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La reconversion des lieux de culte, un phénomène croissant
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La reconversion des lieux de culte, un phénomène croissant

Un article rédigé par Aurore Ployer - RCF, le 6 décembre 2022  -  Modifié le 7 décembre 2022
Je pense donc j'agis La reconversion des lieux de culte, un phénomène croissant

En France, plus de 5 000 églises sont dans un état de délabrement avancé. Pour les acteurs de la conservation du patrimoine, il ne s’agit pas seulement de protéger des vieilles pierres mais bien de penser la reconversion des bâtiments afin d’allier sacré et participation au bien commun. Chaque année, des hommes et des femmes se battent pour réinvestir ces édifices en lieux de solidarité.

© Abbaye de Belval © Abbaye de Belval

Un prix pour récompenser les reconversions d’édifices religieux

 

Face à la dégradation des édifices religieux, le prix Sésame récompensera en avril 2023 des initiatives d’usages partagés entre une activité cultuelle et d’autres activités culturelles, sociales, voire économiques. Benoît de Sagazan, directeur de l'Institut Pèlerin du Patrimoine et futur jury du concours, se réjouit de l'événement : "Mettre en valeur de tels projets rappelle qu’une église permet de faire vivre une communauté humaine autour du partage, peu importe s’ils croient ou pas". Dans le Pas-de-Calais, la reconversion de l'Abbaye de Belval, construite en 1890 et quittée par les Sœurs en 2012, est partie d’une interrogation que se posent de nombreux fidèles : "Quand les religieuses ont décidé de quitter les lieux en 2007, le prêtre souhaitait veiller à leur bon départ. Mais ensuite, on s’est posé la question : comment continuer à faire vivre l’âme des murs ?", témoigne Louis Delattre, administrateur de l’Association Abbaye de Belval.

 

Pour réussir la reconversion d’un édifice religieux, respecter son histoire et instaurer un travail partenarial avec tous les acteurs est primordial, souligne Benoît de Sagazan : "Tous les lieux ne peuvent pas recevoir les mêmes usages en fonction de leur nature et de leur histoire. Chaque reconversion doit réunir trois acteurs : le propriétaire, souvent la commune, l’affectataire, c’est-à-dire l’Église catholique, et enfin la population, propriétaire symbolique du lieu et avatar du bien commun". En 2018, l'église Saint-Pierre de Coudekerque-Branche, près de Dunkerque, a suivi ce type de partenariat afin d’être transformée en épicerie sociale et solidaire. Elle propose à des personnes précaires des produits de qualité à des prix défiant toute concurrence. "Alors que l’église ne servait plus au culte, le diocèse a accepté de nous louer le bâtiment pour 1€ symbolique à condition que nous prenions en charge les frais d’entretien. Aujourd’hui, nos relations avec l'évêché de Lille sont très bonnes. Notre but était d’entretenir le lien social avec les plus pauvres", explique Jean-Paul Olivier, trésorier de l'association Label Epicerie.

 

Transcender, rassembler et servir le bien commun

 

Même si on parle de reconversion, sauvegarder une fonction de culte à l'édifice est primordial, d’après Benoît de Sagazan : "Avec le sénateur communiste Pierre Ouzoulias,  rapporteur de la mission d’information sur l’état du patrimoine religieux, nous avons convenu qu’il ne fallait pas désacraliser les lieux mais les ouvrir à des usages partagés, sinon, c’est comme le privatiser, même si cela appartient à la commune. Les maintenir au culte garantit l’accessibilité à tous. Il faut juste trouver des usages compatibles avec l’affectation cultuelle". C’est justement ce que met en avant l’Abbaye de Beleval : "Nous avons souhaité une transformation dans la continuité de ce que faisaient les sœurs. L’association entretient trois piliers essentiels : une activité économique, avec la boutique pour la vente du fromage et l’hôtellerie, une partie sociale avec l’accueil d’une vingtaine de sans-abris d’Arras en réinsertion, et une partie cultuelle, avec la chapelle et l’organisation de conférences et d’animations religieuses", explique Louis Delattre. Chaque année, ce sont entre 15 000 et 20 000 personnes qui parcourent les 10 000 mètres carrés de plancher et les 12 hectares de jardin de l’Abbaye.

 

Certains fidèles regrettent les ADAP ou Assemblées Dominicales en Absence de Prêtre, qui pouvaient contribuer à maintenir la vie dans les églises, à l’image de François, un auditeur : "Dans les années 1980, les ADAP permettaient d’ouvrir les églises le dimanche pour faire une célébration autour de l’évangile dans un climat de fraternité. Je regrette que cela ait été interdit". Benoît de Sagazan explique pourquoi : "Les ADAP n’ont pas été encouragées car l’Église catholique avait peur qu’on puisse se passer de prêtre. C’est dommage car cela maintenait des communautés chrétiennes vivantes". Une auditrice, Marie, informe quant à elle d’un début de changement de position de l’Église : "La dernière Conférence des évêques de France à Lourdes évoque l’idée de former des personnes pour réunir des gens autour de l’évangile".

 

Pour que les reconversions des édifices religieux se multiplient, il faut réinvestir les Églises comme lieu de rassemblement, soutient Benoît de Sagazan: "On a trop l’habitude de penser en termes messalisant, or, il a plein d’autres formes de cultes, comme le rassemblement lors des prières, qui a une véritable fonction sociale. Il y a de plus en plus de non pratiquants dans les églises qui allument seulement un cierge ou laissent un mot". Il rappelle qu'étymologiquement, ecclesia veut dire assemblée : "On a des tableaux du Moyen-Âge qui nous montrent des chiens et des enfants courir dans les églises pendant qu’un baptême a lieu. La vie des Hommes intéresse Dieu, le profane ne se tient pas strictement à l’extérieur. On peut vivre beaucoup de choses dans une église. L’important est qu’elle transcende, rassemble et serve le bien commun".

 

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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