Le mot inouïe n’est pas trop fort. Cela se tient à Paris, au "Grand Palais éphémère", installé sur le Champ-de-Mars. Sous cette vaste charpente de forme cylindrique, on peut découvrir une vingtaine d’œuvres du peintre et sculpteur allemand Anselm Kiefer.
Le chiffre peut paraître faible pour un espace qui est très vaste. Sauf que les tableaux exposés sont gigantesques. En art contemporain, je crois n’avoir jamais vu des toiles d’une ampleur pareille. La plus grande de toutes est longue de 15 mètres 20 et haute de 8 mètres 40. Voilà déjà qui laisse une forte impression.
Ce sont d’immenses paysages dont on ne saurait vraiment dire s’ils sont représentés de jour ou de nuit. Des plaines enneigées sillonnées par des ornières ou des voies de chemin de fer, des casemates, des barres rocheuses dominant un fleuve. Ce qui est très étonnant, c’est l’accumulation des matières sur les toiles. La pâte très épaisse de la peinture mais aussi de la paille, des fougères, des tiges de pavot, des vêtements, des outils rouillés. Vous l’avez sans doute deviné, la palette est sombre mais elle est relevée d’éclairs lumineux. De la feuille d’or, du bleu cobalt, du rouge et aussi des explosions de blanc dans le ciel.
Cet homme, né en Allemagne en mars 1945 et qui vit en France depuis plusieurs décennies, est habité par les tragédies du XXe siècle, les deux guerres mondiales et la Shoah. Par son art, il cherche à en tenir vive la mémoire au moment où meurent les derniers témoins. "Il n’y a rien de nouveau que le souvenir", disait Anselm Kiefer aux journalistes lors de l’inauguration de l’exposition.
Cette exposition, l’artiste l’a dédiée au poète Paul Celan dont il ne cesse de fréquenter les textes et dont de nombreux vers figurent sur les tableaux exposés au Grand Palais. Paul Celan, considéré comme un des plus grands poètes en langue allemande de l’après-guerre, était né dans une famille juive d’une ville située en Ukraine. Ses parents ont été victimes de l’extermination. Lui a survécu venant vivre en France et relevant le défi d’écrire, après la Shoah, de la poésie en langue allemande.
L’exposition, on le comprend, est empreinte d’une profonde gravité. L’art d’Anselm Kiefer et celui de Paul Celan ne sont pas facilement aimables car ils nous font entrer dans la part la plus sombre de l’âme humaine, celle dont il faut avoir conscience pour ne pas céder au mal.
Question importante car il reste peu de jours pour la voir. Elle a commencé juste avant les fêtes et prendra fin le mardi 11 janvier. Mais, après cette date, il y a une autre possibilité pour découvrir l’art d’Anselm Kiefer. À l’occasion du centenaire de la fin de la première guerre mondiale et du transfert des cendres de Maurice Genevoix, plusieurs œuvres de Kiefer ont été installées de manière permanente dans la nef du Panthéon, parmi lesquelles un extraordinaire tableau intitulé "La voie sacrée".
Jusqu’au 11 janvier, Grand Palais éphémère, Place Joffre, Paris
Chaque mardi à 8h45, Guillaume Goubert et Simon de Monicault présentent une exposition ou un événement qui raconte l'histoire de l'art.
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