Mgr Matthieu Rougé : "Cela fait pas mal d'années que les débats se durcissent excessivement" à l'Assemblée

Un article rédigé par Constantin Gaschignard - RCF, le 19 juin 2023 - Modifié le 29 mai 2024
L'Invité de la MatinaleMgr Rougé : “Les débats se durcissent excessivement” à l’Assemblée

Cela fait un an jour pour jour que l'actuelle législature a investi l'Assemblée nationale. Une année où le Palais-Bourbon a semblé sous tension comme jamais. Aumônier des parlementaires de 2004 à 2012, Mgr Rougé déplore que les députés ne sachent plus dialoguer que par "invectives réciproques".
 

Mgr Rougé déplore le "spectacle pitoyable" que sont devenues les questions au gouvernement. (Photo : Séance de questions au gouvernement du 20/06/2023 ©Xose Bouzas/Hans Lucas)Mgr Rougé déplore le "spectacle pitoyable" que sont devenues les questions au gouvernement. (Photo : Séance de questions au gouvernement du 20/06/2023 ©Xose Bouzas/Hans Lucas)

Loin d'être une nouveauté, la virulence de la discussion parlementaire est saine dans la mesure où elle exprime avec clarté la divergence des opinions représentées. "Cela fait partie de la tradition parlementaire que les passions s'y expriment et, en un sens, le Parlement est le lieu où elles doivent pouvoir s'exprimer au profit de la paix de la société tout entière", reconnaît Mgr Matthieu Rougé, qui fut aumônier des parlementaires entre 2004 et 2012. Cette violence, pourtant, ne saurait s'affranchir de limites. "Cela fait déjà pas mal d'années, avant même cette législature, qu'à mes yeux les débats se durcissent excessivement, déplore l'actuel évêque de Nanterre. Par exemple, dans les questions au gouvernement qui sont un spectacle assez pitoyable, il n'y a pas d'autre mode d'expression que les invectives réciproques". Il faut dire que l'élection, le 20 juin dernier, de 89 députés RN et 131 de la NUPES a entraîné une polarisation inédite de la chambre basse. Émaillée d'insultes à tire-larigot, la séquence des retraites en fut la preuve la plus frappante.

 

 

La justesse du débat parlementaire contribue à la justesse des relations civiques

 

 

Cet affaissement démocratique est d'autant plus inquiétant que, pour Mgr Rougé, "la justesse du débat parlementaire contribue à la justesse des relations civiques". Inversement, l'Assemblée nationale reflète naturellement l'atmosphère de méfiance générale à travers le pays. "Je suis frappé par la violence ambiante dans notre société. C'est vrai au Parlement d'une manière invraisemblable, mais c'est vrai dans la société en général", constate le prélat.

 


Les racines d'un climat violent

 

Convaincu que cette violence doit être traitée à la racine, l'évêque de Nanterre en cite pêle-mêle les causes. "La manière dont les réseaux sociaux hystérisent tout, la capacité à brandir des anathèmes faciles, un manque de confiance dans le dialogue intellectuel et puis, je le crois, des transgressions successives dans notre rapport à la dignité de la personnes humaine finissent par faire que, subrepticement, plus personne ne respecte plus personne". Entre les ruptures bioéthiques et l'agressivité générale existe selon lui "un lien profond" bien que "pas direct" qui l'inquiète depuis longtemps. "A force de relativiser la dignité de la personne humaine, on affaiblit la capacité de tous à respecter la dignité de chacun", croit-il fermement.

 

 

L'épineuse question de la fin de vie

 

De bioéthique, il devrait être question dans les mois qui viennent. Devant les membres de la convention citoyenne réunis début avril à l'Elysée, Emmanuel Macron s'est dit favorable à une loi sur la fin de vie d'ici la fin de l'été. Mgr Rougé pointe la faible légitimité de cette convention qui s'est prononcée à 76% pour une ouverture de l'aide active à mourir, soit euthanasie ou suicide assisté confondus. "Donner la parole à 150 citoyens tirés au sort, ce n'est pas donner la parole aux citoyens. On donne la parole aux citoyens par le vote", défend ce connaisseur de la vie parlementaire, qui souligne d'ailleurs que "tout le monde palliatif est extrêmement mobilisé contre une évolution de la loi". Mi-février, treize organisations représentant plus de 800 000 soignants avaient poussé un cri d'alarme réitéré depuis. Ce n'est pas tout. "Le ministre de la Santé, qui est médecin lui-même, a exprimé sa réticence à une évolution de la loi". Dans un entretien au Monde, François Braun déclarait le 8 avril qu'un "texte de loi allant en ce sens changerait profondément notre société et notre rapport à la mort". Ministre déléguée chargée des professions de Santé, c'est Agnès Firmin Le Bodo, favorable à une évolution législative, qui pilote les concertations. Mgr Rougé l'a mauvaise. "C'est un peu étonnant que la ministre déléguée soit à la manœuvre sur un sujet si essentiel".
 

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