Patrick Clervoy
Au rang des croyances populaires, il y a celle selon laquelle le militaire serait une personne plutôt taiseuse. Une personne qui ne se livre pas facilement. Mais sommes-nous prêts à tout entendre ? Que savons-nous vraiment des souffrances, physiques et psychologiques, endurées parfois par ceux et celles qui partent se battre en OPEX, pour les couleurs d’un drapeau, et pour protéger une population située à des milliers de kilomètres ?
Dix semaines à Kaboul
Ces hommes et ces femmes, quand ils rentrent de mission, rapportent avec eux des souvenirs, des joies parfois, mais aussi des peines, des souffrances voire de vrais traumatismes qu’il faut prendre en charge. Pour cela, l’Armée peut compter sur de nombreux médecins, chargés de recoller les morceaux, physiquement, ou psychologiquement, de soldats qui ont parfois vécu l’indicible, l’horreur de la guerre.
Patrick Clervoy est un médecin militaire à la retraite, psychiatre, ancien professeur de médecine, titulaire de la chaire de médecine du Val de Grâce, en Afghanistan durant l’été 2011, l’une des périodes les plus meurtrières du conflit. Il revient sur cette expérience dans "Dix semaines à Kaboul", (Ad. Steinkis) un ouvrage mis aujourd’hui en BD sous le nom "Au bord du Monde".
Un séjour en opération extérieure qui tient une place importante dans sa vie. "J’y ai rencontré beaucoup de belles personnes. Ce que j’ai voulu mettre en avant, c’est l’ensemble des petites mains, qui toutes unies, pouvaient offrir aux militaires de la coalition des soins d’un très haut niveau. Cette équipe s’est retrouvée dans une cohésion immédiate avec l’urgence des blessés qui nous arrivaient. C’est enfin la découverte d’un spectacle pour lequel nous sommes préparés mais que nous n’attendons pas. J’ai été très ému par leur courage" explique le docteur Patrick Clervoy.
Soldat en OPEX, un travail honorable
Sur place, Patrick Clervoy est confronté à plusieurs souffrances psychologiques. "Ce n’est pas la peur qui empêche de vivre. Mais je me suis rendu compte que les gens étaient très sensibles à la peur des autres. Autant sa peur on arrive à la gérer, à la cacher, à la sublimer dans l’action, autant j’ai vu des gens venir me voir pour me conseiller d’aller voir telle ou telle personne" ajoute-t-il.
Dans son album, la peur de la mort est prégnante. "J’étais dans un service de santé des armées, et la peur de la mort, pour nous, c’était surtout la peur de la mort de l’autre. Mais nous prenions en charge des soldats qui étaient confrontés directement à leur propre mort. Nous avons tous quitté nos familles pour partir là-bas. Les scènes qui nous ont les plus émues, c’est quand nous sauvions un enfant pour le rendre à son père ou à sa mère" lance-t-il.
La guerre est souvent perçue comme un sale boulot. Pour Patrick Clervoy, c’est un travail très honorable. "Ce sont des personnes qui au péril de leur vie, vont en protéger d’autres. Vous ne pouvez pas ouvrir le feu sur quelqu’un qui n’est pas armé. Jusqu’au bout, on essaie de faire un beau travail, un travail avec nos valeurs" conclut le médecin militaire.
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