Grenoble
Odile, religieuse dans un quartier "sensible"
Dans le quartier, on les appelle "les femmes de Dieu". Odile, avec deux autres Petites Sœurs de l'Ouvrier, est installée à Échirolles, une commune de la banlieue de Grenoble. Un endroit dit "sensible", qui connaît l'insécurité et le trafic de drogue. Mais c'est là qu'Odile répond à sa vocation de religieuse : être une présence, offrir une écoute, créer du lien... et être le signe de quelque chose qui interroge.
Cette année, pour Noël, RCF s’installe à Grenoble, et vous propose deux jours de programmation spéciale : "Noël, quand Dieu nous désarme". Après une année marquée par les émeutes urbaines, votre radio chrétienne vous propose de rencontrer des hommes et des femmes qui s'engagent pour la paix dans les quartiers "sensibles". Parmi eux, Odile Maréchal, religieuse des Petites Sœurs de l'Ouvrier à Échirolles... Une femme à l'énergie et au sourire contagieux !
Des religieuses ouvrières
Dans le quartier du Gâtinais, nombreux sont ceux qui connaissent Denise, Marie-Thérèse et Odile, ces trois Petites Sœurs de l’Ouvrier, qui ne cherchent surtout pas à faire "du prosélytisme". Ni même à dire à tout prix qu’elles sont consacrées. Vêtue d’un sweat, les cheveux courts, Sœur Odile ne porte pas de voile ni de croix, ni aucun symbole religieux. À quoi voit-on qu’elle est une femme de foi ? "Je n’en sais rien", répond Odile. Mais il arrive qu’on lui dise combien elle a l’air heureuse. "On me dit que je suis souriante. Oui je suis souriante, bon, c’est que je suis heureuse ! Je ne me force pas !"
Depuis 36 ans, la communauté des Petites sœurs de l'Ouvrier est présente à Échirolles, commune de la banlieue de Grenoble. Comme autrefois les prêtres ouvriers, les Petites Sœurs de l’Ouvrier (congrégation née en 1880) ont eu pour mission de partager la condition ouvrière. Cela signifiait pour ces religieuses exercer une activité professionnelle pour "vivre la vie de travail" et "être avec" les ouvriers. Leur mission est "non pas d’annoncer la Bonne Nouvelle - on va croire que je suis prosélyte", corrige Sœur Odile, mais de "donner une image sympathique de l’Église, comme disent nos collègues de travail" - une image qui, au fond, "interroge..."
"J’ai compris quand même qu’il ne faut pas essayer de convaincre, résume Sœur Odile, on ne convainc pas. Par contre, il faut dire ce qui nous fait vivre. L’autre, il prend ou il ne prend pas, ou il se laisse interroger…"
Notre présence, elle est importante pour les personnes du quartier. D’ailleurs on nous appelle les femmes de Dieu
Au cœur d’un quartier "sensible"
Aujourd’hui, ce n’est plus vraiment auprès des ouvriers que Denise, Marie-Thérèse et Odile sont présentes. Ce sont d’autres réalités désormais, dans ce quartier du Gâtinais, que l’on dit "sensible". Il a été tristement rendu célèbre par le meurtre de Kevin et Sofiane en 2012, dont Calogero a fait une chanson, "Un jour au mauvais endroit". Le lieu du drame, le parc Maurice-Thorez, est situé à deux pas de là où vivent les Petites Sœurs de l’Ouvrier. "C’est un quartier chaud, confirme Sœur Odile, effectivement nous devons avoir trois bandes de dealers..."
Mais s’il y a un terme que Sœur Odile "ne peut pas supporter", c’est celui de "racaille". "Quelque part ces jeunes, ce sont des victimes d’avoir été abordées par cette drogue." Et parce que ce sont des "victimes", "la présence" des religieuses est "importante", estime Odile. C’est aussi ce qu’affirmait un ancien évêque à qui les Petites Sœurs de l’Ouvrier demandaient elles-mêmes : "Qu’est-ce qu’on fait là ?"
Dans ce quartier "complètement de culture musulmane", décrit la religieuse, c’est une question qu’on leur pose souvent : "Qu’est-ce que vous faites là ?" La seule réponse c’est : "On est là, présentes…. Notre présence, elle est importante pour les personnes du quartier, observe Odile. D’ailleurs on nous appelle les femmes de Dieu."
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La vocation religieuse d'Odile
À écouter Sœur Odile, son franc-parler, son énergie, on a du mal à croire qu’elle était autrefois "très timide" ! D’ailleurs paraît-il, quand elle le dit, cela fait beaucoup rire… C’est que "ma vie religieuse m’a rendue heureuse", explique-t-elle. Sa vocation ? "Je ne sais pas pourquoi j’ai été appelée", dit-elle. Mais elle se souvient de cette "copine de classe" qui lui a proposé de l’accompagner à la JEC – la Jeunesse étudiante chrétienne. "J’allais à la messe parce que j’obéissais à maman… Et je revois encore cette copine devant le lycée m’inviter à la JEC. Je verrai toujours son visage lumineux et me dire intérieurement : Bon sang, elle a quelqu’un qui l’habite ! Pour le coup j’ai commencé à croire..."
Sœur Odile est entrée dans la vie religieuse "pour faire quelque chose pour Jésus Christ - donc j’avais rien compris, dit-elle, mais bon on évolue dans le temps !" Être plutôt que faire… c’est le leitmotiv d'Odile et des Petites Sœurs de l’Ouvrier à Échirolles. Elles dont la vocation est de partager la condition des ouvriers, jusqu’à mener une vie professionnelle. Sœur Odile a longtemps été caissière et engagée syndicale. "Je suis fière d’être Petit Sœur de l’Ouvrier", déclare-t-elle. Fièrement aussi, elle raconte que lorsqu’elle est partie, son directeur lui a dit : "Votre combat était toujours juste."
Aujourd’hui il reste aux Petites Sœurs de l’Ouvrier de "lutter contre l’injustice". "Notre première priorité, selon Odile, c’est d’être à l’écoute, cette écoute qui essaie de comprendre l’autre, qui découvre des réalités de vie que, nous, on ne connaît pas du tout. Et ça, je pense que c’est très important !" Une présence qui passe par l’entraide. Odile est écrivain public, elle lit "ce que les personnes ne comprennent pas" ou aide à remplir des dossiers administratifs. Une sorte de bénévolat social dans la longue tradition des chrétiens engagés dans l’action sociale.
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