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Eugène Delacroix, Album du Maroc (musée du Louvre) ©Wikimédia Commons |
"Carnets d'Orient". Pour les amateurs d'art, le nom évoque les carnets du peintre Eugène Delacroix. Pour les amateurs de BD, "Carnets d'Orient" (éd. Casterman) c'est cette série d'albums de Jacques Ferrandez, qui retrace l'histoire de l'Algérie de 1836 à 1862.
Depuis son petit village de l'arrière-pays niçois, le dessinateur ne cesse de voyager dans cet Orient qui le fascine. Ce sont les souvenirs de son grand-père, les dessins de Delacroix et tous ces innombrables récits sur le Maroc et l'Algérie qu'il a lu et qui hantent son atelier. A l'occasion de la 44ème édition du festival de la bande dessinée d'Angoulême, portrait d'un orientaliste.
Jacques Ferrandez, l'orientaliste
Né à Alger en 1955, dans un pays secoué par une guerre qui ne disait pas encore son nom, Jacques Ferrandez a quitté l'Algérie à l'âge de trois mois. Son père jeune médecin, témoin des pressions du FLN sur les populations - "des nez, des oreilles ou des lèvres coupées" - avait préféré fuir les violences. Ce n'est que plus tard, grâce à son grand-père et les récits qu'il en faisait que le dessinateur s'est pris de passion pour le pays. Avant cela, à Nice où il vivait, il préférait dessiner seul que jouer au foot avec les copains. Cet amoureux d'un ailleurs savourait les journées passées à la maison. Très vite il y eut Hergé, puis Tardi ou Hugo Pratt, et le maître incontesté, "inatteignable", Jean Giraud alias Mœbius. Il ne nie pas non plus l'influence de Delacroix, d'ailleurs son style est résolument classique.
Grand œuvre 10 tomes sur l'Algérie
L'Algérie, Jacques Ferrandez a passé 25 années à la raconter. Un premier cycle de 1987 à 1995, où il a dessiné la période coloniale. Une pause en 1995, "je ne me sentais pas capable d'aborder la guerre d'Algérie en BD", explique-t-il. Dans les années 90, on entendait souvent dans les médias d'anciens appelés. De quoi l'inciter à poursuivre sa série de "Carnets d'Orient". En 2002, il se remet au travail - entre-temps il avait produit d'autres albums, inspirés notamment de Pagnol ou d'Albert Camus. Les cinq derniers albums portent sur la période 1954-1962.
"Soit on était un nostalgique de l'Algérie française soit on était un défenseur des peuples à disposer d'eux-mêmes." Dans les années 70-80, il était très difficile de parler de la guerre d'Algérie sans devoir choisir son camp. Jacques Ferrandez, fils de pied-noirs, aborde pourtant la question sans manichéisme. Prendre tel ou tel parti l'aurait empêché de comprendre, et de donner à comprendre, une période complexe.
- émission diffusée le 27 janvier 2017 -