La colère, la méconnaissance, l’opportunisme politicien et peut-être la mauvaise foi aussi, mènent aujourd’hui certains de nos contemporains à qualifier ce temps, ici en France, de régime totalitaire, d’Etat policier. Nous serions en dictature, ou tout au bord.
Alors à tous ceux là, la lecture du dernier numéro de la Revue Esprit, sous la direction de Justine Lacroix et MichaeÌl Fœssel, consacré au philosophe et penseur de la démocratie Claude Lefort (1924-2010) s’impose.
Pour Claude Lefort, la démocratie ne se pense pas d’abord comme un régime politique parmi d’autres, mais bien comme une forme de société qui favorise le dissensus, supporte la confrontation de points de vue différents, voire opposés. La démocratie décide que personne ne peut mettre la main sur le lieu du pouvoir, ce dernier n’étant alors occupé que provisoirement et toujours remis en question. En fin de compte dit-il, la démocratie est fondée sur la pluralité et l’incertitude, celles des événements, celles des vies, mais encore des convictions.
Pluralité des arguments, des pensées, des options et des histoires, comme incertitudes des circonstances imposent alors à la démocratie de toujours être en mouvement, de créer, d’innover, de rester foncièrement ouverte. C’est cette ouverture, cette indétermination profonde qui la rend fragile et nous enjoint de la protéger, de la renforcer.
A contrario, le totalitarisme vise le Un, l’unique, la seule pensée, le seul chef et prétend alors à la certitude. "Quand l’inseÌcuriteÌ des individus s’accroiÌt, en conseÌquence d’une crise eÌconomique, quand le conflit entre les classes et les groupes s’exaspeÌre, en vient aÌ apparaiÌtre comme quelque chose de particulier au service des inteÌreÌts et des appeÌtits des vulgaires ambitieux [...], alors se deÌveloppe le phantasme d’un Peuple Un. »
Le geste totalitaire est dans cette tentative de recouvrir et d’annuler l’incertitude et l’indeÌtermination qui caracteÌrisent les socieÌteÌs deÌmocratiques.
Bref, s’il faut soumettre la démocratie existante à la critique, dénoncer ses hypocrisies, ses compromissions, ses fautes, il incombe à chacun de ne jamais céder à la périlleuse confusion qui conduit à occulter la différence avec les régimes autoritaires !
Alors gardons non seulement la mesure, mais aussi la raison.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !