Je vous emmène en Californie, à 50 kilomètres de Los Angeles, dans le compté de Claremont. La scène est bien connue. On est sur une pelouse, la nuit. Au premier plan, on devine dans l’ombre un bout de trottoir, typique de ces banlieues américaines, avec une petite fille qui regarde la scène.
A l’arrière plan, des arbres, des palmiers et un large ciel bleu nuit. Au milieu, sur une pelouse sèche, la scène de la nativité : Jésus, au centre, dans un berceau de bois. A droite, pour nous qui regardons la scène, la Vierge Marie, avec sa robe bleue et son foulard blanc sur la tête. Et à gauche, Joseph, les bras tendus, dans sa toge marron, avec son keffieh plus clair sur les cheveux. Ils ont tous les deux de la paille à leurs pieds. Il y a même une étoile qui brille dans le ciel.
Oui, tout est là. Sauf que, sauf que… Les mannequins de Jésus, Marie et Joseph sont en cage. Des cages métalliques, dures et froides. 2 mètres carrés chacune, avec un maillage serré, de la tôle ondulée et des fils barbelés au dessus de leur tête. Et en vérité, on ne voit que ça. Cet enfermement. C’est une crèche, mais elle fait froid dans le dos.
Ce n'est pas un artiste qui a réalisé ça, c’est la pasteure d’une église méthodiste américaine qui a choisi de décorer ainsi ce bout de terre, pour choquer et susciter le débat. Vous le savez, l’administration Trump n’hésite pas à séparer les familles de clandestins qui franchissent la barrière mexicaine. On a déjà vu d’autres photos, avec de vrais enfants arrachés à leurs parents, des petits en larmes dans des centres de rétention… C’est à ces images là que cette photo fait écho.
La pasteure Karen Clark Ristine a écrit ces quelques mots. « Peu après la naissance de Jésus, Joseph et Marie ont été forcés de fuir avec leur jeune fils, quittant Nazareth pour l’Egypte afin d’échapper au roi Hérode, un tyran. Ils craignaient les persécutions et la mort. Que se passerait-il si cette famille cherchait refuge dans notre pays aujourd’hui ? Imaginez Joseph et Marie séparés à la frontière, et Jésus, pas plus de 2 ans, pris à sa mère et placé derrière les grillages d’un centre de détention de la police aux frontières ».
Elle a des mots durs. Mais qui nous touchent moins que l’image. Car ces mots là, on peut les trouver excessifs, volontairement transgressifs, ils poussent à la réflexion, mais ils parlent au fond de politique, de choix conscients. L’image, elle, parle à notre cœur.
En mêlant deux types d’iconographies très différentes, celle des Noël en famille et celle de l’actu la plus sombre, elle créé en nous un hiatus. Elle renvoie chacun de nous à sa propre définition de l’accueil, de la pitié et de la bonté.
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