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Saint Étienne Harding

Un article rédigé par Jean Luc Moens - 1RCF Belgique, le 15 mai 2024  -  Modifié le 15 mai 2024

Il est celui qui a accueilli Bernard de Clairvaux dans l'abbaye de Cîteaux.

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À la fin du XIe siècle, l’ordre des bénédictins de Cluny est à son apogée, mais il commence à y avoir des critiques à son encontre. Certains trouvent que la vie des moines n’est plus pleinement conforme à la règle de saint Benoît. En effet, les bâtiments sont somptueux, la liturgie très chargée, les travaux des champs abandonnés au profit d’activités intellectuelles. Tout cela constitue, toujours pour certains, un obstacle majeur pour vivre les vœux d’humilité, de pauvreté et de charité que demandent la règle de Benoît.


Un des moines désireux de revenir davantage au modèle de la vie des pères du désert en fidélité avec la règle de saint Benoît est Robert de Molesmes. Il est lui aussi un saint.


Robert fonde en 1075 l’abbaye bénédictine de Molesmes avec le désir de radicalité et de retour aux sources. Mais 20 ans plus tard, la nouvelle abbaye est prospère et ne se distingue pas des autres, au grand dam de son fondateur. En 1093, Robert décide de la quitter alors qu’il en est l’abbé pour fonder un monastère à Cîteaux avec quelques moines habités par le même désir de radicalité, dont le prieur de Molesmes, saint Albéric de Cîteaux (aussi appelé Aubry de Cîteaux), et saint Etienne Harding. Ils fondent ensemble en 1098 un nouveau monastère qui deviendra l’abbaye Notre Dame de Cîteaux et qui sera le berceau de l’ordre des Cisterciens. Mais le pape ordonne à Robert de Molesmes de retourner dans son monastère d’origine dont il est toujours l’abbé. C’est Albéric qui prend sa succession. À sa mort en 1099, Etienne Harding devient abbé de Cîteaux.

 

La vie d'Étienne Harding

 

Jeunesse

Étienne Harding est né en 1059 à Sherborne dans le comté de Dorset, appartenant au Royaume d’Angleterre. Au retour d’un pèlerinage à Rome, il passe par le monastère de Molesmes et décide d’y rester. Lorsque Robert de Molesmes, rapidement accompagné d’Albéric, décide de partir du monastère dans lequel s’est installé un certain relâchement, Etienne les suit. En tout 18 religieux partent pour la nouvelle fondation. Devenu abbé, Étienne instaure une grande austérité dans la vie de la communauté. Cette austérité touche à la nourriture – souvent les moines manquent de nourriture car ils dépendent de la Providence. L’austérité touche aussi la liturgie comme nous le verrons plus loin. La petite communauté doit faire face à des décès, mais personne ne vient s’adjoindre au groupe. L’austérité n’attire pas beaucoup de candidats. Le nouvel ordre est en danger.

Tout change quand, en 1112, le jeune Bernard de Fontaine demande à entrer à Cîteaux avec 30 membres de sa famille. Ce qui l’attire, c’est justement l’austérité du monastère. Étienne Harding les accueille. Il discerne vite la valeur de Bernard qu’il envoie fonder un nouveau monastère à Clairvaux.

Saint Bernard de Clairvaux n’est pas le fondateur de l’ordre des Cisterciens, mais il en sera une des figures de proue et certainement son maître spirituel. Il deviendra bien plus célèbre que le saint abbé qui l’a accueilli au monastère.


Saint Étienne Harding a laissé deux œuvres importantes

La fameuse charte d’unanimité et de charité et la Bible qu’on appelle Bible de Harding.


Avec l’arrivée de Bernard et ses compagnons, l’ordre des cisterciens va prendre son essor et connaître un rapide développement. Étienne Harding comprend qu’il faut que toutes les fondations soient unies dans un même esprit. Entre 1114 et 1118, il rédige la charte d’unanimité et de charité qui a un double objectif : fixer, dans le plein respect de la règle de saint Benoît, les modalités de la vie monastique de Cîteaux afin de protéger son style particulier et assurer l’unité de toutes les abbayes de l’ordre afin que les moines soient animés d’une même charité et de coutumes semblables. La charte donne une grande autonomie à chaque monastère, tout en confiant à la maison de Cîteaux et à son abbé l’autorité spirituelle et la garde de l’observance de la sainte règle de l’ordre.

