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Les robes

RCF,  -  Modifié le 17 janvier 2020
Ce sont des robes qui ont retenu l'attention de David Groison, et pas n'importe lesquelles : les robes des avocats
Emmanuel Foudrot, Reuters Emmanuel Foudrot, Reuters

C’est une photo prise en contre-plongée. Le photographe est en bas d’une montée d’escalier et prend les étages en levant son objectif vers le haut. Et à chaque étage – on en voit trois en entier – des robes d’avocat pendent. Des longues robes noires, avec leurs bouts de tissus blancs ou rouges accrochés à l’épaule, des épitoges – c’est un mot pour vous, Jean. Des manches en hermine… Des costumes que l’on reconnaît en un quart de seconde.

Ce sont des robes qui d’habitude impressionnent, mais qui là, pendent à la rembarde des escaliers, comme dans une rue d’Italie, comme dans un village du Sud. Cela détonne, car le décor, ce n’est pas une façade ensoleillée : c’est un tribunal triste, éclairé au néon, avec des barrières en métal et des plafond en lames d’aluminium.

Le photographe de Reuters, Emmanuel Foudrot, est à Lyon, au tribunal. Juste avant l’ouverture du procès de l’ex-prêtre Bernard Preynat. Les avocats savaient bien, à juste titre, que l’endroit serait rempli de journalistes… C’était le moment ou jamais de réaliser une action spectaculaire. Ils ont pendu leurs robes, pour symboliser selon eux « la mort de leur profession ».

Une forme de complicité entre des manifestants qui « font » une image pour attirer les journalistes. Et des photographes qui ont besoin d’ « incarner » une revendication. On en voit de plus en plus des images, comme celles-ci. Alors d’avocats beaucoup. Ils ont lancé leurs robes aux pieds de la ministre de la justice Nicole Belloubet à Caen. D’autres ont donné leur sang à Saint Etienne ou à Créteil, avec un panneau « quitte à se faire saigner autant que ce soit utile ». A Marseille, des collègues ont filé la métaphore en couvrant de rouge l'épitoge blanche de leur costume, avant de les suspendre aux grilles. 

Du spectacle, pour alerter l’opinion. Pas sûre qu’elle soit sensible ceci dit à leur demande. Les avocats ont leur propre caisse de retraite, avec les mêmes règles, durées de cotisation, que nous. Mais sans être solidaires des autres salariés, ils restent entre eux et leur caisse de retraite est du coup excédentaire. Le gouvernement veut supprimer ces régimes dits autonomes.

Mais ils ne sont pas les seuls à se mettre en scène, tant il y a finalement compétition pour attirer l’attention des photographes. Des enseignants et des membres du personnel éducatif ont jeté des manuels scolaires dans la cour des rectorats. Des profs qui jettent des livres, c’est une image choquante. Elle a beaucoup été relayée et commentée.
 
Lors de la cérémonie des vœux organisée le 14 janvier par la direction de l’hôpital Saint-Louis, à Paris, de nombreuses infirmières, infirmiers, médecins ont jeté leur blouse à terre et quitté la pièce. Lors de cette même journée, plus 1200 médecins se sont engagés à démissionner de leurs fonctions administratives si la ministre n’augmentait pas les salaires. Mais bien sûr, ce sont des paroles. Et c’est moins fort, moins relayé, qu’une image. Les manifestants ont bien compris notre époque. Il faut des actions spectaculaires, photogéniques, pour capter l’attention. On peut le regretter. Mais chacun d’entre nous doit bien le reconnaître : on a plus commenté cette semaine des images, que des discours ou des revendications.

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