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Envoi d’un émissaire à Moscou : le Vatican renoue avec une diplomatie "classique"

Envoi d’un émissaire à Moscou : le Vatican renoue avec une diplomatie "classique"

Un article rédigé par Étienne Pépin, Odile Riffaud - RCF, le 29 juin 2023  -  Modifié le 18 mars 2024
L'actu chrétienne Un émissaire du Vatican à Moscou

La visite à Moscou de l'émissaire du Vatican, le cardinal italien Matteo Zuppi, montre que le Saint-Siège renoue avec une "diplomatie classique". Après les "maladresses" et critiques du souverain pontife à l'encontre de la Russie, il y a une "reprise en main de la diplomatie pontificale". Sans doute estime-t-on au Vatican que "le pape a trop été en première ligne". La visite du cardinal Zuppi en Russie ressemble plus à une tentative de dialogue qu'une réelle médiation.

Le cardinal Matteo Maria Zuppi est un proche de la communauté Sant’Egidio, qui "a l’habitude de pratiquer une diplomatie parallèle en articulation avec la diplomatie du Saint-Siège" ©Wikimédia Commons Le cardinal Matteo Maria Zuppi est un proche de la communauté Sant’Egidio, qui "a l’habitude de pratiquer une diplomatie parallèle en articulation avec la diplomatie du Saint-Siège" ©Wikimédia Commons

Les 28 et 29 juin, pour la première fois depuis le début de la guerre en Ukraine, un émissaire du Vatican était en Russie. Trois semaines après sa visite à Kiev, le cardinal italien Matteo Zuppi a fait le voyage pour "encourager les gestes d’humanité" et "trouver les moyens de parvenir à une paix juste", selon les mots du Saint-Siège. Si le cardinal Zuppi venait rencontrer un conseiller diplomatique de Vladimir Poutine, il s'est aussi entretenu avec Kirill, le patriarche de l’Église orthodoxe russe.

 

 

On voit difficilement que ce déplacement du cardinal puisse changer véritablement le cours du conflit

 

 

Des demandes de médiation rejetées côté russe et ukrainien

 

Que peut-on attendre de la visite du cardinal Zuppi à Moscou ? "Le pape a dit depuis le début du conflit en mars 2022 que sa proposition de médiation avait été rejetée par Poutine, rappelle François Mabille, professeur de sciences politiques, spécialiste des religions dans les relations internationales. Et plus récemment, lorsque le cardinal Zuppi s’est rendu en Ukraine, cette fois-ci c’est le président ukrainien Zelensky, qui a rappelé qu’il ne pouvait y avoir de médiation entre l’Ukraine et, je le cite : un agresseur." D’ailleurs, selon les accords du Latran, signés en 1929 et qui fixent notamment les règles de la diplomatique vaticane, "le Vatican doit rester étranger à tout conflit sauf si les parties en conflit lui demandent d’intervenir", rappelle François Mabille.

 

En avril 2022, le Vatican a délaissé son discours jusque-là "ambigu" sur le conflit russo-ukrainien. On s’en souvient, depuis le début de l'invasion de l'Ukraine le 24 février 2022, le pape François évitait de nommer la Russie comme pays agresseur. Cette ambigüité a cessé, puisque "depuis septembre 2022, les critiques du pape à l’encontre de la Russie se sont multipliées".

 

Par conséquent, "on voit difficilement que ce déplacement du cardinal puisse changer véritablement le cours du conflit, estime le directeur de l’observatoire géopolitique des religions à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques). En revanche pour un avenir plus ou moins lointain, on peut penser qu’il y a une reprise de dialogue qui peut être intéressante pour le Vatican."

 

Reprendre le dialogue avec le patriarcat de Moscou

 

On peut voir également dans la visite du cardinal Zuppi une "tentative pour renouer les fils d’un dialogue qui a été interrompu, notamment avec le patriarcat de Moscou", selon François Mabille. Là encore, on se souviens des "critiques" du pape François "à l’encontre du patriarche Kirill, dont il aurait aimé initialement qu’il dénonçât au même titre que l’Église catholique, le conflit"

 

 

Il y a sans doute là une sorte de reprise en main de la diplomatie pontificale, qui estime sans doute que le pape a été trop en première ligne durant les premiers mois

 

 

Retour à une diplomatie "classique"

 

Ainsi, suite aux "maladresses d’expression qui ont amené des critiques de part et d’autres", et après plusieurs remarques du cardinal Pietro Parolin ou de Mgr Paul Richard Gallagher visant à "reprendre publiquement le pape ou rectifier ou ses propos ou son attitude", le Vatican renoue avec une diplomatie "classique", observe François Mabille. "Il y a sans doute là une sorte de reprise en main de la diplomatie pontificale, qui estime sans doute que le pape a été trop en première ligne durant les premiers mois."

 

 

→ À LIRE : Comment le pape François a fait évoluer la diplomatie du Saint-Siège

 

 

À ce titre, "le profil" du cardinal Matteo Zuppi est "intéressant". "On envoie un émissaire qui n’est pas l’émissaire principal de la diplomatie curiale." L’archevêque de Bologne et président de la conférence épiscopale italienne a déjà participé à des missions diplomatiques. C’est "un proche de Sant’Egidio". La communauté Sant’Egidio, née à Rome en 1968, est particulièrement impliquée dans l’accueil de réfugiés et œuvre très activement en faveur de la paix. "Elle a l’habitude de pratiquer une diplomatie parallèle en articulation avec la diplomatie du Saint-Siège, soutenue par la puissance diplomatique du Vatican." À l’arrivée du cardinal Zuppi en Russie, ce mercredi 28 juin, le Kremlin a dit "apprécier grandement les efforts et les initiatives du Vatican pour trouver une solution pacifique à la crise ukrainienne".

 

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©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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