La vieillesse n'est pas un naufrage
"La vieillesse est un naufrage", disait le général De Gaulle. Les nombreuses parutions dénonçant les mauvais traitements infligés aux personnes âgées ne font que lui donner raison. Pour nos contemporains, il semble que la vieillesse est synonyme de maladie, de solitude, de dépression... Pourtant, les 60-70 ans sont les plus heureux. Et si la vieillesse n'était pas synonyme de naufrage ?
Vieillir dans la dignité n'est pas une évidence en France
Le 28 novembre dernier, le journaliste Victor Castanet a reçu le prix Albert-Londres pour son livre "Les fossoyeurs" (Fayard, 2022). Une enquête qui avait fait grand bruit sur la prise en charge des personnes âgées dans notre pays. Ce livre, mais aussi de nombreuses enquêtes et études, ont montré que vieillir dans la dignité n'est pas une évidence en France. Des productions qui ont mis en évidence l’ampleur du problème que posent les conditions de vie des personnes âgées, les mauvais traitements qu’elles subissent.
On pointe du doigt les moyens, souvent importants, dont on manque pour faire face à des situations dramatiques. Le manque de personnel, le besoin de formation… Un important travail reste à faire, observe Gilles Berrut, qui propose des solutions dans son ouvrage, "Vieillir dans la dignité - L'évidence d'un défi" (éd. Cerf, 2022). Mais le gérontologue nous invite aussi à prendre du recul sur le vieillissement, pourquoi dans la pensée dominante, cela est perçu comme un naufrage ?
Pourquoi fait-on de la vieillesse un naufrage ?
"La vieillesse est un naufrage", disait le général De Gaulle. Un homme de son temps, c’est-à-dire d’une époque où la grille de lecture était la production, la performance, d’efficacité sociale visible, souligne Gilles Berrut. Il rappelle qu’au XVIIe siècle, dans le dictionnaire d’Antoine Furetière (vers 1670) le vieillissement était synonyme "d’expérience, de transmission du savoir, de sagesse". C’est avec la révolution industrielle qu’on a commencé à percevoir la vieillesse comme "le déclin inexorable vers la mort". "La révolution industrielle a positionné la personne âgée de manière différente parce qu’on a de plus en plus une appartenance à la société par le travail et même une participation à la solidarité via les cotisations par le travail."
Ne sommes-nous pas victimes d’un "effet loupe" comme le suggère Gilles Berrut ? S’il y a lieu de s’indigner sur le scandale des mauvais traitements dans les Ehpad, on peut aussi questionner le sort que l’on réserve aux plus de 65 ans dans nos représentations. Dans le discours dominant en effet, la vieillesse est systématiquement associée à la maladie, aux douleurs, à la solitude, à la dépression et pire encore à la démence qui crée des peurs terrifiantes autour de nous. Cependant, "on ne peut pas résumer une population à des particularités, la maladie ne peut pas définir un âge de la vie".
Les 60-70 ans sont les plus heureux !
"On a des données de population en France qui montrent que en effet on meurt de plus en plus âgé mais dans des conditions qui sont nettement améliorées par rapport à ce que l’on a pu connaître." Il n’est inutile de considérer avec Gilles Berrut quelques chiffres : 83% des personnes de plus de 80 ans sont autonomes. Seuls 8% de plus de 80 ans sont dépendants. "Et encore la dépendance dure 18 mois, ce qui est relativement bref au regard d’une vie quand on a une espérance de vie de 88 ans pour les femmes, 82 pour les hommes."
Des sondages ont montré que les 60-70 ans sont les plus heureux ! Aussi, les 25 à 30 années que nous avons à vivre une fois en retraite ne sont pas si désagréables, en témoignent les retraités eux-mêmes ! Les mêmes enquêtes d’opinion montrent que "le niveau de pauvreté est moindre chez plus de 60 ans que chez les gens plus jeunes, qu’il y a un confort de vie matériel affectif qui existe..."
Comment sortir de l’image négative du vieillissement ?
Et si on ne parlait plus de "vieillissement" mais de "longévité" ? C’est en tout cas ce que font la plupart des gérontologues. Gilles Berrut a d’ailleurs signé le livre "La longévité, une chance pour tous" (éd. Solar, 2019). Mais comment ne pas tomber dans ce piège qui associer longévité à déclin ? La réponse est dans l’esprit de chacun et l’imaginaire collectif. "Cela dépend des qualités que l’on donne à une personne pour appartenir à la société : si c’est son niveau de consommation, si c’est son niveau de production matérielle, évidemment que la personne a une impression de déclassement."
En revanche, si l’on considère l’engagement associatif, là, "on se rend compte que les personnes âgées sont plutôt leaders !" Des études ont montré que les plus de 65 ans « produisent environ 30 millions d’euros de service non salarié ». Garde d’enfant, aidant, mandats électoraux, engagement associatif… "Imaginez un moment qu’on enlève les gens de plus de 65 ans de la société, propose Gilles Berrut, ce serait terrible ! Elle ne pourrait pas fonctionner."
Ajouté à cela un dernier chiffre : là où une personne de 30 ans possède environ 3.000 mots, une personne de plus de 65 ans a un vocabulaire de 5.000 mots. Moralité : "Les données neuropsychologiques ne vont pas toutes vers le déclin. On peut écrire une histoire de la longévité qui n’a pas grand-chose à voir avec la projection anxiogène du vieillissement qu’on porte naturellement."
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