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Le bicentenaire de la naissance d'Anton Bruckner
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Le bicentenaire de la naissance d'Anton Bruckner

Un article rédigé par Jacques Nouvier - RCF, le 3 avril 2024  -  Modifié le 15 avril 2024
Tous mélomanes Les symphonies de Bruckner

On fête en 2024 le bicentenaire de la naissance du compositeur Anton Bruckner, un compositeur qui a été marqué tout au long de sa vie par sa foi catholique.

Un livre et un coffret de disques pour découvrir Bruckner et ses symphonies Un livre et un coffret de disques pour découvrir Bruckner et ses symphonies

Le compositeur et organiste autrichien Anton Bruckner est né il y a 200 ans. L'occasion pour RCF de revenir sur le parcours de ce catholique et musicien engagé.

 

Qui est Anton Bruckner ?

Anton Bruckner est un compositeur et organiste autrichien, né le 4 septembre 1824 dans un petit village près de Linz et il est mort en 1896. Bruckner a été une figure importante du romantisme allemand ; cependant, il n'a pas été reconnu à sa juste valeur par la critique de son temps. Le mépris que Brahms affichait pour Bruckner n'y était sans doute pas pour rien. On dit souvent que, en matière symphonique, il a poursuivi l'œuvre de Beethoven.

Le père du jeune Anton était instituteur et, de fait, Kapellmeister. C'est lui qui donna ses premières leçons de musique à son fils, qui était si doué qu'à dix ans, il pouvait déjà remplacer son père à l'orgue de l'église du village. Malheureusement, le père d’Anton mourut quand il avait 13 ans, et sa mère le confia aux religieux de l'abbaye de St Florian. Sa piété en fut renforcée, et son amour de la musique aussi, au sein des chœurs d'enfants de St Florian.

Mais il fallait qu'il gagne sa vie : à 19 ans, il devint instituteur, et il fut nommé près de St Florian, où il est resté encore une dizaine d'années. Durant cette période, il composa une trentaine d'œuvres destinées aux célébrations liturgiques, notamment deux Requiem et quatre messes.

Même si, aujourd’hui, les œuvres les plus connues de Bruckner sont ses symphonies, il n’a abordé qu’assez tardivement, à la quarantaine, ce genre musical.

Cette période a été importante dans la vie de Bruckner : en 1868, il obtint un poste de professeur d'orgue, d'harmonie et de contrepoint au Conservatoire de Vienne. C'est à cette période qu'il a eu Hans Rott et Gustav Mahler comme élèves. En 1869, Bruckner fut invité en France pour l'inauguration d'un orgue à Nancy ; il enchanta les constructeurs de l'orgue, qui l'invitèrent à jouer à Notre Dame de Paris, où Franck, Saint-Saëns et Gounod, entre autres, purent l'écouter. Peu après, il se fit entendre à Londres, toujours comme organiste, et là encore, avec grand succès.

Histoire des symphonies de Bruckner

Bruckner composa sa troisième symphonie (en fait sa cinquième, si on prend en compte les premiers essais !), en 1873 (il a alors presque 50 ans), et cette symphonie va lui attirer un début de reconnaissance, car il l’a dédiée à Richard Wagner, qui a accepté cette dédicace et l'a fait savoir, en disant que Bruckner était le digne continuateur de Beethoven. Mais, revers de la médaille, cela lui a valu aussi l'inimitié tenace de Brahms (qui traitait Bruckner de "pauvre nigaud") et d'une partie de la critique, opposée à la musique de Wagner.

Après la 3ème symphonie, il y eut tout naturellement la 4ème, dite "Romantique", en 1881. Le nom de "Romantique" lui a été donné par Bruckner lui-même. La création, à Vienne, fut un grand succès et, aujourd'hui encore, cette symphonie "Romantique" est une des œuvres les plus connues de Bruckner.

Bruckner était un compositeur très peu sûr de lui, et il était très sensible aux critiques et aux suggestions diverses. Le monde des versions successives des symphonies de Bruckner est un véritable maquis ; par exemple, pour cette 4ème symphonie, on ne compte pas moins de 7 versions, avec parfois des différences très importantes. Sans compter que Gustav Mahler a fait une autre version, avec des coupes et une nouvelle orchestration. Et, au XX° siècle, deux musicologues, Robert Haas et Leopold Nowak (pour ne citer que les principaux) ont chacun fait des versions en vue de leur publication ! Il faut citer encore William Carragan, au XXI° siècle.

Certes, Bruckner a été admiré par de grands musiciens, comme le compositeur Hugo Wolf ou le chef Hans Richter, mais l'hostilité de Brahms et du critique très influent Eduard Hanslick ont fait que Bruckner a eu de grandes difficultés pour faire jouer certaines de ses œuvres.

