La crise du sucre
La France est le premier producteur européen avec près de 30% de la production, devant la Pologne et l'Allemagne. Nous sommes le 9ème producteur mondial. La betterave sucrière est cultivée dans huit régions de France essentiellement dans le Nord et le Nord-Est du pays. Plus de 5 millions de tonnes de sucre sortent des 25 sucreries implantées dans l'hexagone.
Problème : jamais les prix du sucre n’ont été aussi bas. Aux sources de cette crise : la suppression des quotas sucriers dans l’Union européenne en 2017, ce qui a signé la fin d'un prix garanti. Les explications de François Thaury, économiste au cabinet de conseil Agritel et spécialiste du marché mondial du sucre.
En mettant fin à ce système des quotas, l’Union européenne a permis à sa filière sucre de produire et d’exporter sans contrainte. Tout en l’exposant à la concurrence internationale. Autre difficulté : une surproduction à l'échelle mondiale, due à une forte production de l'Inde, du Brésil et de l'Union européenne. En trois ans, les cours mondiaux du sucre ont chuté de moitié. Et pour avoir un ordre d'idée sur le marché européen, en février, la tonne de sucre était vendue 314€ la tonne contre 404€ en octobre 2017. Cela fait penser à ce qui c'était passé pour les producteurs de lait en 2015.
Les producteurs de betteraves sucrières se trouvent confrontés aux mêmes problèmes que les producteurs de lait en 2015 : leur production a sensiblement augmenté et les prix ont sensiblement baissé. Mais pour François Thaury, spécialiste de la filière du sucre chez Agritel, il faut relativiser cette comparaison.
Donc les prix baissent depuis deux ans. Au point que de gros transformateurs amorcent leur restructuration.
Au mois d'avril, le deuxième producteur français de sucre, Cristal Union, propriétaire de marque Daddy, a dit envisager la fermeture des sucreries de Toury dans l'Eure-et-Loir et de Bourdon, dans le Puy de Dôme. 300 salariés et 500 producteurs sont concernés.
Quelques semaines plus tôt, c'était l’allemand Südzucker qui annonçait arrêter la production de deux des quatre sucreries de sa filiale Saint Louis Sucre. Un coup de massue pour les salariés des usines de Cagny dans le Calvados et d'Eppeville, dans la Somme. Ils s'attendaient à une restructuration mais pas de cette ampleur. Loïc Touzé est délégué syndical central FO, salarié à Cagny depuis 29 ans. Il estime que cette crise est la conséquence de choix politiques.
Les jours de l’usine de Cagny, dans le Calvados, et de celle d’Eppeville, dans la Somme, sont donc comptés : Südzucker ne laisserait sur place qu'une activité de stockage. A Marseille, un arrêt de l’activité de conditionnement est aussi envisagé. Au total, 130 emplois salariés sont menacés.
Ce qui aurait des conséquences sur les planteurs de betteraves. Si les usines ferment, beaucoup de producteurs qui les fournissaient n’auront pas d’autre choix que d’arrêter la betterave. Car les champs sont à proximité des sites de transformation. Il n’est donc pas rentable d’allonger les trajets pour écouler les stocks ailleurs.
C'est le cas par exemple de betteraviers du Calvados dont le plus proche site de production sera en fait très éloigné. C'est pourquoi la confédération générale des planteurs de betteraves propose de racheter l'usine de Cagny. Les explications de Jean Philippe Garnot est le secrétaire général de la Confédération des Planteurs de Betteraves.
Un projet qui est d'ailleurs soutenu par l'État et les banques. Mais les actionnaires majoritaires du groupe sucrier Südzucker ont fermé la porte, hier soir à Strasbourg, à une cession des sucreries. Ils ont estimé qu’il serait irresponsable de céder ces usines qui resteraient des sites de stockage, et garderaient des employés.
Les syndicats français y voient eux une façon de contourner la "loi Florange", qui oblige les grandes entreprises à rechercher un repreneur avant tout licenciement collectif. Nous avons cherché à joindre Sudzucker avant cette réunion mais ils n'ont pas souhaité répondre à nos questions.
Reste maintenant à voir quelle suite va être donnée à cette réunion.
Les planteurs et les salariés sont, en tout cas, convaincus que la production de sucre va repartir à la hausse d'ici deux ou trois ans. Une conviction pour Loïc Touzé, délégué syndical central FO, salarié à Cagny depuis 29 ans qui croit en l'avenir de la filière sucre en France.
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