[Évangile du dimanche] Croire sur parole en l'impossible
Dans l'Évangile de ce dimanche, Jésus semble vouloir taquiner les disciples. Ils leur répond par une boutade alors que ceux-ci lui adressent comme un cri du cœur : "Augmente en nous la foi !" Mais en évoquant l'image pleine de symboles d'un arbre planté dans la mer, le Christ nous apprend ce qu'est la foi chrétienne. Et si c'était croire en l'impossible ?
"Augmente en nous la foi !" C'est un véritable "cri du cœur" que lancent les disciples. "Ils sentent bien qu'ils ne peuvent pas y arriver tout seuls." ©Jean-Matthieu Gautier / Hans Lucas
Évangile du dimanche 5 octobre (Lc 17, 5-10)
Les Apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi ! » Le Seigneur répondit : « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : “Déracine-toi et va te planter dans la mer”, et il vous aurait obéi.
« Lequel d’entre vous, quand son serviteur aura labouré ou gardé les bêtes, lui dira à son retour des champs : “Viens vite prendre place à table” ? Ne lui dira-t-il pas plutôt : “Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et boive. Ensuite tu mangeras et boiras à ton tour” ? Va-t-il être reconnaissant envers ce serviteur d’avoir exécuté ses ordres ?
De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir.” »
Source : AELF
Dans l'Évangile de Luc, les apôtres voient Jésus "mesurer la foi des uns et des autres", explique Patrick Laudet, diacre permanent du diocèse de Lyon. C'est le cas par exemple avec la Cananéenne, ou avec le centurion, dont Jésus dit : "Je vous le déclare, même en Israël, je n’ai pas trouvé une telle foi !" (Lc 7, 9). À l'inverse, il leur reproche d'être des "hommes de peu de foi" (Lc 12, 28). Les disciples en viennent à ce constat amer : "Au palmarès de qui a la plus grande foi, ils ne sont pas les mieux placés !" comme dit Patrick Laudet. Ce pourquoi les disciples disent à Jésus : "Augmente en nous la foi !"
Qu'est-ce que la foi pour un chrétien ?
C'est un véritable "cri du cœur" que lancent les disciples. "Ils sentent bien qu'ils ne peuvent pas y arriver tout seuls." Pour Patrick Laudet c'est même un cri d'enfant. S'ils ne résonnent pas en théologiens, ils ont bien compris ce qu'est la foi.
"La foi ça n'est jamais une somme de croyances ou une quantité de certitudes, souligne le diacre, ce n'est pas parce qu'on connaît tout le catéchisme de l'Église catholique qu'on a la foi, c'est plus mystérieux !" Patrick Laudet décrit la foi comme "le contraire du plein de certitudes, c'est faire du vide". "La foi, dit-il, c'est une ouverture du cœur, une poussée du oui à la vie, une confiance, un élan de tout l'être"...
Une boutade de Jésus
Un arbre déraciné qui va se planter... en pleine mer ! Dans l'évangile de ce dimanche, Jésus nous étonne en imaginant une scène quelque peu surréaliste. C'est dans son habitude de parler en paraboles et il aime utiliser ce langage insolite pour interpeller ceux qui viennent l'écouter. Ici, il y a de l'humour dans sa réponse. Jésus taquine ses disciples. Il leur répond avec une forme de boutade pour dire qu'ils pourraient faire des choses incroyables s'ils avaient la foi.
Derrière ce trait d'humour c'est une belle allégorie de la foi que propose Jésus. Dans certaines traductions on dit que cet arbre est un mûrier ou un sycomore, ces arbres aux racines puissantes et profondes. "C'est l'incroyable puissance de la foi avec un rapport du petit et du grand." Le plus petit étant la graine de moutarde, la plus petite des graines dans la culture de l'époque. "Un arbre ne pourra jamais être planté dans la mer", admet Patrick Laudet, mais avec la foi, "des choses incroyables selon l'ordre de la nature, des choses aussi impossibles que ça peuvent arriver."
C'est nous qui avons vocation par la foi à être transportés. La foi va faire que les arbres que nous sommes vont être déplantés et replantés là où la vie surnaturelle sera donnée en abondance
Et si l'arbre c'était nous ?
Dans la Bible, l'arbre est une image importante. "Heureux est l'homme qui n'entre pas au conseil des méchants... Il est comme un arbre planté près d'un ruisseau" (Ps 1, 1 ; 3), dit le psalmiste. Quelque part, "l'arbre c'est un peu nous, suppose Patrick Laudet. C'est nous qui avons vocation par la foi à être transportés. La foi va faire que les arbres que nous sommes vont être déplantés et replantés là où la vie surnaturelle sera donnée en abondance."
À l'époque antique, la mer symbolisait les forces obscures, "un lieu de confusion et d'angoisse". Planter un arbre dans la mer c'est donc tout un symbole, "c'est dominer les forces du mal".


Peu de nos contemporains connaissent les Évangiles. Ils n'y sont pas hostiles mais ils n'ont plus d'occasion d'y avoir accès. C'est partant de ce constat que, avec l'éclairage d'un bibliste, Béatrice Soltner propose chaque semaine un texte d'Évangile pour qu'il soit entendu (ou réentendu), pour en savourer la nouveauté et faire l'expérience que - si incroyable que ce soit à l'heure de l'instantanéité - cette parole écrite il y a plus de 2.000 ans nous rejoint toujours au plus profond.




