L'écologie : mieux en parler pour mieux la vivre
Pour parler d'écologie, comme en tout, le langage permet d’affiner la réflexion, de développer l’esprit critique, d’élever les consciences. Ouvrons les dictionnaires, changeons nos mots, pour changer les cœurs et les esprits pour sortir de cette misère qui nous fait oublier que, résidents de la planète Terre, nous sommes tous membres d’une même famille, d’une même communauté de destin avec tout le Vivant. “Mal nommer les choses, jugeait Camus, c'est ajouter au malheur du monde. Ne pas nommer les choses, c'est nier notre humanité”.
Pauvreté. Misère. Écologie. La pauvreté serait d’avoir "moins" que les autres. La misère, elle, est définie par "Le Petit Robert" comme une "situation de détresse, un malheur extrême". L’écologie, puisque je le répète à chaque chronique maintenant vous le savez, vient de "oikos" le foyer, la famille. Il y a dans tout cela une pauvreté dont on parle peu et qui pourtant sous-tend toutes les autres : celle du langage.
La catastrophe écologique et sociale en cours, n’est pas juste un problème de "pauvreté", où l’on aurait simplement "moins" que les autres. Moins de pouvoir d’achat pour s’acheter un IPhone 13, un ou deux amis en moins, une perspective professionnelle qui ne nous conviendrait pas complètement, une capacité de communication avec les autres qui ne défaillerait que parfois. Non, il s’agit bien d’une misère. Un malheur extrême issu d’un système qui va dans le mur et ne donne comme solution que le vide de la consommation. Comme le disait le philosophe tchèque Jan Patočka : "Nous avons voulu la liberté, nous avons eu la consommation." Le capitalisme ne produit pas seulement des pauvres par essence, il génère aussi une misère existentielle. Pour le romancier Léon Bloy cette fois, "la Misère est le manque du nécessaire, la Pauvreté est le manque du superflu... La misère, c’est la pauvreté sans espérance."
D’autant que, soyons clairs, à ce rythme, dans 20 ans, le Vatican devra être déplacé de Rome à cause du manque d’eau, sa mauvaise gestion étant exacerbée dans la capitale italienne. Un paysan se suicide tous les jours en France, neuf millions de personnes vivent de l’aide alimentaire dans la 6e puissance économique du monde, la guerre redevient actuelle, d’où découlera une famine en Égypte cet été. Alors, tout ça bien sûr nous le savons ou pouvons-nous en douter et déjà avec cela, il est bien complexe de bouger… Alors si en plus nous n’utilisons pas les bons mots…
Qu’est-ce que je propose ? En plus d’arrêter Twitter ? Bien des choses. Il est logique et bien plus reposant pour l’humain de regarder une vidéo simplificatrice que de lire un long texte scientifique. Moi le premier je confesse ne pas avoir lu les milliers de pages des rapports du GIEC. Mais le langage, la finesse de la langue de Prévert permet d’affiner la réflexion, de développer l’esprit critique. Mieux, le langage permet d’élever les consciences.
En effet, quand M. Macron fustige une prétendue décroissance, comment diable peut-il passer sous silence le fait que nous n’avons jamais été autant en décroissance qu’aujourd’hui ? 60% de la biodiversité en moins, décroissance d’espérance, décroissance même dans le nombre de professeurs qui ne veulent plus servir l’Ecole, tellement ils ne la reconnaissent plus, décroissance des liens avec six millions de personnes en état de mort sociale, décroissance dans la richesse de nos sols, décroissance de fraternité quand celle-ci devient un délit. On a compris où je continue encore ? Eh bien ! Pour lui non, la décroissance serait le projet écologique. Il ne s’agit pas de tacler un parti spécifique ou d’en promouvoir un autre, mais bien de rentrer dans une bataille des mots, une bataille des idées. Ce sont les mots qui font les visions, qui font les choses, qui font le monde..
Quand M. Jacob, pour avoir de l’audience, déclare sur France Inter qu’un autre projet que le projet libéral serait un "chaos", on se demande ce qu’il lui faut. Quand le PIB valorise les destructions écologiques, voire la prostitution des mineurs dans certains pays, mais pas l’infirmière qui prendra sur son temps pour réconforter un malade, il n’y a pas à chercher plus loin la raison de tant de nos maux.
Alors s’il vous plaît, ouvrons les dictionnaires, changeons nos mots pour changer les cœurs et les esprits pour sortir de cette misère qui nous fait oublier que, résidents de la planète Terre, nous sommes tous membres d’une même famille, d’une même communauté de destin avec tout le Vivant. "Mal nommer les choses, jugeait Camus, c'est ajouter au malheur du monde. Ne pas nommer les choses, c'est nier notre humanité". Au contraire, pour vous, pour vos enfants, vivons notre humanité pleinement. Disons notre humanité entièrement… et correctement.
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