Alimenter les sols pour nourrir les Hommes, l'agroécologie au Rwanda
En partenariat avec CCFD-Terre Solidaire
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La France "aurait pu arrêter le génocide" mais "elle n’en a pas eu la volonté". C’est ce qu’a affirmé Emmanuel Macron jeudi 2 avril, dans une vidéo dont la diffusion est prévue le 7 avril, à l’occasion des trente ans du début du génocide des Tutsis au Rwanda. Une déclaration forte qui reconnaît une nouvelle fois la responsabilité de la France dans ce génocide, commis dans ce pays enclavé d’Afrique de l’Est. Voici en quoi elle a joué un rôle.
En déclarant que la France et "ses alliés occidentaux et africains" auraient pu stopper le génocide de l’ethnie tutsie au Rwanda, Emmanuel Macron réveille un remords longtemps ancré dans l’esprit français. Il faut dire que depuis trente ans, plusieurs ONGs, personnalités politiques et observateurs pointent les responsabilités du gouvernement socialiste de l’époque.
Pour comprendre ce qui lie les deux pays, il faut se replonger dans l’histoire des années 90. À cette époque, la Belgique, l’ancien pays colonisateur, a quitté le Rwanda et "la France devient le pays le plus fortement impliqué au Rwanda, explique l’historien Vincent Duclert, elle porte à bout de bras le pays, notamment en matière militaire et politique".
Le président François Mitterrand porte sur le pouvoir rwandais "une vision un peu angélique", alors que c’est "un régime effroyable, affirme le spécialiste, c’est le seul pays avec l’Afrique du Sud à installer un régime d’apartheid, c’est-à-dire qu’il y a des quotas pour exclure les Tutsis de certaines professions et de certaines études".
Il y a un moment donné où ce n’est plus de l’aveuglement, c’est de l’aveuglement volontaire
Selon l’historien, qui a été mandaté par Emmanuel Macron en 2019 pour présider la Commission de recherches sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsis, les autorités françaises ont apporté "un soutien inconditionnel" au régime rwandais et sont restés aveugles "à son caractère effrayant", malgré les nombreuses alertes des services de l’État mais aussi des journalistes et des associations. Ce qui fait dire à Vincent Duclert que "c’est un aveuglement volontaire".
Mais cette ignorance volontaire de la réalité du régime génocidaire n’est pas la seule chose reprochée à la France. Ses interventions dans le génocide sont elles aussi controversées. En premier lieu, le fait qu’elle a poussé avec la Belgique, quelques jours seulement après le début du génocide, pour que l’ONU retire neuf dixièmes de ses Casques bleus, déployés dans le pays depuis l’automne 1993. La raison invoquée était que dix Casques bleus belges avaient été tués au début du génocide. Mais cette décision, faisant passer le nombre de soldats onusiens de 2800 à 270 sur place, n’a pas été sans conséquence : "cela a encouragé les génocidaires à poursuivre le travail parce qu’il y avait moins de forces internationales", estime Vincent Duclert.
Cette erreur a d’ailleurs été très vite pointée du doigt notamment par deux ONGs. En 1999, un rapport publié par Human Rights Watch et par la Fédération internationale des droits de l’homme, estimait que la communauté internationale aurait pu "affronter les tueurs et commencer immédiatement à sauver des vies", si elle avait renforcé la Minuar, (la mission d’intervention des Nations unies pour l'assistance au Rwanda), plutôt que de retirer la plupart de ses soldats.
Par ailleurs, la France ainsi que les États-Unis ont fait pression sur le Conseil de sécurité pour qu’on ne qualifie pas les massacres de tutsis de génocide, "parce que cela aurait impliqué une intervention et donc une intervention contre les forces politiques et militaires qui étaient quand même les alliés de la France", explique l’historien, également auteur de « La France face au génocide des Tutsis, le grand scandale de la 5e République ».
Après ces prises de position controversées, la France tenta de se racheter le 22 juin 1994 en lançant l’opération Turquoise. Une opération qualifiée d’écran de fumée par certains observateurs, parce qu'elle aurait en réalité servi à remettre en place le gouvernement génocidaire. Il faut dire qu’à l’arrivée des soldats français, ce ne sont pas les victimes tutsies qui les ont acclamés mais les membres de l’ethnie hutu à l’origine des massacres. Quoiqu’il en soit, cette opération prétendument humanitaire est arrivée trop tard : en cent jours, plus de 800.000 personnes étaient déjà mortes.
En 2010, Nicolas Sarkozy est le premier président français à reconnaître "de graves erreurs" et une "forme d’aveuglement" des autorités françaises. Des aveux qui arrivent bien après ceux de la Belgique, dont le premier ministre avait reconnu en 2000, "un cortège de négligences, d’insouciances, d’incompétences et d’erreurs".
Plus récemment, en mai 2021, Emmanuel Macron a à son tour reconnu "l’ampleur des responsabilités de la France" et même demandé pardon, lors d’une visite à Kigali. À l’époque, ce discours avait contribué à renouer les liens diplomatiques entre la France et le Rwanda. Le président Paul Kagame avait alors salué le "courage immense" de son "ami".
Il est important qu’un pays puisse regarder son passé dans les yeux, pour éviter que des choses comme celles-là puissent se reproduire
Jeudi 4 avril, le chef de l’État a donc persisté dans ce sens en affirmant que "la France aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains, mais qu’elle n’en a pas eu la volonté". Interrogé par l’AFP, Marcel Kabanda, le président de l’association Ibuka France qui soutient les rescapés du génocide, s’est réjoui de ce message qui "va encore plus loin que le rapport Duclert que la déclaration qu’il a faite à Kigali".
Pour d’autres en revanche, cette reconnaissance de la culpabilité de la France est insuffisante. Alain Gauthier, très impliqué dans la réponse judiciaire à ce génocide depuis trente ans, aimerait "aller au-delà et faire reconnaître une complicité". Pour cela, le président du Collectif des parties civiles du Rwanda a "initié l’an dernier un recours de plein contentieux auprès du tribunal administratif pour faire condamner la France pour complicité de génocide, et en même temps réclamer des compensations en faveur des rescapés".
Aux yeux de ce Français marié à une Rwandaise tutsie qui retourne régulièrement au Rwanda pour rechercher les génocidaires en vue de leur jugement, "il est important qu’un pays puisse regarder son passé dans les yeux, pour éviter que des choses comme celles-là puissent se reproduire".
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