Accueil
RCF Laïcité à l’école : les professeurs à l’épreuve de l’autocensure
Partager

Laïcité à l’école : les professeurs à l’épreuve de l’autocensure

Un article rédigé par Grégoire Gindre - RCF, le 18 octobre 2022  -  Modifié le 18 octobre 2022
Le dossier de la rédaction Laïcité à l’école : entre autocensure et manque de moyens de l’Education

Fondement des établissements scolaires français depuis la fin du XIXe siècle, les débats autour du principe de laïcité agitent la communauté éducative depuis près de 20 ans, et plus encore depuis deux ans et l’assassinat du professeur d’histoire-géographie Samuel Paty. En fin de semaine dernière, le ministère de l’Éducation nationale dévoilait des chiffres sur les atteintes au principe de laïcité dans les établissements scolaires. Au mois de septembre, sur 59.000 écoles du second degré, 313 atteintes ont été signalées.

©Pexels ©Pexels

Les statistiques des atteintes à la laïcité dans les établissements scolaires continuent de progresser en France. Le port de tenues ou de signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse représente plus de la moitié des 313 signalements du mois de septembre. Un chiffre qui était de 40 % au printemps et 20 % à l’hiver dernier.  

 

Une évolution constante des chiffres

 

Pour Jean-Pierre Obin, à l’origine d’un rapport publié en 2004 sur "Les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires", les atteintes à la laïcité ont bel et bien évolué depuis 20 ans. "Les incidents sont répartis sur l’ensemble du territoire national. Il y en a certes davantage dans les Zones d’Éducation Prioritaire mais aujourd’hui tout enseignant qui arrive dans l’Éducation nationale sait qu’il aura à affronter une telle situation un jour ou l’autre", révèle l’ancien inspecteur général de l’Éducation nationale, avant de constater une deuxième évolution. "Le premier degré, qui n’apparaissait pas en 2004, est aujourd’hui concerné au même titre que le collège ou le lycée", raconte Jean-Pierre Obin.

 

Si c’est moins les élèves qui portent atteinte au principe de laïcité à l’école élémentaire, ce sont bien les parents qui remettent en question certaines valeurs de la République. C’est d’ailleurs la troisième évolution constatée par Jean-Pierre Obin au micro de RCF. "En 2004, on ne parlait quasiment que des élèves. Aujourd’hui, parents ou personnels de l’Éducation nationale eux-mêmes peuvent contester telle ou telle règle ou être complaisant vis-à-vis d’élèves qui transgressent les règles de vie scolaire", détaille-t-il. 

 

Les mesures face à l’autocensure 

 

Face à la situation et deux ans après l’assassinat de Samuel Paty, le ministère de l’Éducation nationale a pris des mesures pour tenter d’éradiquer ce qui se révèle être une atteinte aux valeurs de la République. En 2021, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’époque, lançait le plan de formation à la laïcité en 2021. Un dispositif sur quatre ans dans lequel 1000 formateurs issus de toutes les académies étaient mobilisés.

 

En parallèle, l’Éducation nationale mettait en place un carré régalien dans chaque rectorat fondé sur quatre principes : valeurs de la République, radicalisation, violence et radicalisation. Thèmes sur lesquels les enseignants et personnels éducatifs peuvent saisir des personnes dédiées pour poser des questions et être accompagnés. "Nous avons des enseignants qui ne se sentent pas capables de rentrer dans l’échange, le débat et la discussion avec des élèves qui potentiellement pourraient leur contester le droit de le faire. Il y a encore de l’autocensure chez les enseignants sur ces questions parce qu’ils ne veulent pas se confronter à des opinions différentes d’eux et difficiles à bouger puisqu’on parle de religions, d’intimes et de convictions", assure Didier Georges, proviseur de l’école hôtelière de Paris. 

 

Mettre fin au principe du "pas de vague"

 

Si cette autocensure des professeurs constatée par Didier Georges existe, le manque de soutien de la part des supérieurs hiérarchiques n’y est pas totalement anodin. Jean-Pierre Obin, déjà à l’origine d’un rapport en 2004, est l’auteur du nouveau rapport commandé en 2021 "la formation des personnes de l’Éducation nationale à la laïcité et aux valeurs de la République".

 

Si, pour lui, l’Etat a mis des choses en place, il faut surtout changer la façon de penser de manière systémique. "Il y a encore beaucoup de progrès à faire pour atténuer et éradiquer le ‘pas de vague’. C'est-à-dire que les enseignants ne se sentent pas soutenus trop souvent par leur hiérarchie de proximité". Une culture de la discrétion entretenue par l’Éducation nationale, que les chefs d’établissement tentent de résorber au plus vite pour mettre fin à l’autocensure qui concernerait un enseignant sur deux en France. 


 

Cet article vous a plu ?
partager le lien ...

Le dossier de la rédaction © RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Le dossier de la rédaction

RCF vit grâce à vos dons

RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation  de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !

  • Ce don ne me coûte que 0.00 € après déduction fiscale

  • 80

    Ce don ne me coûte que 27.20 € après déduction fiscale

  • 100

    Ce don ne me coûte que 34.00 € après déduction fiscale

Faire un don