Guillaume Goubert s'intéresse aujourd'hui à un artiste qui est parti à la recherche des origines de l’art. Il s’agit de Paul Klee, à qui le musée d’art moderne de Lille, situé à Villeneuve-d'Ascq, consacre une belle exposition.
Paul Klee est né en Suisse en 1879 dans une famille de musiciens. Il était lui-même un bon violoniste mais il a préféré se consacrer à la peinture, parce qu’il pensait pouvoir apporter davantage de nouveauté dans ce domaine que dans celui de la musique. Et, de fait, il a apporté une nouveauté considérable mais paradoxale : pour innover, il est retourné aux origines.
Paul Klee appartient à une génération d’artistes qui a bouleversé les règles de l’art en rompant avec la simple représentation du réel. De nombreux courants se sont affirmés au début du XXe siècle : les cubistes, les dadaïstes, les expressionnistes, les surréalistes, les suprématistes. Paul Klee n’a été membre d’aucune de ces écoles. Il a travaillé de son côté dans un but précis et obsessionnel : aller à la recherche d’une forme primordiale, essayer de retrouver ce qu’était l’art à son origine dans sa forme la plus simple.
Toute sa vie, il a travaillé avec les outils les plus élémentaires. Il dessine sur du carton, il utilise l’aquarelle, le fusain, la craie. Les œuvres sont de petit format. 30 centimètres par 40, 40 par 50… Et Klee travaille inlassablement. On estime à 9 000 le nombre de ses œuvres. En 1939, l’année précédant sa mort, il en aurait produit 1 253, soit plus de trois par jour ! Ce sont des images qui ne sont ni tout à fait figuratives ni vraiment abstraites. Elles ont chacune une légende un peu explicative, écrite par l’artiste en pattes de mouche.
Paul Klee disait : "Les enfants, les fous ou les primitifs ont conservé ou retrouvé la faculté de voir". Et, là, l’exposition de Lille est très éclairante. Les commissaires de l’exposition ont exploré toute la documentation du peintre conservée au Centre Paul-Klee de Berne, en Suisse. Et ils ont pu vérifier tout l’intérêt que Klee portait à ces formes particulières d’expression artistique. D’abord l’art asilaire, c’est-à-dire les œuvres produites par des personnes atteintes de maladies mentales. Ensuite, ce que l’on appelle aujourd’hui les arts premiers, en particulier africains, océaniens ou amérindiens. Troisième champ, celui de l’art pariétal préhistorique. Enfin les dessins d’enfants, dont les siens qu’il a conservés, et ceux de son fils Felix. Klee a dit un jour : "Les critiques disent souvent que mes toiles ressemblent aux barbouillages des enfants. Si seulement c’était vrai !"
Ce qu’il aimait chez eux, c’était une pratique spontanée, sans calcul. Alors que lui procédait lui par une simplification délibérée. Il est tout de même parvenu par ce volontarisme à une forme de candeur, d’ingénuité du trait et de la couleur qui est très émouvante. Et qui lui a valu d’être distingué par un historien d’art d’un très beau titre, celui de "poète des matins du monde".
Chaque mardi à 8h45, Guillaume Goubert et Simon de Monicault présentent une exposition ou un événement qui raconte l'histoire de l'art.
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