Temps spirituel (Rennes) - page 36

« Je vous le dis, un riche entrera difficilement dans le Royaume de Dieu. » Cette parole de Jésus a de quoi déconcerter ses disciples : à leur époque en effet, la richesse et la prospérité étaient signes de la bénédiction de Dieu sur eux, alors que la pauvreté et la maladie signifiaient que leurs proches ou eux-mêmes étaient de grands pécheurs pour attirer ainsi le malheur. « Dans ce cas, qui peut être sauvé si pour toi, Jésus, les riches sont mis, eux aussi, dans le clan de ceux qui, comme les pécheurs, ne peuvent pas entrer dans le Royaume de Dieu… ? » Jésus posa sur eux son regard et dit : « Pour les hommes c'est impossible, mais pour Dieu tout est possible. » Qu’est-ce Jésus veut nous dire ? Oui, pour les hommes, il est impossible d’avoir accès au Royaume de Dieu s’ils restent sur la conviction que l’accès au Royaume fonctionne comme cela fonctionne sur la terre. L’image du chameau chargé, à l’époque de Jésus, de toutes sortes de marchandises, peut nous aider à faire le point sur ce dont nous nous chargeons sur notre terre : derrière quoi courons-nous chaque jour ? Ne cherchons-nous pas à accumuler des richesses, des plaisirs, du pouvoir ? Ne sommes-nous pas là à chercher à nous valoriser à nos propres yeux et aux yeux des autres, à vouloir toujours avoir raison, à nous démarquer de ceux qui nous dérangent parce qu’ils ne pensent pas comme nous ? Pourquoi avons-nous toutes ces attitudes ? N’est-ce pas parce que nous avons faim et soif d’amour inconditionnel et de vie au plein sens du terme ? Mais notre faim du Royaume de l’Amour avec un grand A, du Royaume de la vie avec un grand V est tout à fait dans la volonté de Dieu : c’est bien ce qu’Il veut nous donner ! Alors « Qui peut être sauvé ? » « Qui peut être sauvé de toutes les mauvaises attitudes que nous avons pour atteindre ce pour quoi nous avons été créés : l’Amour, la Vie ? « Pour les hommes c'est impossible, mais pour Dieu tout est possible. ». Si nous regardons le chemin qu’a emprunté Jésus sur terre, il devient clair que le chemin pour y arriver ne s’obtient pas par le haut mais par le bas, non pas en voulant toujours être premiers, mais en se mettant volontairement au niveau des derniers. Et donc non dans la domination et l’accumulation, mais dans l’humilité et le dépouillement. Non dans la valorisation de soi, mais dans le don de soi. Chemin a priori peu attirant aux humains que nous sommes ; et pourtant : « Vous qui m’avez suivi, nous dit Jésus, vous qui avez fait comme moi, en quittant, à cause de moi, des maisons, des frères, etc. recevra le centuple dès cette terre et aura en héritage la vie éternelle ». Difficile à croire, n’est-ce pas ? Difficile de mettre son entière confiance en Jésus, qui nous montre une tout autre voie que celle que nous suivons spontanément. A nous, qui avons soif de bonheur, d’orienter notre volonté pour nous mettre à l’écoute de Celui qui nous demande de le suivre !

