Débat sur l'aide à l'Ukraine : à l'Assemblée, Emmanuel Macron veut faire tomber les masques
La chose est rare, le pari risqué. Sur demande d’Emmanuel Macron, le gouvernement organise un débat, suivi d’un vote non contraignant concernant l’aide de la France à l’Ukraine à l’Assemblée nationale, ce mardi 12 mars puis au Sénat le lendemain. Dans le viseur notamment, l’accord de sécurité signé avec Kiev le 16 février dernier. L’Élysée espère que chacun dévoile son jeu, mais la partie est risquée pour l’exécutif tant, l’issue du vote est incertaine.
Il faut prendre ce débat au Parlement pour ce qu’il est : un coup politique. La convocation de ce rendez-vous n’était pas une obligation constitutionnelle. C’est bien une volonté d’Emmanuel Macron. Ensuite, même en cas de vote négatif, il n’engage pas la responsabilité du gouvernement et Gabriel Attal ne serait pas obligé de démissionner. “C’est un débat peu coûteux juridiquement” assure le constitutionnaliste Thibaud Mulier.
Un débat purement politique
Politiquement, en revanche, l’enjeu est plus grand à quelques mois des élections Européennes. “L’idée est d’avoir un moment de vérité et de responsabilité” explique le député Renaissance Benjamin Haddad, membre de la commission des affaires étrangères à l’Assemblée nationale. “On verra ce que vont faire le RN et la France Insoumise qui affirment soutenir l’Ukraine, mais qui ont toujours voté contre toutes les mesures de soutien à Kiev”, assène-t-il.
L’idée est d’avoir un moment de vérité et de responsabilité
Sur le papier, ce débat porte sur l’accord de sécurité signé avec l’Ukraine le 16 février dernier. Dans les faits, il intervient après les propos du président sur l’éventuel envoi de troupes au sol et après son appel aux alliés à “ne pas être lâches”. Ces déclarations risquent d'accaparer une partie des discussions.
Va-t-en-guerre ou chef de guerre ?
“Le Président a eu raison d’avoir des mots forts, car il faut que les Européens soient capables de se prendre en charge seuls, d’assurer leur sécurité et de défendre l’Ukraine”, anticipe Benjamin Haddad. “Ce sont des propos irresponsables, ce n’est plus de l’équilibre mais de l’équilibrisme”, juge pour sa part le député insoumis Arnaud Le Gall, également membre de la commission des affaires étrangères.
“Il ouvre la possibilité d’une escalade militaire avec la Russie qui nous mettrait en position de guerre face à une puissance nucléaire” s’inquiète-t-il. “Cela ne sert à rien de jouer les gros bras va-t-en guerre”, martèle, de l’autre côté de l’échiquier politique, le député RN Alexis Jolly.
Lignes rouges
Le président du Rassemblement national a d’ailleurs indiqué, avant le vote, que son groupe allait s’abstenir sur ce texte. “La Russie est une puissance nucléaire et je pense que l’escalade dans laquelle est engagé Emmanuel Macron est irresponsable, dangereuse”, dénonce Jordan Bardella qui réclame des lignes rouges. Adhésion impossible “s’il est prévu l’envoi de troupes françaises sur le sol ukrainien et si une adhésion de l’Ukraine à l’UE est prévue” liste Alexis Jolly. “L’entrée dans l’Union européenne sans harmonisation fiscale, sociale et écologique préalable porte de très lourds dangers notamment pour notre agriculture”, abonde le député LFI Arnaud Le Gall.
Sauf à entrer dans une guerre totale, il n’y aura pas d’issue militaire acceptable à ce conflit
Les deux partis d’opposition, RN et LFI plaident pour le retour de la diplomatie dans cette guerre. “Sauf à entrer dans une guerre totale, il n’y aura pas d’issue militaire acceptable à ce conflit”, prédit Arnaud Le Gall. “La France doit revenir au centre du jeu et cesser d’être à l'avant-garde des « va-t-en guerre »”, ajoute-t-il. “Il faut défendre le dialogue” confirme Alexis Jolly qui plaide pour continuer à aider l’Ukraine face à l’agression russe, “mais en livrant des armes défensives et non des armes offensives qui nous précipiteraient vers une troisième guerre mondiale”.
“Qui a tourné le dos à la diplomatie ?” interroge de son côté le député de la majorité Benjamin Haddad. “Emmanuel Macron a eu le courage de se rendre à Moscou juste avant la guerre pour tenter de trouver une issue diplomatique”, rappelle-t-il. “Qui a choisi la violence et l’agression ? C’est Vladimir Poutine !”
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