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Rentrée des classes : y a-t-il trop d'attentes envers l'école ?

Rentrée des classes : y a-t-il trop d'attentes envers l'école ?

Un article rédigé par Melchior Gormand, Madeleine Vatel, Odile Riffaud - RCF, le 6 septembre 2023  -  Modifié le 26 février 2024
Je pense donc j'agis Rentrée des classes : y a-t-il trop d'attentes envers l'école ?

Ce mardi 5 septembre Emmanuel Macron est en visite dans un collège des Pyrénées-Atlantiques. Un déplacement qui fait suite à la publication ce lundi de son interview par le youtubeur HugoDécrypte, où le chef de l'État s’exprime sur l’interdiction de l’abaya en classe ou la réduction des vacances... En cette période de rentrée et après les émeutes qui ont touché la France en juin dernier, le président semble donc formuler de fortes attentes vis-à-vis de l'école. Qu'en pensent les professeurs ? Quelles sont leurs exigences à eux ? 

 

Rentrée scolaire a l'école primaire Anton Makarenko à Vitry-sur-Seine, le 04/09/2023 ©Denis Meyer / Hans Lucas Rentrée scolaire a l'école primaire Anton Makarenko à Vitry-sur-Seine, le 04/09/2023 ©Denis Meyer / Hans Lucas

 

Cela fait plusieurs années, et même des décennies, que l’on dit l'école en crise. La société, les politiques et les parents attendent beaucoup des enseignants. De leur côté, ceux-ci prennent la parole et formulent leurs attentes et leurs ambitions. Ainsi, on a vu récemment paraître plusieurs essais d’enseignants, comme "Transmettre ou disparaître - Manifeste d’un prof artisan" (éd. Salvator, 2021) d’Ambroise Tournyol du Clos, professeur d’histoire-géographie. Il y a eu "L’école de la réconciliation - Un professeur à Drancy" (éd. Les liens qui libèrent, 2022) de Jérémie Fontanieu, professeur de sciences économiques et sociales au lycée Eugène Delacroix et porte-parole du projet Réconciliations en Seine-Saint-Denis. Et aussi "Qui veut encore des professeurs ?" (éd. Seuil, 2023), de Philippe Meirieu, professeur émérite à l’université Lumière Lyon 2. Ces trois spécialistes sont sur RCF en cette période de rentrée. Des enseignants qui n’ont pas jeté l’éponge, bien au contraire. Mais qui ne restent pas naïfs face au "mythe du professeur génial" ou des attentes des politiques à leur égard.

 

 

 

L'école, une "fabrique" de "républicains" ?

 

"Nous ne laisserons rien passer car c'est à l'école que l'on fabrique les républicains de demain", a déclaré Emmanuel Macron dans Le Point, le 23 août dernier. La vision de l'école vue comme une "fabrique" des "républicains de demain" n’a rien de nouveau. C’est "une vieille attente" qui remonte à la IIIe République, rappelle Ambroise Tournyol du Clos, professeur d’histoire-géographie dans la Loire. Une formule qu’Emmanuel Macron a empruntée à Ferdinand Buisson (1841-1932), homme politique, philosophe et pédagogue. Certes "nos élèves se préparent à travers les règles de la vie scolaire à fonder ensemble une communauté politique", admet Ambroise Tournyol du Clos. 

 

Toutefois, le terme "fabriquer" a de quoi déranger, selon cet enseignant. L’école "fabriquerait des républicains comme on fabriquerait des produits standardisés"… D’ailleurs, Ferdinand Buisson "n’a pas utilisé le terme de fabriquer mais de faire", souligne Philippe Meirieu. Chercheur en pédagogie, il rappelle que pour Ferdinand Buisson il s’agissait de "faire émerger des républicains", de "permettre à des jeunes de découvrir ce qui fondait la véritable autorité", c’est-à-dire "la recherche de la vérité". Finalement, là où la formule du chef de l’État est pour Philippe Meirieu "plutôt normalisatrice", il y a chez Ferdinand Buisson "toute une pédagogie à la fois individuelle et du collectif pour faire émerger ce que des personnes ont en commun". 

