Au pays de l’art brut
Qu'est-ce que l’on appelle « l’art brut ». De quoi s’agit-il ? C'est le thème de la chronique de Guillaume Goubert à la découverte notamment de l'exposition "L'esprit singulier" de Richard Treger et Antonio Saint Silvestre à Paris, à la Halle Saint-Pierre, jusqu’au 14 août 2024.
L'art brut est un domaine particulier de la création artistique qui demande quelques définitions. L’appellation « art brut » est récente. Elle date de 1945. On la doit à un grand artiste contemporain, Jean Dubuffet, né en 1901 et mort en 1985. Ce peintre et sculpteur, s’intéressait beaucoup aux œuvres produites par les personnes étrangères au monde de l’art. En particulier les personnes internées en hôpital psychiatrique mais aussi les prisonniers et les individus vivant en marge de la société. Jean Dubuffet a donné finalement une définition assez précise de l’art brut : « Œuvres ayant pour auteurs des personnes étrangères aux milieux intellectuels, le plus souvent indemnes de toute éducation artistique, et chez qui l'invention s'exerce, de ce fait, sans qu'aucune incidence ne vienne altérer leur spontanéité. » Le mot spontanéité est important : l’art brut nous mettrait en présence de l’instinct créateur qui peut habiter tout homme, hors de l’influence des normes artistiques et des modes.
Où peut-on voir de l’art brut ?
Le lieu historique est à Lausanne, en Suisse, où est exposée la collection réunie par Jean Dubuffet lui-même. On peut aussi aller au Musée de Villeneuve d’Ascq, près de Lille, qui abrite depuis 2010 une importante collection dans ce domaine. Je ne résiste pas au plaisir de citer un édifice fascinant dans la Drôme, le « palais idéal » que le facteur Cheval a construit pierre par pierre pendant plus de trente dans son jardin. Enfin à Paris, l’art brut a en quelque sorte sa maison à la Halle Saint-Pierre, un ancien marché couvert en contrebas de la basilique du Sacré-Coeur. On peut y voir actuellement une exposition consacrée à une importante collection d’art brut réunie par Richard Treger et Antonio Saint Silvestre, l’un pianiste et l’autre sculpteur.
Que retenir de cette exposition ?
Elle a le mérite de s’intéresser aux manifestations de l’art brut dans d’autres régions que l’Europe, notamment l’Afrique et les États-Unis. Et aussi de faire une place, à côté du dessin, de la peinture et de la sculpture, à une autre mode d’expression, la photographie. Autant le dire clairement, il y a des œuvres qui font de la peine, tant on y ressent le mal-être de l’artiste, notamment pour ceux atteints de maladies psychiques. Mais il ne faut pas se bloquer sur ce malaise de spectateur et admirer l’extraordinaire inventivité de ces créateurs hors normes. Ils travaillent le plus souvent avec des moyens minimaux. De simples feuilles de cahier, des crayons de couleur, des stylos à bille et cela leur suffit pour inventer des mondes très complexes. Certains sont fascinés par les mathématiques et recouvrent la feuille d’étranges équations. D’autres assemblent des découpages très minutieux. Cet art brut est un art pauvre où les artistes utilisent souvent des matériaux de récupération. Comme Alfred Marié, ACM de son nom d’artiste, qui assemble de petites pièces métalliques et électroniques extraites de machines à écrire, de transistors ou d’horloges pour en faire d’extraordinaires architectures imaginaires. Ou l’artiste zimbabwéen Dexter Nyamainasche qui crée de véritables arches de Noé avec du fil de fer et des morceaux d’emballages colorés. Rien que pour ces deux-là, l’exposition mérite d'être visitée.
Halle Saint-Pierre, jusqu’au 14 aout 2024
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