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Quelle liberté quand on s'exile ?
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Quelle liberté quand on s'exile ?

Un article rédigé par Anne Kerléo - RCF, le 19 septembre 2023  -  Modifié le 25 septembre 2023
Je pense donc j'agis Quelle liberté quand on s'exile ?

Alors que des milliers de personnes sont arrivées ces derniers jours sur l'île de Lampedusa, ravivant le débat sur l'accueil des exilés en Europe, l'Eglise catholique célèbre le dimanche 24 septembre la Journée mondiale du migrant et du réfugié. C'est la 109ème édition de cette journée, avec pour thème cette année : "Libre de choisir de partir ou de rester". 

Soirée jeux JRS à Lyon - © Anne Kerléo Soirée jeux JRS à Lyon - © Anne Kerléo

Des parcours d'exil marqués par la contrainte

 

Dans son message publié à l'occasion de la Journée mondiale du migrant et du réfugié 2023, le pape François évoque les causes des migrations contemporaines : les persécutions, les guerres, les phénomènes climatiques et la misère. Il écrit : “Migrer devrait toujours être un choix libre, mais en fait, dans de nombreux cas, même aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Des conflits, des catastrophes naturelles ou, plus simplement, l’impossibilité de mener une vie digne et prospère dans leur pays d’origine contraignent des millions de personnes à partir.” 

 

Cette absence de liberté vécue par les personnes exilées, Justine Festjens, responsable de l'équipe Migrations internationales du CCFD-Terre solidaire la confirme: "Les parcours des personnes migrantes sont sans cesse marquées par de la contrainte: la contrainte de devoir partir et ensuite toutes les entraves à la mobilité sur le chemin, le risque de se faire enfermer dans des camps, des hotspots et ici aussi dans des centres de rétention. Les parcours de l'exil évoquent beaucoup plus la contrainte que la liberté et en même temps, au CCFD Terre solidaire on essaie d'invoquer le courage de ces personnes : malgré la contrainte, elles ne sont pas que des victimes, elles sont aussi actrices de leur destin, elles restent des êtres de décision, elles sont loin d'accepter leur sort passivement, elles mobilisent des stratégies individuellement, collectivement, pour s'organiser et pour revendiquer le droit d'aller de l'avant, en s'appuyant aussi sur tout un réseau de solidarité qui existe sur les routes et ici". 

 

 

Un appel à l'engagement

Face à cette contrainte imposée aux personnes en migration, le pape François appelle à l'engagement. Un engagement collectif "pour éliminer ces causes et mettre fin aux migrations forcées".  Et il écrit encore : "Pour faire de la migration un choix réellement libre, nous devons nous efforcer d’assurer à chacun une part équitable du bien commun, le respect des droits fondamentaux et l’accès à un développement humain intégral.” Le pape estime que cela est d’abord de la responsabilité des pays d’origine et de leurs dirigeants, mais il pointe aussi la dimension collective et transnationale de la question, car écrit-il : “les ressources mondiales n’étant pas illimitées, le développement des pays économiquement les plus pauvres dépend de la capacité de partage qui peut être suscitée entre tous les pays. Tant que ce droit ne sera pas garanti – et le chemin est encore long – beaucoup devront encore partir à la recherche d’une vie meilleure.” Et le message se termine sur une invitation à accueillir et accompagner au mieux les personnes migrantes : "l’important, écrit-il, est qu’il y ait toujours une communauté prête à accueillir, à protéger, à promouvoir et à intégrer chacun, sans distinction et sans laisser personne de côté."

