Jeux de Paris 2024 : les infrastructures en héritage ?
Dès la candidature pour les Jeux de Paris 2024, la notion d’héritage a été mise en avant. Le ministère des Sports évoque "un héritage utile et durable" grâce à des infrastructures sportives et 4 000 nouveaux logements construits avec le village olympique. Des Yvelines à la Seine-Saint-Denis, quel héritage peuvent espérer les habitants des épreuves olympiques et paralympiques ?
L’exemple du vélodrome national, un héritage en avance
Le vélodrome national de Saint-Quentin-en-Yvelines a été construit dans le cadre de la candidature pour les Jeux de 2012 (finalement remportés par Londres). C'est donc un héritage en avance.
Finalement, inauguré en 2014, l’infrastructure a plusieurs usages. Côté cyclisme sur piste, la fédération y a installé son siège et l’équipe de France s'entraîne dans le vélodrome. Mais il a "plusieurs vies, selon Laurent Mazaury, vice-président de l'agglomération de communes et délégué au sport, il a eu le double accueil des championnats du monde de cyclisme sur piste, mais surtout, il a sauvé des vies grâce au fait que ça a été le plus grand centre de vaccination de France, nous avons vacciné ici plus de 300 000 personnes pendant toute la durée du Covid. On y pratique régulièrement la danse, le basket, le handball… Il y a aussi un certain nombre de manifestations culturelles. On accueille un grand nombre de manifestations qui font du vélodrome l’un des emblèmes de Saint-Quentin-en-Yvelines.”
Mais en 10 ans, le site n’a pas non plus totalement été approprié par les habitants. Alors l'agglomération organise des visites en amont des Jeux. Elles sont plébiscitées, car tous les créneaux ont été réservés. Lors de celle du 22 mai sur la vingtaine de personnes présentes, peu étaient déjà rentrée dans l’enceinte et seule une personne a pu acheter des billets pour les épreuves des JOP.
Élodie et sa fille sont par exemple émerveillées par la visite : "On est super contentes de pouvoir visiter parce que c’est la première fois qu’on vient, en plus on habite dans le coin, mais on a jamais eu l’occasion de visiter, donc là, c’était le bon moment", témoigne la mère de famille.
Michèle, elle a seulement pu entrer "pour se faire vacciner" alors c’est plus détendue et avec le sourire qu’elle redécouvre le lieu ce jour-là.
D’autres citoyens sont maintenant des habitués du vélodrome. C’est le cas de Laure qui ne rate pas un événement, que ce soit une compétition ou un concert. "Je le connais depuis quasiment son ouverture, je suis venue en 2015 pour les premiers championnats du monde de cyclisme sur piste… je l’ai vu se monter", se réjouit-elle. Et c’est cet attachement aux infrastructures qui lui a donné envie de s’impliquer dans les JOP : "je donne presque 20 jours de mes vacances pour les Jeux olympiques, on a quatre sites exceptionnels sur Saint-Quentin [le vélodrome, le golf, la colline d'Elancourt pour le VTT et le stadium de BMX] donc je ne me voyais pas passer les Jeux sans participer. C’est primordial même”, lance-t-elle dans un rire.
La Seine-Saint-Denis principal bénéficiaire
"80 % des investissements publics des JOP" sont faits en Seine-Saint-Denis selon le gouvernement (l’État finance 2,4 milliards d’euros du budget total 9 milliards). C’est le village olympique qui est mis en avant comme le principal héritage avec "4 000 logements, dont 40 % de logements sociaux peu énergivores et adaptés au climat de 2050" légués à la Seine-Saint-Denis.
Il s’agit d’une programmation urbaine conséquente qui va transformer des communes, donc il va y avoir des héritages matériels et infrastructurels importants, mais dont on ne sait pas encore grand-chose
Il est difficile de se projeter dans l’avenir de ces quartiers pour Boris Lebeau, géographe-urbaniste à l’université Sorbonne Paris Nord. "Il s’agit d’une programmation urbaine conséquente qui va transformer des communes, donc il va y avoir des héritages matériels et infrastructurels importants, mais dont on ne sait pas encore grand-chose, observe l'enseignant-chercheur.
Et Boris Lebeau d'ajouter : "si on prend l’exemple de l’Ile-Saint-Denis, il va y avoir 1 400 logements qui vont être construits, sur une petite commune [7 500 habitants recensés en 2015 par l’INSEE] qui en plus est insulaire, on n’y accède que par des ponts. Donc il va y avoir une augmentation de plus du tiers de la population. On ne sait pas comment ces communes vont absorber ce surplus de population, et d’ailleurs, on ne sait pas trop qui viendra vivre dans ces quartiers. Est-ce que ce sont des jeunes, des vieux, des ménages avec des enfants, des riches, des pauvres ? Est-ce qu’ils vont se déplacer en voiture, en transports en commun, en vélo ? Et tout ça va conditionner le succès ou l’insuccès de ces opérations d’urbanisme olympique."
Un héritage pour qui ?
Au niveau des infrastructures sportives, rien n’assure encore de l’accès concret des populations aux sites olympiques après l’été comme l’explique Boris Lebeau : "Le stade nautique à Saint-Denis, on nous dit qu’il est censé profiter aux habitants, mais ce qu’on ne sait pas, c’est qui va gérer cet équipement, est-ce que c’est l’établissement public territorial de Plaine Commune ? Est-ce que c’est la ville de Saint-Denis ? Combien ça va lui coûter ? Est-ce qu'elle aura les moyens financiers de gérer cet équipement ? Est-ce que la population ne va pas payer in fine dans ses impôts ces équipements ?
L'enseignant-chercheur s'interroge également sur le partage des équipements entre les fédérations sportives et les collectivités. "Et aussi, cet équipement est situé au cœur de la Plaine Saint-Denis qui est un vaste quartier d’affaires qui n’est pas forcément très accessible pour les scolaires du territoire… Il faudra juger dans le temps long", conclut-il.
Enfin l’héritage ce n’est pas forcément que du positif. "Il peut aussi y avoir des dimensions négatives à l’héritage, rappelle Marie Delaplace, la dette par exemple, c’est une dimension négative. Et les infrastructures quand elles sont construites sur des fonds publics, il faut des financements publics et donc par l’impôt ou par la dette".
L’entretien des sites a aussi un coût pour les collectivités locales. Par exemple, dans le cadre des JOP 2024, l’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines a investi 5,5 millions d’euros de budget annuel pour l'accueil de cinq épreuves des Jeux olympiques et paralympiques.
Pour aller plus loin
Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour
RCF vit grâce à vos dons
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !