L’Amazonie n’est plus le poumon vert de la planète
Des scientifiques de l’INRAE, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, du CEA, le commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, ont mis au point un produit avec l’université d’Oklahoma qui leur a permis de quantifier l’évolution des stocks de carbone des forêts à l’échelle mondiale. On sait qu’à travers le monde à peu près 25 % des émissions de gaz à effets de serre sont captées par le sol et la végétation mais on sait pas très bien où. D’où le travail de ces chercheurs, avec évidemment un point d’attention tout particulier à l’Amazonie brésilienne.
"L’Amazonie RECRACHE nos émissions de carbone"
Leurs résultats, publiés dans la revue Nature Climate Change la semaine dernière, montrent que la déforestation a fortement augmenté en 2019. Parmi les auteurs de cette étude, Jean-Pierre Wigneron, chercheur à l’INRAE à Bordeaux qui a pu constater que "l’Amazonie n’absorbe pas nos émissions de carbone. Au contraire, elle en recrache". Une conclusion qui ne surprend pas le chercheur. Cela fait plusieurs années que les scientifiques s’inquiètent d’un essoufflement des forêts tropicales et craignent qu’elles ne puissent de moins en moins jouer leur rôle de puits de carbone. C’est donc désormais le cas pour l’Amazonie brésilienne. Pour Jean-Pierre Wigneron, plusieurs raisons à cela : "la déforestation qui a toujours été intense dans la partie brésilienne. [...] Et l’impact des sécheresses, avec des épisodes El Nino très fréquents".
L'urgence de lutter contre la déforestation
La dégradation de la forêt devrait donc devenir une priorité politique. Mais la déforestation en Amazonie brésilienne explosé en 2019, date de l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro. L'agriculture intensive, l'élevage industriel mais aussi l'orpaillage sont les principales causes de la déforestation au Brésil. Des activités encouragées par le président d’extrême droite. Pour Marcio Astrini, directeur exécutif de l’observatoire du climat, un collectif d’ONG au Brésil, cela n’a pourtant aucun sens : "La déforestation n’a aucun sens pour l’économie brésilienne, pour le développement ou pour faire face à l’urgence climatique. Le problème, c’est qu’actuellement nous avons affaire à un gouvernement qui a quelque chose à gagner sur le plan économique, voire politique, à la déforestation", explique-t-il. "Ce dont nous avons besoin maintenant c’est que les sociétés civiles et les leaders du monde entier poussent le gouvernement brésilien à renoncer à ce projet qu’il cherche à implanter ici, au Brésil."
Mais pour Jean-Pierre Wigneron, chercheur à l’INRAE à Bordeaux, ce serait trop facile de nous décharger de nos responsabilités sur le gouvernement de Bolsonaro. S’il estime qu’il faut lutter contre la déforestation, il faut aussi réduire nos émissions de gaz à effet de serre : "Il ne faut pas compter sur la forêt d’Amazonie pour rattraper nos 'bêtises', il faut qu’on émette moins de carbone."
les négoces internationaux des matières premières en cause
Autre moyen de pression dans la lutte contre la déforestation : les négoces internationaux des matières premières. En 2018, la France s'est engagée à mettre fin d'ici à 2030 à la déforestation liée à l'importation de produits agricoles ou forestiers non durables. Selon le WWF, la France contribue à déboiser potentiellement 5,1 millions d'hectares chaque année à l'étranger, à travers les seules importations de sept matières premières que sont le soja, l’huile de palme, le cacao, le cuir et le boeuf, le caoutchouc naturel, le bois et la pâte à papier. C’est ce pour quoi milite l’ONG Canopée, spécialiste des politiques forestières.
Pour Klervi Le Guenic, chargée de campagne forêts tropicales, "la responsabilité est partout" : au niveau de la France qui permet ses importations de matières premières issues de déforestation, des consommateurs qui achètent ces produits. Et au niveau des entreprises qui continuent de commercialiser ses produits. Exemple avec le soja. L’ONG Canopée a rendu un rapport au gouvernement en novembre dernier présentant des solutions techniques pour arrêter d’importer du soja issu de déforestation. Mais Klervi Le Guenic constate un vrai blocage au niveau des entreprises qui refusent la traçabilité du soja qu’elles importent. Et à l’heure actuelle, le plan du gouvernement est basé sur le volontariat et non sur la contrainte. L’ONG Canopée demande à aller plus loin.
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