La charte établit aussi des principes de charité entre monastères pour permettre la solidarité avec les fondations plus démunies. L’abbé de Cîteaux assure l’autorité finale. Chaque abbé de des monastères cisterciens doit participer à un chapitre général qui a lieu à Cîteaux aux alentours du 14 septembre, fête de l’exaltation de la croix. Ce système a permis aux cisterciens de traverser les siècles. La charte est reconnue par le pape Calixte II en 1119.


Un second travail d’Étienne Harding est la simplification de la liturgie et de tout ce qui tourne autour d’elle. Il ne veut plus d’objet d’or, mais simplement en cuivre ; il retranche impitoyablement tout ce qui est ostentation et tape-à-l’œil dans les ornements liturgiques, dans les chants, dans l’architecture. Les églises cisterciennes sont dépouillées, simples et pauvres. Pour Étienne, cette simplicité et pauvreté favorisent l’élévation du cœur vers Dieu.


Dans son désir de revenir aux sources de la vie bénédictine, Étienne Harding s’attaque aussi à la réforme des livres liturgiques ainsi qu’à la réalisation d’une Bible, autant que possible fidèle aux textes originaux. Il s’appuie sur la Vulgate de saint Jérôme, la compare avec les textes grecs et hébraïques en se faisant aider pour cela par des rabbins juifs érudits. Ce travail veut retrouver la pureté des origines dans la Bible, de même que la réforme cistercienne veut retrouver la pureté de la vie bénédictine telle que l’avait voulue saint Benoît. Cette Bible est appelée Bible de Harding.


L’abbé Étienne envoie aussi des moines copistes à Metz où se perpétue la tradition du chant carolingien et à Milan pour récupérer des textes et de livres liturgiques ambrosiens. Dans la préface du recueil des hymnes chantés par les cisterciens, Étienne Harding manifeste clairement son désir de retour à l’authenticité.

Il écrit : « Nous faisons connaître aux fils de la sainte église que ces hymnes, certainement composées par le bienheureux archevêque Ambroise, nous les avons fait rapporter de l'église de Milan où elles sont chantées, en ce lieu qui est le nôtre, à savoir le Nouveau Monastère. D'un commun accord avec nos frères, nous avons décidé qu'elles seules, et nulle autre, seraient désormais chantées par nous, et par tous ceux qui viendront après nous. Car ce sont ces hymnes ambrosiennes, que notre bienheureux père et maître Benoît nous invite à chanter dans sa règle, que nous avons décidé d'observer en ce lieu avec le plus grand soin ».

 

Héritage et chaine de sainteté

Étienne Harding meurt le 28 mars 1134. Il est canonisé en 1623.
Robert de Molesmes est canonisé en 1220 et Albéric de Cîteaux en 1222.
Tous les trois sont considérés comme les fondateurs de l’ordre de Cîteaux et sont fêtés solennellement conjointement le 26 janvier chez les cisterciens.


Robert de Molesmes, Albéric de Cîteaux et Étienne Harding forment ensemble ce que j’appellerais une chaîne de sainteté. En voulant vivre pleinement sa vocation bénédictine, Robert a attiré Albéric et Étienne sur le chemin de la sainteté. Ensuite Étienne a reçu Bernard qui s’est accroché à leur chaîne de sainteté pour devenir lui-même une étoile dans le firmament de l’Église, un grand saint et un docteur.

Dans l’histoire, cette chaîne de sainteté ne s’est jamais interrompue : les cisterciens comptent dans leurs rangs 33 saints et bienheureux, parmi lesquels Hildegarde de Bingen, docteur elle aussi, Gertrude d’Helfta, Mechtilde de Hackerborn, le pape Eugène III pour ne citer que les plus connus. Mais permettez-moi de citer aussi les saintes belges qui font partie de la chaîne de sainteté cistercienne : sainte Lutgarde de Tongres, stigmatisée, pionnière de la dévotion au Sacré Cœur et sainte Ida de Louvain. Nous le voyons, la fidélité des fondateurs de l’ordre des Cisterciens a porté beaucoup de fruits de sainteté à travers les siècles… Et ce n’est pas fini !
 

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©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
A l'école des Saints

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