudrais dire: Je suis malade et alors?" Un changement de regard qui s'est opéré grâce à cette course. "Il y a quelque chose qui m'a interpellé au début, c'était le fait de d'entendre Tanneguy [Raffray] ou d'autres membres de l'équipage dire: "Bertrand, c'était quelqu'un qui était un peu le ciment de l'aventure.
Et qui, finalement, s'est transformé d'un rôle d'équipier aidé à équipier aidant. C'est lui qui, quand il y avait des des des coups de mou parce que le bateau avait des problèmes, parce qu'on était dans une tempête, et tout ça. C'est lui qui est arrivé à ressouder l'équipage et à redonner du moral." Et au début, j'ai dit: non, c'est pas possible, c'est pas ça. Et finalement, à force de l'entendre et le lire, je me suis dit que si, et je m'en étais pas rendu compte."
Oui Bertrand Delhom a envie de repartir, l’appel du large est toujours là dit-il. Mais ce qu'il aimerait, c’est que d’autres malades de Parkinson puissent vivre, à leur tour, leur aventure sur flots. Et pourquoi, pas pour la prochaine édition de l'Ocean Globe Race, qu’à chaque étape dans un continent, un équipier atteint de la maladie de Parkinson monte à bord. De cette aventure il veut transmettre un message plus global à tous les malade, c’est de réaliser leur objectif, leur Everest que ce soit "de se lever et faire un tour du pâté de maison" ou un tour du monde.
De cette course autour du monde, est né un livre: « Neptune, qui ose vivra ! » signé Christophe Agnus, qui propose un récit centré sur Bertrand Delhom et son aventure sur le Neptune aux côtés de l’équipage, publié aux éditions Glénat.
