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Georges Delerue en toute intimité
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Georges Delerue en toute intimité

Un article rédigé par Fabien Genest - RCF, le 15 mars 2022  -  Modifié le 17 juillet 2023
La Symphonie du cinéma Georges Delerue, le faiseur de mélodies disparaissait il y a 30 ans

Disparu il y a 30 ans, le 20 mars 1992, Georges Delerue était à l’égal d’un Maurice Jarre et d’un Michel Legrand. De ces grands compositeurs français de musique de film qui auront traversé avec succès plusieurs décennies. De La Nuit américaine à L’Homme de Rio, en passant par Le Corniaud, Le Mépris ou encore Le Dernier Métro, ses célèbres thèmes ont accompagné quelques-uns des plus grands films français en particulier chez François Truffaut et Philippe De Broca. Mais il avait également conquis l’Amérique et travaillé avec John Houston, Mike Nichols ou encore Oliver Stone. On connaît moins, en revanche, le Delerue plus intime, celui de Chère Louise, du Conformiste, de Conseil de famille ou de Comme un boomerang.
8 extraits pour (re)découvrir sa musique et son œuvre.

©  Gamma Rapho/Getty/Jacques Prayer. Georges Delerue en 1973. © Gamma Rapho/Getty/Jacques Prayer. Georges Delerue en 1973.

"Tirez sur le pianiste" : la rencontre avec Truffaut en 1960

 

 

 

Truffaut évidemment. L’incontournable, l’ami, la référence quand on évoque Georges Delerue et tant de thèmes brillants chez le cinéaste de "Vivement dimanche !" Tout a commencé à la toute fin des années 50. Georges Delerue compose la musique de Tirez sur le pianiste, le deuxième film de François Truffaut, auréolé par le succès international des "400 Coups" un an auparavant. On peut y entendre le titre "Charlie", le morceau thème du film. Une mélodie légère sur un vieux piano bastringue, jouée par Charles Aznavour, musicien et acteur dans ce polar parodique et désinvolte qui marquera le début d’une longue collaboration, de plus de vingt ans, entre les deux hommes.

 

"L’insoumis" : un jazz nocturne en 1964 chez Alain Cavalier

 

 

Souvent légère, la musique de Georges Delerue s’est également se faire plus grave et tourmentée comme en 1964 pour "L’Insoumis", un excellent film d’Alain Cavalier avec un non moins excellent Alain Delon sur fond d’OAS et de guerre d’Algérie. Premier prix de piano au conservatoire de sa ville, Roubaix, Georges Delerue est un enfant de condition modeste qui convainc ses parents d’étudier la musique. Remarqué pour ses qualités évidentes, il étudie d’abord l’harmonie, puis la fugue et la composition au conservatoire de Paris avec Simone Plé-Caussade, Henri Büsser et Darius Milhaud. Ses compositions remplies de sentiments et très incarnées mêlent l’influence de l’école française du début du XXe siècle et une orchestration reflétant une palette de couleurs très variée à l’image de La Fête triste, un des titres de la bande originale de L’Insoumis, un jazz nocturne qui rappelle, aussi, ses jeunes années quand il se produisait dans les piano bars du quartier de l'Opéra à Paris.

 

"Le conformiste" : une BO d’atmosphère chez Bertolucci en 1971

 

 

Valzer del conformist ou La Valse du conformiste en français est tirée du Conformiste que l’on doit à Bernardo Bertolucci, très beau mélodrame avec un Jean-Louis Trintignant glaçant et rongé par ses démons intérieurs qui incarne un idéaliste fasciste mandaté pour assassiner, à Paris, un opposant politique qui s’avère être son ancien professeur de philosophie. Lorsque sort le film en 1971, Georges Delerue affiche déjà près de vingt ans de carrière au cinéma et des collaborations marquantes chez Louis Malle, Gérard Oury, Henri Verneuil mais aussi Alain Resnais pour Hiroshima mon amour, Godard pour Le Mépris, et bien sûr Philippe De Broca, pour Cartouche, L’Homme de Rio et Les Tribulations d’un Chinois en Chine. Les deux hommes se retrouveront encore en 1972 pour Chère Louise, un film à la tonalité empreinte de gravité, chose plutôt rare chez Philippe De Broca.

