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RCF Entretien avec le maire de Bordeaux Pierre Hurmic : "La ville est remarquée comme une terre d'innovation écologique" après 18 mois de mandat

Entretien avec le maire de Bordeaux Pierre Hurmic : "La ville est remarquée comme une terre d'innovation écologique" après 18 mois de mandat

Un article rédigé par Clément Guerre - RCF Bordeaux, le 8 décembre 2021  -  Modifié le 8 janvier 2024

Après un an et demi de mandat, Pierre Hurmic défend son bilan et sa méthode dans cette interview exclusive accordée à RCF Bordeaux. LGV, embouteillages sur la rocade et sur les boulevards, mobilités douces et végétalisation de la ville, tour d'horizon des dossiers en cours avec le maire de Bordeaux.

Entretien sur RCF Bordeaux ce samedi 11 décembre entre le maire de Bordeaux et les journalistes d'RCF ©Violaine Attimont Entretien sur RCF Bordeaux ce samedi 11 décembre entre le maire de Bordeaux et les journalistes d'RCF ©Violaine Attimont

 

"J'aime le terme de résistance et de résilience et j'ai la conviction qu'au moment où les pouvoir nationaux sont de plus en plus défaillants dans les impératifs de lutte contre le réchauffement climatique c'est aux villes d'être en première ligne", c'est par ces mots que Pierre Hurmic a débuté cet entretien sur RCF Bordeaux. 

Une interview long format qui fait le bilan de son année et demi passée au pouvoir à Bordeaux tout en revenant sur les enjeux politiques, sociaux et écologiques. Le refus du maire écologiste de Bordeaux de valider l'extension de la ligne à grande vitesse Bordeaux - Toulouse, sa politique en faveur de la mobilité à Bordeaux, les efforts pour végétaliser la ville. Pierre Hurmic a aussi fixé le cap pour le reste de son mandat et s'est confié sur son engagement chrétien. 

 

Regards sur l'actualité Pierre Hurmic, maire de Bordeaux, sur les grands sujets politiques du moment

 

RCF Bordeaux : Pourquoi êtes-vous opposé au projet de ligne à grande vitesse (LGV) dans le Sud-Ouest ?


D'abord, c'est une mesure d'aménagement du territoire qui est très datée, des années 1960, à l'époque où on voulait mieux relier les métropoles avec Paris. Avec le recul, on s'est rendu compte que cette politique avait eu des effets dévastateurs sur les territoires traversés qui ont été désertifiés. Cette politique s'est faite au détriment des trains de proximité et des trains du quotidien.

Nous ne sommes pas les seuls à le dire, en 2017 le gouvernement avait dit avoir trop financé les LGV. Maintenant on doit financer les trains du quotidien, les TER, les lignes de proximité. Pour vous donner un ordre de grandeur, les TGV représentent à peu près 10 % de la clientèle de la SNCF et en même temps 90 % des investissements.

 

 

En plus, dans les années 60 quand vous parliez de bio-diversité vous parliez une langue étrangère - ce n'était absolument pas inscrit dans les préoccupations des élus et des gouvernants. Et c'est à cette époque que ce projet à été conçu. Du coup, il prévoyait, et il prévoit toujours, d’artificialiser 4 830 hectares d'espaces naturels, de zones Natura 2000, de forêts, de terres agricoles et de terres viticoles. Aujourd'hui ça ne passe plus, la protection de la biodiversité est une condition sine qua non de la lutte contre le dérèglement climatique.

 

Les TGV représentent à peu près 10 % de la clientèle de la SNCF et en même temps 90 % des investissements - Pierre Hurmic.

 

Il y a quand même des compensations ?

 

Le problème des compensations c'est qu'un écosystème ça ne se restitue pas - ou ce sera restitué dans des années - donc quand vous bousillez la nature vous ne pouvez pas compenser. Toutes les études, y compris sur la LGV au nord de Bordeaux, rendent compte que ça ne marche pas. Aujourd'hui, ce qu'il faut c'est réduire, éviter et enrichir la nature. La compensation c'est un leurre pour rassurer les gogos.
 

Vous tournez le dos à une potentielle ligne de train pour ferrouter les poids lourds ?

 

C'est exactement l'inverse qui se produit. Ces dernières années, on a fait énormément de lignes LGV (en France) et en même temps la France a perdu 30 % du fret ferroviaire. On vous dit que l’on va faire de nouvelles voies consacrées aux camions sur les trains mais ça ne fonctionne pas. Le transport ferroviaire de marchandises coûte quatre fois plus cher que la route et le premier transporteur routier dans ce pays, c'est une filiale de la SNCF. La SNCF a choisi son camp car ça lui revient nettement moins cher. Ce qui manque pour faire du transport ferroviaire ce ne sont pas les sillons, ils existent. Ce qui manque c'est la volonté politique.

 

 

Bordeaux Métropole a validé ce projet, grâce à une alliance avec la droite, et financera une partie de la LGV, vous regrettez le choix du président socialiste Alain Anziani (de votre majorité) ?

 

Oui. C'est une tambouille politique du vieux monde. Pendant longtemps la Communauté urbaine de Bordeaux (devenue Bordeaux Métropole) fonctionnait sur ce que l'on appelle le troc. Les maires s'entendaient entre eux pour se distribuer les équipements. ''Je te vote ta piscine, tu votes mon grand stade...'' et ça s'est fait au détriment d'une vision métropolitaine.