Dimanche 15 août 2021 : Luc 1, 39-56 L'ange avait dit à Marie : L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre (Luc 1, 35). Marie avait répondu à l'ange : Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole (Luc 1, 38). Nous pouvons aujourd'hui contempler ce qui se produit quand une personne accueille l'Esprit Saint et qu'elle se laisse conduire par la puissance du Seigneur. La première marque de cette action de l'Esprit Saint, c'est la décision. Marie se lève. Le mot qui est employé est le même que lorsque Jésus entre dans la synagogue le jour du sabbat et qu'il se lève pour faire la lecture (Luc 4, 16). Ou quand le paralytique guéri se lève de son brancard pour le suivre Jésus (Luc 5, 28). Quand l'Esprit-Saint agit, ce qui était raide est réchauffé, ce qui était faussé devient droit. Marie se lève parce qu'elle est poussée par une intuition irrésistible qui vient comme d'au-delà d'elle-même. Elle a choisi de servir le Seigneur et elle sent que c'est exactement ce que qu'Il lui demande, ici et maintenant. La deuxième marque de cette action de l'Esprit Saint, c'est la hâte. Le terme qui est employé ne désigne pas seulement la rapidité. Il exprime aussi la soif intense, l'absolue priorité. C'est le même mot qui est employé lorsque les bergers se hâtent vers la crèche pour y voir ce qui est arrivé (Luc 2, 16), ou quand Jésus dit à Zachée : Zachée, descends vite, et aussi quand Zachée, en réponse, se hâte de descendre (Luc 19, 5). Quand l'Esprit-Saint agit, ce qui était aride est baigné, ce qui était blessé est guéri. Marie, celle qui a choisi de servir le Seigneur, n'a rien de plus important que de répondre à son appel. La troisième marque de cette action de l'Esprit Saint, c'est la surabondance. Marie entre dans la maison de Zacharie et elle salue Élisabeth. Le mot qui est employé pour cette salutation est un tout à fait commun. C'est celui qui est employé pour les scribes qui portent des vêtements d'apparat et qui aiment les salutations sur les places publiques (Luc 20, 46). Mais quand Élisabeth entend ces mots, elle est saisie tout entière, jusqu'au plus profond de ses entrailles, au point que son bébé lui-même bondit de joie dans son ventre ! Quand l'Esprit-Saint agit, Il vient remplir jusqu'à l'intime le coeur de ses fidèles. Le mot qui est employé pour décrire la joie du bébé d'Élisabeth dans son ventre est celui qui employé pour dans le livre des Actes des apôtres pour décrire la première communauté chrétienne : ils prenaient leurs repas avec allégresse et simplicité de cœur (Actes 2, 46). Ce n'est pas seulement un petit moment de bien-être, c'est une véritable onction d'allégresse qui ruisselle sur ce petit bébé et qui déborde, non seulement sur sa mère, mais aussi sur Marie. La lettre aux Hébreux l'affirme : Dieu, ton Dieu, t'a consacré d'une onction de joie (He 1, 9). À Pâques et à Pentecôte, on chante une hymne qui commence par ces mots : Viens, Esprit Créateur, visite l'âme de tes fidèles, emplis de la grâce d'En-Haut les cœurs que tu as créés. Marie s'est levée, elle s'est mise en chemin la première pour vivre de cette grâce. Comme pour Élisabeth ce jour-là, c'est sur chacun de nous que cette grâce ruisselle aujourd'hui. Ouvrons généreusement nos coeurs ! Comme le dit le psaume : Grâce et bonheur m'accompagnent tous les jours de ma vie ; j'habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours (Ps 22-23, 6).

Commentaire de Mt 14, 1-12 Aujourd’hui, l’évangile raconte en de très courtes lignes, mais avec puissance, les conditions du martyr de Saint Jean-Baptiste. Fin juin, nous avons célébré la fête de la naissance de Jean le Baptiste. Fin juillet, l’évangile nous propose de nous unir par sa lecture à son martyr. Fin août, nos cœurs seront prêts à célébrer le don de sa vie par sa décollation. En deux gros mois, nous nous unissons à la vie de Jean, cousin germain de Jésus, précurseur du Seigneur, prophète et témoin de Sa venue. Rappelons-nous au cœur de l’été que, comme Jean-Baptiste, nous sommes appelés à être témoins du Christ auprès des personnes rencontrées lors de nos pérégrinations estivales. En effet, le mot martyr vient du grec martys, signifiant « témoin » : littéralement, le martyros est celui qui rend témoignage. Il y a plusieurs chemins pour être témoin. Il ne nous sera pas à tous demandé de « verser notre sang » pour le Christ. En revanche, nous avons en commun d’accepter de donner notre vie pour lui. Je joue sur les mots. L’expression « donner sa vie » au sens premier du terme signifie effectivement de mourir, par le sang, pour le Christ. Je vous propose d’ajouter une seconde définition à cette expression pour qu’elle devienne « la joie du don de soi » à exprimer dans sa vie quotidienne, au travail comme à la maison, à l’extérieur comme à l’intérieur. Notre Saint Jean-Baptiste nous ouvre la route. Toute sa vie, il a annoncé la venue du Seigneur. Il a même baptisé le Christ pour nous montrer comment nous devions évangéliser et aller à la rencontre de notre prochain. Plus tard, Jésus a confirmé l’acte de Jean son cousin et nous a dit : « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit » (Mt 28, 19-20a). Le Christ nous envoie prêcher l’Évangile en tout temps et en tout lieu, pour que notre foi en lui se répande par toute la terre. Qu’au-delà de la mort de Jean-Baptiste, nos frères et sœurs martyrs nous distillent cette volonté de mieux servir le Christ en offrant pour Lui nos bonnes actions quotidiennes. La lecture de l’exhortation du Pape François « Evangelii Gaudium » nous y aide et nous y engage. Une dernière inspiration à vous confier : Saint Ignace de Loyola, fêté aujourd’hui, peut nous aider à désirer « donner notre vie pour Jésus ». Militaire, homme blessé, converti, Pèlerin, écrivain, étudiant, fondateur de la Compagnie de Jésus et de la maison Sainte Marthe ouvertes pour les femmes prostituées, grand missionnaire ; Ignace nous laisse un très bel héritage avec son livre « Exercices spirituels » pour méditer, discerner, quelle décision humaine sera le lieu d’une rencontre avec Dieu. La ronde des saints n’a pas fini de nous aider à puiser en elle des modèles d’inspiration afin de nous pousser à créer notre propre et UNIQUE (!) chemin pour agir avec foi, confiance et espérance, avec notre Seigneur Jésus.

