Anna Bauer, fabricante de chaussures à Lyon : "Quand je vais à mon atelier, c'est un peu comme si j'arrivais chez moi"

Loin des grandes enseignes de chaussures ou de vêtements, ici tout est fait à la main et chaque geste est minutieusement pensé et réalisé. Pourtant, la gérante des lieux n'a pas suivi une formation de bottier, titre réservé à ceux diplômés d'une formation officielle dans le domaine. 

De Düsseldorf à Lyon

Née d'un père artiste, Anna Bauer grandit en Allemagne et se familiarise peu à peu avec les métiers de l'art : « J'ai des souvenirs d'enfant où je vois mon père avec un énorme tableau en bois [...] il fait des pochoirs, plein de choses comme ça. Et il nous emmène aussi dans les musées et il me disait toujours : "ah oui, elle est douée" ».

Ah ouais, ça me fait penser à moi, quand j'étais jeune, mais les tiennes sont mieux

C'est donc assez naturellement qu'elle décide au moment de choisir des études, de se rendre à l'école des Beaux-Arts de Düsseldorf : « Je voulais faire de la scénographie au départ et finalement, j'ai fait la sculpture. J'ai tout changé et c'était super ». Tout s'accélère ensuite. Lors d'une année Erasmus à Lyon, elle fait la rencontre d'un fabricant de chaussures et commence à essayer de fabriquer avec le cuir. 

C'est à la suite de son diplôme qu'elle décide ensuite de revenir à Lyon : « Je retourne voir ce cordonnier, ce fabricant, et je lui dis, est-ce que je peux faire un stage ? Il me dit, non, je ne peux pas, je n'ai pas le temps, tu n'as jamais rien fait. Mais j'insiste, et donc il dit, bon, tu veux faire des chaussures ? Tiens, voilà, prends cette forme. Tiens, regarde, avec le papier, tu fais un peu comme ça. Et puis, tu reviens voir. Une semaine plus tard, je retourne le voir avec une paire de chaussures, que j'ai toujours d'ailleurs. Il la regarde et il dit : "Ah ouais, ça me fait penser à moi, quand j'étais jeune, mais les tiennes sont mieux ».

Entre créativité et durabilité

Il y a de plus en plus des gens qui viennent ici exprès en disant,  j'en ai marre d'acheter chaque année une paire de chaussures qui ne tient plus

Suivront ensuite d'autres stages qui vont lui confirmer sa voie. Dans sa boutique dans les pentes de la Croix-Rousse, qu'elle partage avec une bijoutière, elle a trouvé un lieu où elle se sent comme chez elle. Loin de ses racines, celle qui s'est formée sur le tard, en autodidacte, développe sa passion pour le cuir, cette matière qu'elle essaye de réinventer en sortant des modèles de chaussures classiques : « Par exemple, là, j'ai un modèle qui a les lacets qui partent du même côté des deux chaussures, sur la gauche. Et ça, je pense qu'avec une bonne formation de cordonnerie, jamais je n'aurais fait ça ». 

Avec les années, Anna Bauer a aussi vu un changement de comportement chez les consommateurs : « Il y a de plus en plus de gens qui viennent ici exprès en disant,  j'en ai marre d'acheter chaque année une paire de chaussures qui ne tient plus. Et donc, maintenant, je vais vous acheter une paire à vous. C'est la première fois de ma vie que je fais ça ». Une fierté pour celle qui a récemment obtenu le label officiel de la ville "fabriqué" à Lyon".