Foi et sport de haut niveau - « L’actu vue par un prêtre »
Être croyant, c’est un entraînement de tous les jours, comme pour un sportif de haut niveau. La foi s’exerce au quotidien. C’est ce que nous explique le père Stéphane Jourdain, par une analogie avec le ski, dans sa dernière chronique « L’actu vue par un prêtre », que l’on peut retrouver chaque semaine dans Midi Lorraine.
RCF : Bonjour Stéphane… De quoi allez-vous nous parler aujourd’hui ?
Stéphane Jourdain : Et bien Romann, comme c’est les temps des congés d’hivers, je vais vous parler de ski. Mais attention, de ski à un niveau exceptionnel ! Je vais vous parler des champions, ceux qui se trouvent en ce moment à Méribel et à Courchevel pour les championnats du monde. Vous connaissez sans doute Alexis Pinturault, ou encore d’autres noms de champions. Alexis Pinturault a gagné 6 globes de cristal, c’est dire. Et le plus sympa pour lui, c’est qu’il a remporté l’épreuve des championnats du monde de cette année chez lui, à Courchevel.
Mais je ne voulais pas faire l’éloge de ce super skieur. Je voudrais tirer profit de cet événement pour signaler trois petites choses. La première, et c’est la Croix qui me le rappelle, c’est qu’en marge de ces championnats de ski, l’Église locale s’est mobilisée, avec une bénédiction des skieurs à l’ouverture de l’événement, avec différentes célébrations et concerts et même des conférences sur la foi et le sport. Et je trouve ça très bien, car on montre ainsi l’importance de vivre les uns en lien avec les autres. L’Église n’est pas une ile isolée qui ne s’intéresse qu’à elle, mais elle est en contact avec le reste de la société, y compris sportive. Participer à ce genre d’événement, c’est redire « qu’il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans le cœur des croyants ». Pour info, je viens de citer le concile Vatican II, dans la constitution Gaudium et Spes.
RCF : D’accord, l’Église s’intéresse à ce qui se passe dans le monde, y compris au niveau sportif, mais quel lien plus particulier avec le ski ?
SJ : Au-delà du ski, il y a la question de la compétition. Lors des championnats du monde ski, il faut être le plus fort, le plus rapide, en un mot, le meilleur. C’est-à-dire qu’il faut s’entrainer, qu’il faut se donner les moyens de progresser pour réussir et arriver au bout de son rêve, pour devenir un champion. Et c’est un peu la même chose dans la foi. J’étais ces jours-ci avec un couple d’amis, engagés dans les équipes Notre Dame, qui me parlaient - les membres de ces équipes comprendront vite - des Points Concrets d’Effort. Ce sont, pour faire simple, des moyens que l’on se donne pour progresser dans sa vie spirituelle, pour grandir dans la relation avec Dieu. Et Mathilde (coucou si tu me lis) me faisait remarquer qu’il y avait comme une certaine violence à se faire pour vivre ces points concrets d’effort. Car ils contiennent le mot effort. Ce n’est pas simple toujours de prendre du temps pour lire la bible, pour faire silence et prier, pour prendre 1 ou 2 heures par mois pour faire un point de sa vie de couple en laissant l’autre s’exprimer. Ce sont des efforts que les chrétiens ont à faire, tout comme les sportifs qui s’entrainent.
RCF : Donc en fait, être chrétien, c’est comme être sportif, c’est s’entrainer…
SJ : St Paul le dit dans l’une de ses lettres, la 1ère lettre aux corinthiens, au chapitre 9 : « Vous savez bien que, dans le stade, tous les coureurs participent à la course, mais un seul reçoit le prix. Alors, vous courez de manière à l’emporter. Tous les athlètes à l’entraînement s’imposent une discipline sévère ; ils le font pour recevoir une couronne de laurier qui va se faner, et nous, pour une couronne qui ne se fane pas ». Ce sont les versets 24 et 25.
Et oui, comme chrétien, il faut que nous nous entrainions, que nous prenions du temps pour nous connecter à Dieu. Comment vivre de l’amour si l’on ne prend pas le temps d’être connecté à celui qui en est la source. Si l’on veut que cet amour grandisse, dans un couple, on essaye aussi de passer du temps ensemble. C’est pareil avec Dieu. Et ça se fait de différentes manières, à travers l’engagement social, à travers l’attention aux plus pauvres, mais aussi dans la prière, et c’est souvent un effort, croyez-moi !
RCF : Stéphane, vous nous avez annoncé un troisième point de convergence ente le ski et la foi…
SJ : Oui Romann, et là c’est ma formation scientifique qui prend le dessus. Vous vous souvenez peut-être de ce que vous avez fait quand vous étiez au lycée, d’exercices où il fallait calculer la vitesse d’un skieur qui descend une pente… La foi, c’est comme le ski. D’abord il faut monter. Alors vous me connaissez, je suis un peu fainéant. Les peaux de phoques sous les skis pour 4 heures d’ascension afin de faire 10 minutes de descente, ce n’est pas pour moi. Moi je suis comme la petite Thérèse, je me laisse attirer en haut, j’utilise non pas l’ascenseur de la foi, mais le tire-fesse, ou plutôt aujourd’hui les télésièges. C’est Dieu qui nous prend là où nous sommes et qui nous permet de monter en haut. Encore faut-il qu’on se mette dans la file pour prendre ce télésiège. Et vous aurez constaté si vous faites du ski qu’on ne le prend pas seul, mais souvent en groupe ou avec d’autres. C’est l’Église qui tout entière nous amène vers Dieu, vers le haut !
RCF : Et une fois en haut ?
SJ : Comme tout skieur en haut de la cime Caron (ça c’est pour les afficionados de Val Thorens), on fait sa photo. C’est-à-dire qu’on prend le temps de regarder. D’admirer le paysage au ski, ou d’être en communion profonde avec Dieu, de se laisser scruter par lui, de le regarder et de le découvrir un peu plus. Mais le ski, c’est aussi le plaisir de la glisse, de la descente, des virages dans la poudreuse (en fait je crois que ça me manque, il va falloir que j’y retourne !)
Dans le domaine de la foi, c’est de redescendre (métaphoriquement bien sûr) de la montagne pour retourner en bas, pour aller là où sont les autres, pour les rejoindre et leur dire ce que nous avons contemplé. Comme une photo partagée sur les Réseaux sociaux (j’espère que vous avez vu les miennes !) La foi, c’est de descendre, emporté par son poids, par son humanité et ses lourdeurs parfois, en sachant qu’on a envie de remonter. Mais peut-être aussi en amenant quelqu’un avec nous, en permettant à quelqu’un de voir la beauté de Dieu.
Alors bon, pour descendre, il y a les gens rapides, les champions, il y a ceux qui prennent leur temps, il y a les compétiteurs qui rêvent de faire un maximum de pistes et ceux qui contemplent la nature, qui passent un bon moment entre amis. Dans la foi, il y a les moines, les religieuses, les prêtres, dont une partie de la mission c’est de prier pour les autres, et puis ceux qui essayent, qui font des efforts… Il y a vous et moi… Mais tous, on ne rêve que d’une chose, c’est de remonter là-haut, pour voir la beauté de la création et de Dieu.
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