 

Cet engagement existe, notamment via des associations, grandes ou petites, locales, nationales ou internationales, qui accompagnent au quotidien les personnes en migration dans les pays d'accueil, sur la route, mais aussi dans les pays d'origine pour essayer de faire en sorte de leur permettre de ne pas partir si elles souhaitent rester et faire ainsi de la migration un réel choix. Cet engagement permet une rencontre concrète avec des personnes exilées, pour sortir du fantasme et des statistiques. Sortir de l'impuissance aussi, comme y invite Véronique Albanel, présidente de JRS France et philosophe, passionnée par Hannah Arendt à laquelle elle se réfère pour dire : "dans un monde où tout nous conduit vers une forme de pétrification, c'est-à-dire d'impuissance, on se sent complètement happé par une fatalité inexorable, il reste toujours cette liberté de spontanéité, de champs du possible, ce qu'Hannah Arendt appelle "commencer du neuf". Et je crois qu'on peut commencer du neuf et pour moi c'est ça la liberté". 

 

 

Face à l'emballement, prendre du recul

 

Mais cela implique de prendre du recul, car on pourrait être aveuglé et pétrifié par ce qui s'affiche sur les écrans. En particulier ces derniers jours où des milliers de personnes en migration arrivent sur l'île italienne de Lampedusa. Et Véronique Albanel de décrypter : "On ne peut pas cacher qu'il y a un emballement médiatique assez terrifiant. On nous montre des peurs (...) qui sont légitimes, qu'il ne faut pas balayer, mais cela est tellement loin de ce que nous vivons. Cela nous ferait oublier des visages, des personnes que nous portons, qui partagent nos vies, qui nous donnent de l'espérance (...) des personnes qui m'aident à vivre. On est beaucoup dans des peurs par anticipation et on risque de perdre notre âme."

 

Et encore: "La liberté et la peur n'ont jamais fait très bon ménage. La liberté se conquiert sur la peur. Il faut s'extraire de ce temps d'urgence même si nous sommes plongés dedans. On ne peut pas être hors sol, il y aurait un grand danger à basculer dans une liberté abstraite, philosophique, conceptuelle, toute belle dans sa tour d'ivoire. Cela nous rappelle que le monde est caothique, que la guerre n'est pas loin, que ce monde va mal. Ca nous affole et la liberté à mon sens se conquiert sur l'affolement. C'est aussi du courage : la liberté passe par le courage".

 

 

Justine Festjens renchérit: "On voit ce nombre et en réalité, nous les organisations de solidarité internationale on sait que ce nombre est infime par rapport aux capacités d'accueillir de l'Europe. C'est essentiel de prendre le temps de la discussion pour remettre l'humain au cœur du sujet et aussi saluer tout le travail que font quantité de personnes pour accueillir et toutes ces organisations qui sont là aussi à Lampedusa et qu'on ne voit pas forcément". 

 


Exilés mais pas que, un podcast pour aller au-delà des préjugés

 

Chaque enfant, chaque femme, chaque homme a une histoire. Il ou elle est façonné par des rencontres qui l’ont mis en chemin, par des expériences qui l’ont marqué à jamais, par des douleurs parfois innommables et par des joies immenses. Par la suite des jours vécus depuis le premier cri. Par des lieux et par des moments. Chacun, chacune est le fruit d’une histoire en mouvement, toujours en chemin, infinie jusqu’au dernier souffle. 

Nos histoires personnelles nous façonnent : être né quelque part, avoir grandi dans tel contexte, marché dans tel paysage, vécu sous telle latitude… mais pas que… Avoir aimé, avoir vécu des expériences, des joies, des douleurs. Avoir appris un métier, rencontré d’autres humains. Ca construit une vie, un récit personnel, mais pas que : lorsque ces vies et ces récits s’enchevêtrent, s’entremêlent, ça crée une histoire commune, une société, un monde. Et parfois, il est bon que quelqu’un se raconte, offre son histoire, comme une lueur qui aide à entrer dans l’universel, à comprendre le monde, que nous tissons ensemble. 


Dans le podcast "Mais pas que", on se met à l’écoute de ces autres dont les récits peuvent nous changer à jamais.

 

 

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© RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Je pense donc j'agis

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