 

"Chère Louise" : un sommet de mélancolie chez de Broca en 1972

 

 

Quadragénaire, divorcée, Louise s’est installée à Annecy où elle enseigne le dessin. Trouvant un jour ses deux chiens empoisonnés, elle demande à Luigi, un jeune Italien vivant d’expédients, de les enterrer. Va s’installer une amitié qui ne tarde pas à se transformer en liaison. Chère Louise est un très beau film sur le sentiment de dépendance et la solitude. Georges Delerue compose une magnifique partition mélancolique que n’aurait pas renié un Philippe Sarde ou un Francis Lai, habitués à retranscrire ces ambiances. C’est Jeanne Moreau, à la fois radieuse et désespérée qui compose le très beau personnage principal.

 

"Le jour du dauphin" en 1973 : 50 nuances d’Amérique

 

 

Couronné de succès en France, Georges Delerue commence à attirer l’attention à l’international. Des cinéastes étrangers, notamment américains, le sollicitent dès le début des années 70 à l’image de Mike Nichols qui lui confie en 1973 la musique de son film Le Jour du dauphin qui vaut à George Delerue d’être nominé à la fois aux Golden Globes et à l'Oscar de la meilleure musique de film. L’Amérique découvre sa musique délicate chez le réalisateur du Lauréat et de Qui a peur de Virginia Woolf qui filme, respectivement 6 et 7 ans après ces deux films majeurs, des dauphins doués d’une intelligence hors du commun au centre d’un complot terroriste.  Après d’autres collaborations, Georges Delerue s'installe définitivement à Los Angeles à partir de 1980, l’année de la consécration pour le Français qui reçoit un Oscar pour I Love You, je t'aime, de George Roy Hill.

 

La beauté froide du thème de "comme un boomerang" chez José Giovanni en 1976

 

 

La décennie 70 est aussi celle de grands thèmes chez Alain Corneau, Claude Pinoteau, Bertrand Blier et bien sûr François Truffaut avec le célèbre Grand Choral de La Nuit américaine, sacré meilleur film étranger de l’année 73 à Hollywood. Georges Delerue dans les seventies, c’est encore en 1976 un film chez José Giovanni, pour Comme un boomerang, porté par son thème mélancolique. Homme de presse très occupé, Jacques Batkin, alias Alain Delon, a désormais une vie rangée. Son passé de repris de justice est derrière lui mais pourtant ce confort apparent va basculer quand il apprend que son fils est incarcéré pour avoir tué accidentellement un policier. Il décide dès lors de le faire évader, mettant en péril sa position sociale. Comme souvent chez José Giovanni, le thème de la rédemption est omniprésent. Et cette fuite en avant vouée à l’échec va pourtant être l'occasion de rapprocher le père et le fils. Alain Delon campe un père digne et désespéré dans ce film peu connu que l’acteur tourne à la même époque que Monsieur Klein, de Joseph Losey.

 

"La femme d’à côté", en 1981 : à la fois si intime et tellement incontournable

 

 

« Ni avec toi, ni sans toi », conclut La Femme d’à côté, l’histoire d’une passion amoureuse dévorante, destructrice et absolue entre Gérard Depardieu et Fanny Ardant, amants jadis, amants redevenus, au hasard d’un déménagement. Avant-dernier film de François Truffaut en 1981, sublimé par le tandem fusionnel et charnel Depardieu-Ardant, La Femme d’à côté, qui sort un an après le triomphe du Dernier Métro, est bouleversant du début à la fin, accompagné par la musique nostalgique, terriblement intimiste et presque murmurée de Georges Delerue à l’image du titre Le Secret de Madame Jouve.

 

La mélodie à l’harmonica de "conseil de famille" en 1986 chez Costa-Gavras

 

 

La deuxième moitié des années 80, à quelques exceptions, sera moins prestigieuse pour Georges Delerue quant au succès des films pour lesquels il collabore. Cela n’empêche pas quelques belles BO encore comme en 1986 chez Costa-Gavras pour Conseil de famille, comédie de gangsters, portée par le trio constitué de Guy Marchand, Johnny Hallyday et Nathalie Baye. L’harmonica du thème principal inscrit musicalement le long-métrage dans l’univers du film de genre propre au film noir.
En 40 ans de carrière, ce sont plus de 300 partitions pour le cinéma qu’aura composées ce mélomane dans l’âme dont la rencontre avec les cinéastes de la Nouvelle vague fut déterminante.

 

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©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
La Symphonie du cinéma

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