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Voyage du pape François en Hongrie, une bonne idée ?

Un article rédigé par Stéphane Jourdain - RCF Jerico Moselle, le 4 mai 2023 - Modifié le 17 juillet 2023
Midi Lorraine, les entretiens[Humeur] - Le Pape François en Hongrie ?

Ce week-end, le Pape François s'est déplacé en Hongrie : en quoi le Pape, qui a réalisé son premier voyage après son élection à Lampedusa, l’île accueillant les migrants en provenance d’Afrique, est-il proche de Victor Orban ? Qu’est-il allé faire dans cette Hongrie qui est à la frontière de l’Ukraine ? Comment peut-il discuter avec celui que l’on qualifie de dictateur hongrois… Stéphane Jourdain livre son point de vue dans sa chronique « L’actu vue par un prêtre » dans Midi Lorraine. 

Voyage du pape François en Hongrie, une bonne idée ? (Photo : DR)Voyage du pape François en Hongrie, une bonne idée ? (Photo : DR)

RCF : Bonjour Stéphane… Aujourd’hui, vous voulez revenir sur le voyage du pape François en Hongrie


Stéphane Jourdain : Oui, et même sur ce qu’il en a dit lui-même. Parce que j’ai tout entendu ce week-end, quand on me demandait pourquoi le pape allait voir un dictateur comme Victor Orban. Et il est vrai que ce premier ministre est une personnalité contestée. Sa fiche Wikipédia nous dit qu’il promeut l'illibéralisme (en bref qu’il pense que la liberté n’est pas le point suprême de la démocratie), qu’il affirme les racines chrétiennes de l'Europe et s'oppose à l'immigration, déclarant défendre l'État-nation lors de la crise migratoire en Europe, ce qui lui vaut des accusations de populisme. 
Alors en quoi le pape François, qui a réalisé son premier voyage après son élection à Lampedusa, l’île accueillant les migrants en provenance d’Afrique, en quoi est-il proche d’Orban ? Qu’est-il allé faire dans cette Hongrie qui est à la frontière de l’Ukraine ? Comment peut-il discuter avec celui que l’on qualifie de dictateur hongrois…


RCF : Et quelle réponse avez-vous à ces questions ? 


SJ : D’abord qu’Orban est élu par un peuple, et que le pape n’a pas été voir M. Orban, mais en premier lieu les Hongrois. Ce qui fait qu’il a rencontré le premier ministre du pays… Et puis, je vais laisser le pape répondre sur la question des migrants, et de ses rencontres avec d’autres personnalités comme le métropolite Hilarion, qui a été, ou est encore, nul ne le sait trop, proche des Russes. En effet, la réponse du pape éclaire les motivations de son voyage. C’était dans l’avion de retour, lors de la traditionnelle conférence de presse. Il disait à une journaliste italienne : « Je crois que la paix se fait toujours en ouvrant des canaux. On ne peut jamais faire une paix dans la fermeture. J'invite tout le monde à ouvrir des relations, des canaux d'amitié. Ce n'est pas facile. Le même discours que je tiens en général, je l'ai tenu avec Orbán et je l'ai tenu un peu partout. » Et il ajoutait un peu plus loin : « Nous devons tendre la main à tout le monde, et aussi recevoir la main des autres. » Vous voyez Michaël, c’est ce qu’on appelle la diplomatie, et je crois qu’en France on devrait s’en souvenir…


RCF : Pourquoi dites-vous ça ? Vous visez peut-être les manifestations ?


SJ : Exact. Comme dans d’autres cadres, je n’ai rien contre les manifestations, tant qu’elles restent dans un cadre légal, tant qu’il ne s’agit pas de casser. Manifester, c’est dire publiquement qu’on s’oppose à quelque chose, et c’est un droit garanti par la constitution à tous. En fait c’est un dialogue, entre un pouvoir et un peuple. Le pouvoir a des moyens que le peuple n’a qu’en se massant, en devenant une masse, pour avoir un rapport équivalent. Mais quand l’un des deux acteurs du dialogue se ferme, que ce soit le gouvernement avec le 49.3 ou les syndicats en décrétant qu’ils ne veulent rien changer ou qu’il faut tout casser, on en arrive à un point de blocage, et il faut alors user de diplomatie pour sortir de cette situation.
La France est une très vieille nation qui fait de la diplomatie depuis des siècles… Le français est d’ailleurs la langue des diplomates, comme celles de JO, même s’il faut bien convenir que l’anglais lui damne le pion ces dernières années. Et je regrette que l’on ait perdu cette tradition du dialogue au cœur de notre pays.


RCF : Mais quelles sont les conditions pour un dialogue vrai Stéphane ? Comment sortir de la crise ?


SJ : En se parlant et en s’écoutant, en passant par des intermédiaires (les médias par exemple, s’ils acceptent de ne pas faire d’abord de l’audience mais de la pédagogie), en réinventant un contrat démocratique. Quand on se rend compte que 50 % des électeurs ne votent plus, c’est qu’on a un problème. Le RIP (Référendum d’Initiative Partagée) que le Conseil Constitutionnel a rejeté hier, était peut-être, je ne sais pas, je ne suis pas politologue, un élément permettant de dépasser la situation de blocage. J’ai commencé en parlant d’Orban et de l’illibéralisme. Si je ne suis pas favorable à cette théorie où c’est l’élu qui décide de ce qui est important et non la constitution, je dois reconnaître que cette vision oblige à repenser nos cadres démocratiques, à sortir du « on a toujours fait comme ça depuis De Gaulle »… A inventer d’autres voies pour donner de la voix au peuple. 
Vous savez, on peut continuer à s’enfermer dans des élections gagnées à 58 % contre un parti qu’on qualifie d’extrême droite (c’était plus de 80 % il y a 20 ans, souvenons-nous en !), ou alors on se dit qu’on a un souci démocratique, voire un souci social avec des grèves qui n’en finissent pas après avoir vu émerger il y a quelques années les gilets jaunes. Il est alors temps de changer les choses. Dans le dialogue. Mais pour cela, il faut vouloir dialoguer…


RCF : Et comment fait-on quand les partenaires ne veulent pas ?


SJ : On passe par des intermédiaires. Le pape, j’en reviens à lui, n’a pas été voir Poutine ou le patriarche Kirill, mais des gens qui ont des affinités avec eux. Certes, il a risqué de se salir les mains, mais comme il l’a dit, tous les canaux doivent rester ouverts. J’ai aussi aimé sa réponse à la même journaliste italienne qui lui parlait justement d’intermédiaires : « Vous pouvez imaginer que lors de cette réunion, nous n'avons pas seulement parlé du Petit Chaperon Rouge, nous avons parlé de toutes ces choses. Nous en avons parlé parce que tout le monde est intéressé par le chemin de la paix. Je suis prêt, je suis prêt à faire tout ce qui doit être fait. » disait-il
Vous savez, il y a les positions de principes, et il y a le principe de réalité… Personne ne veut perdre la face, mais à un moment, tout le monde y perd si chacun campe sur ses positions. Donc dialoguons, faisons de la diplomatie… En préparant des accords, en travaillant en amont, en acceptant parfois de perdre un peu pour ne pas tout perdre… Carl von Clausewitz disait : « « La guerre n’est que la simple continuation de la politique par d’autres moyens. » Faisons tout pour que la diplomatie nous évite d’en arriver à cette phase !

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