Mes amis, voici une page d’évangile dont nous avons tous déjà entendu parler au moins une fois dans notre vie de chrétien. Tout d’abord parce que cette parabole est évoquée dans les trois évangiles synoptiques. Et puis parce que cette histoire est facile à comprendre, facile à mettre en perspective et donc souvent racontée aux enfants. Avez-vous déjà entendu parler de « l’effet papillon ». Alors c’est le titre d’une chanson très connue du compositeur, auteur, interprète Bénabar mais pas seulement. « L’effet papillon » est aussi et surtout une expression métaphorique permettant d’expliquer le rôle fondamental des conditions initiales sur le développement des phénomènes chaotiques. Pffff ! Pour résumer : si l’on modifie très légèrement les données de départ d’un mouvement chaotique, l’aboutissement de ce dernier sera lui, complètement différent. A l’origine, c’est un scientifique américain du nom d’Edward Lorenz, qui avait utilisé pour la première fois cette expression lors d’une conférence qu’il avait donnée en 1972 et qui s’intitulait : « Le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? ». Jésus, lui, n’avait pas parlé de papillon ou d’effet du même nom dans sa parabole à destination des apôtres, puisqu’il y est question de graine de moutarde et de levain. Pourtant, nous sommes bien en présence « d’effets papillon » caractérisés tels que nous l’entendons aujourd’hui : une petite cause et des grandes conséquences. La plus petite des graines connues à l’époque de Jésus finit par donner un arbre magnifique où les oiseaux peuvent venir nicher. Un peu de levain dans quelques mesures de farine : voilà de la pâte qui lève et qui est prête à être cuite. Et puis un seul Jésus avec douze apôtres, et vous voilà avec des centaines et des centaines de millions de chrétiens 2 000 ans plus tard ! Effet papillon ou non, j’aime bien cette parabole de la graine de moutarde, car elle permet à nous, les parents, d’expliquer de grandes choses à nos chers bambins. Et notamment l’amour de Dieu pour ses enfants. Un amour inconditionnel, lieu du repos éternel. Dans cette parabole il y a aussi toute la symbolique du levain et du pain. Impensable de fabriquer du pain autrement qu’avec du levain naturel du temps de Jésus. Pourtant de nos jours, c’est beaucoup moins évident, à tel point que la mention « fabriqué au levain naturel » est devenu un argument markéting de tout premier ordre. Qui dit levain dit fermentation. Et c’est d’ailleurs incroyable car si vous mélangez de l’eau et de la farine et que vous cuisez cette pâte dans la foulée, l’aliment obtenu ne sera pas nutritif et ne permettra pas à la personne qui l’ingurgite de survivre si elle n’a pas d’autre forme de nourriture en complément. Alors que si vous laissez fermenter cette même farine et cette eau, puis que vous cuisez le tout, il est alors possible pour un être humain de survivre des mois entiers avec ce seul aliment solide… Incroyable vous disais-je ! Tout le secret est donc dans le temps. Il faut laisser le temps au temps. Il faudra attendre pour que la graine de moutarde devienne un arbre où pourront nicher des oiseaux. Il faudra patienter pour que le levain permette à la farine de fermenter. Et il faudra du temps pour que nous nous transformions, à l’écoute de la Parole en faisant évoluer doucement notre contexte et nous-mêmes, comme par enchantement. C’est l’été. Prenons du temps pour nous, prenons du temps pour nos familles et prenons du temps pour Dieu. Laissons-le semer en nous pour que nous grandissions telle une graine de sénevé ou de la pâte à pain. Et ce sera alors « l’effet papillon ! Petites causes, grandes conséquences ! » Prenez soin de vous et de vos proches.