 

 

 

Je pense qu’à attendre tout de l’école, indépendamment de l’éducation familiale, de l’éducation populaire, on se trompe et on risque d’aller vers de graves déconvenues…

 

 

 

A-t-on des attentes trop fortes vis-à-vis de l'école ?

 

Ainsi, l’ambition de ces professeurs pour l’école reste élevée, elle va au-delà de la simple "fabrique". La mission de l'enseignant, pour Philippe Meirieu, c'est de mettre l’élève "dans une quête, qui est une quête de vérité contre toutes les formes de dogmatisme, de slogan, de simplification, de théorie du complot… On suscite une pensée qu’on pourrait appeler critique, curieuse, on fait émerger une intelligence, on ouvre un chemin vers la vérité…" Et à l’heure des réseaux sociaux, "face à la vague publicitaire et à ses slogans, face à un certain nombre d’intégrismes de toutes sortes", l’enjeu est effectivement de taille.

 

Sans doute est-ce aussi le propos du chef de l’État, quand il déclare, toujours dans Le Point que l’école est "le cœur de la bataille que l’on doit mener, parce que c’est à partir de là que nous rebâtirons la France". Mais est-ce par l’école que l’on arrivera à résoudre tous les problèmes de la société ? Pour Philippe Meirieu c’est très clair : la société ne peut tout attendre de l’école. "Je pense qu’à attendre tout de l’école, indépendamment de l’éducation familiale, de l’éducation populaire, on se trompe et on risque d’aller vers de graves déconvenues… Je pense que nous avons besoin de réfléchir et nous ne le faisons pas toujours suffisamment, sur l’éducation familiale."

 

 

 

→ À LIRE : Être heureux à l'école, ça aussi, ça s'apprend !

 

 

 

Une alliance parents-professeurs

 

La société - et les politiques - peuvent espérer beaucoup de l’école, le préalable semble être un rapport de confiance entre les enseignants et les parents. "Les familles aussi ont à redécouvrir la vertu de l’autorité", estime Ambroise Tournyol du Clos. Autorité, non pas au sens "d’autoritarisme", souligne-t-il mais d’après l’étymologie du terme : "qui cherche à faire croître chez l’enfant son sens des responsabilités". "Je crois que les parents doivent porter le plus grand intérêt possible à la scolarité des enfants, pas seulement en termes de notes, mais d’apprentissage."

 

Cette alliance éducative parents-professeurs est au cœur du projet "Réconciliations", commencée à Drancy, en Seine-Saint-Denis et poursuivie aujourd'hui par plus de 200 établissements dans toute la France. Une méthode portée notamment par Jérémie Fontanieu, professeur de sciences économiques et sociales. Pour lui, si "les parents sont capables de faire confiance aux enseignants" alors ils deviennent un "levier majeur de l’éducation". Se rencontrer, parents et professeurs, et créer du lien, cela permet entre autres de se débarrasser des fausses croyances. Par exemple le "mythe du professeur génial ou charismatique, décrit Jérémie Fontanieu, qui par son génie parvient à mettre l’ensemble des élèves au travail…"  Revenir à la réalité du terrain pour comprendre que les enseignants peuvent beaucoup mais pas tout résoudre est un passage obligé. Pour parvenir à mobiliser les parents, le professeur établi un lien personnel : le mois de septembre est celui de la prise de connaissance. Après cet appel téléphonique, les parents sont tenus au courant semaine après semaine, et individuellement, des efforts et des loupés de l'élève. Mais aussi de ce que peut faire concrètement le père ou la mère pour l'accompagner. Un suivi très personnalisé...qui implique tout le monde. Et semble satisfaire les attentes. 

 

 

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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