La 5ème symphonie, par exemple, ne fut créée qu'en 1894 et Bruckner, déjà malade, n'assista pas à la création. Quant à la 6ème, terminée en 1881, elle ne fut créée qu'en 1899 par Gustav Mahler, soit 3 ans après la mort de Bruckner. Cette 6ème symphonie avait été nommée "Die Leckste" (la plus hardie) par Bruckner.

En revanche, le ciel va s'éclaircir avec la 7ème symphonie. Arthur Nikisch va la jouer en 1884 à Leipzig, en présence de Bruckner, avec un immense succès. Idem à Munich en 1885 sous la direction d'Hermann Levi. Il fallut cependant attendre 1886 pour que la 7ème symphonie, dite "Lyrique", soit donnée à Vienne. Le succès public fut au rendez-vous (il y a eu 5 rappels à chaque mouvement, avec une couronne de lauriers donnée à Bruckner à la fin), et cela malgré une critique au vitriol de Hanslick.

Cette symphonie est une des plus belles de Bruckner, avec notamment un sublime adagio, en partie inspiré par la mort de Richard Wagner. A noter qu'un arrangement pour orchestre d'harmonie de cet adagio fut donné lors de la cérémonie funèbre de Bruckner, le 14 octobre 1896.

Le succès de la 7ème symphonie a incité Bruckner à mettre en chantier une autre symphonie, la 8ème donc, symphonie qui sera achevée en 1884. Une symphonie grandiose, qui malheureusement fut incomprise du chef Hermann Levi, ce qui a bien failli amener Bruckner au suicide. Il fit une seconde version de cette 8ème symphonie et, fort heureusement, en 1890, il fut reçu par l'Empereur François-Joseph en remerciement de sa dédicace de la huitième symphonie. Et une exécution à Vienne en 1892, sous la direction de Hans Richter, eut un immense succès.

A propos de l'Empereur François Joseph, il faut préciser qu'il a mis à la disposition de Bruckner un grand appartement, où Bruckner a pu passer les dernières années de sa vie dans de bonnes conditions de confort.

Après la 8ème symphonie, Bruckner, malade, n’a pas pu terminer sa 9ème symphonie, une œuvre qu’il avait dédiée… à Dieu !

L’homme Bruckner

Physiquement, il était assez grand pour l'époque (environ 1,75m), mais pas franchement beau. Ses manières étaient un peu gauches, il était toujours habillé de façon étrange (du moins pour une ville comme Vienne), et son parler était fortement influencé par le dialecte de la Haute-Autriche de ses débuts.

Si on parle de son caractère, Bruckner était quelqu'un de simple, voire naïf, et peu sûr de lui... En un mot, pas le gendre idéal !

Il a voulu cependant se marier à plusieurs reprises, y compris assez âgé, mais il a toujours essuyé des refus des jeunes filles en question, refus qui ont fait de grandes peines à Bruckner, qui est finalement resté célibataire.

Un jour, il a eu l'imprudence de traiter deux jeunes filles de ses élèves de "Mein Schatz" (mon trésor) dans une institution où il enseignait. Il fut accusé de libertinage, et il fut même suspendu, mais heureusement réhabilité quelques années plus tard. Tout cela a contribué au fait que Bruckner était de moins en moins sûr de lui ; dans la vie de tous les jours, et notamment vis à vis des femmes.

Comment en savoir plus sur Bruckner ?

A part les émissions sur RCF, il y a aussi des livres, au premier rang desquels un ouvrage remarquable d'Éric Chaillier chez Buchet Chastel, un ouvrage intitulé "Anton Bruckner ou l'immensité intime".

En ce qui concerne les symphonies, plusieurs intégrales sortent du lot : Eugen Jochum, Bernard Haïtink, Günter Wand, Herbert von Karajan, Daniel Barenboïm et Christian Thielemann, notamment. Signalons à ce sujet que Simone Young est la seule femme à avoir enregistré l'intégrale, et sa version est intéressante. Et il y a bien sûr quantité de chefs qui, sans avoir enregistré une intégrale, ont produit de magnifiques versions isolées ; la liste en serait trop longue !

Bruckner n’a pas composé que des symphonies : son catalogue compte plus de 150 œuvres, beaucoup d’œuvres chorales, un peu de musique de chambre, dont un très beau quintette à cordes, etc. Cependant, ce sont ses symphonies dont il était le plus fier. On dit que Bruckner a prononcé ces quelques mots sur son lit de mort : "Saint Pierre, je l'espère, m'ouvrira les portes du ciel et, lorsque je serai près de Dieu, je lui présenterai mes neuf symphonies. Je suis sûr qu'il sera bienveillant avec moi."

En conclusion, citons une phrase de Nikolaus Harnoncourt, ce chef de file des baroqueux, à propos de Bruckner : "Bruckner me donne un sentiment d'absolu que je ne retrouve nulle part ailleurs".

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©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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