Désormais on a changé d'époque. Depuis un an et demi, on a dit que c'est fini. Nous voulons nous battre pour une vision métropolitaine, c'est le sens de l'accord politique que l'on a signé avec Alain Anziani. Alors où sont les convictions politiques ? La droite a dit "on va voter la LGV si vous nous faites entrer au bureau". Mais un projet, on le vote parce qu'il est bon ou parce qu'il est mauvais... pas parce que l'on a un petit bénéfice politique à la clé. Je regrette vraiment cette politique politicienne que j'exècre, je pensais que ce temps là était totalement révolu.

 

Pierre Hurmic, le maire de Bordeaux, interrogé à RCF Bordeaux par Clément Guerre et Violaine Attimont ©RCFBordeaux

 

RCF Bordeaux : Vous avez réduit la vitesse de circulation des voitures, à Bordeaux, à 30 km/h, pourquoi ?
 

Afin de réduire l'accidentologie. Dans toutes les villes où cette mesure a été mise en place, il y a beaucoup moins d'accidents graves en ville et un partage plus équitable de la chaussée. Les vélos et les piétons se sentent plus en sécurité donc ça favorise les mobilités alternatives. Mais on l'a fait sur 89 % des voies bordelaises pour conserver un certain nombre de rues pénétrantes.

Je pense que c'est une très bonne mesure même si elle est impopulaire. Car faire de la politique c'est aussi encaisser une impopularité à court terme. Moi, j'ai été élu sur un programme, j'avais mis cette mesure dans mon programme et aujourd'hui je serais inexcusable de ne pas l'appliquer.

Si vous voulez être populaire en politique c'est l'immobilisme. C'est le choix de mon prédécesseur (NDLR : l'ancien maire de Bordeaux Nicolas Florian), il n'a rien fait. En même temps, ça ne lui a pas porté chance puisqu’il a été battu.
 

Vous parlez de nouvelles mobilités mais certains vous accusent de saturer les boulevards pour les automobilistes ?

 

On a décidé de réserver une voie aux transports collectifs et aux vélos. Les résultats : on a réduit la pollution au dioxyde d'azote, particulièrement dangereux. Désormais, beaucoup de riverains sur les boulevards nous disent qu'ils respirent mieux. Et on n’a pas tellement organisé la thrombose automobile car les résultats c'est qu’on compte entre 5 et 10 % de temps supplémentaire pour faire tous les boulevards. C'est beaucoup moins important que certains prévoyaient. Et surtout on a multiplié par deux la circulation des vélos sur les boulevards.

 

Les études que l'on fait prouvent que dans l'intra et dans l'extra-boulevard, il n'y pas eu ce report du trafic - Pierre Hurmic.

 

Finalement, on a autant de passagers sur les boulevards. Ils ont simplement changé de mode de locomotion. Au lieu d'être en voiture, ils sont à vélo ou en bus.

 

Le trafic s'évapore?

 

Ce sont les études qui le confirment. La meilleure preuve ce sont les cyclistes qui nous disent ''avant je venais en voiture parce que j'avais peur''. Alors on nous dit "vous avez transporté les voitures dans les rues adjacentes". Mais les études que l'on fait prouvent que dans l'intra et dans l'extra-boulevard, il n'y pas eu ce report du trafic. Au contraire, une grande partie du trafic s'est évaporée au profit d'autres mobilités.

 


 

Selon vous, le train et le RER girondin sont-ils les solutions pour réduire les embouteillages sur la rocade ?

 

La rocade c'est surtout un trafic de banlieue. Tous les gens du Sud-Gironde, par exemple, qui viennent travailler à Bordeaux et actuellement l'offre ferroviaire n'est pas satisfaisante. Il faut des trains mieux cadencés et des gares avec de grands parkings pour laisser sa voiture.

Les gens ne viennent pas sur la rocade par choix, s'ils avaient une solution alternative, ils ne resteraient pas dans les bouchons. Et ce RER métropolitain, il faut le faire vite, ce n'est pas très compliqué. Il faut mettre des trains et rénover un certain nombre de voies en très mauvais état d'entretien.
 

Végétaliser la ville, une autre de vos promesses de campagne. 1 600 arbres seront plantés cette année à Bordeaux. Planter des arbres sur la place Pey-Berland c'est de la communication ou cela a vraiment un sens écologique ?
 

C'est vraiment une vision différente de la ville. Bordeaux est une ville magnifique mais très minérale, donc il faut la végétaliser pour lutter contre un certain nombre d'îlots de chaleur urbains. L'été la place Pey-Berland est infréquentable tellement il fait chaud donc nous plantons des arbres.

 

Végétalisation excepté le faux sapin de noël, pourquoi ne pas planter un véritable sapin qui resterait en permanence ?

 

On a préféré planter des arbres plus adaptés. En plus, ça aurait vraiment fait gadget. Un sapin coupé, c'est complètement artificiel et ça coûte cher. Celui de Bordeaux coûtait 60 000 euros tous les ans. 

 

Alors combien coûte le sapin de noël en verre et en acier recyclés cette année ?

Le prix, je ne le donnerai pas. Si vous parlez d’œuvre d'art et que la première question c'est combien ça coûte ? Je trouve ça un peu regrettable. En tout cas, ça coûtera moins cher tous les ans car c'est une œuvre que l'on va ranger et sortir tous les ans. On va donc amortir le prix sur plusieurs années. Cela coûtera moins de 60 000 euros par an et en plus on fait travailler les artistes locaux. C'est du verre et du métal recyclés, c'est tout bénef' par rapport aux impératifs écologiques qui sont les nôtres.  

 

Je suis catholique pratiquant, j'ai besoin d'une pause spirituelle - Pierre Hurmic.

 

On vous sait très attaché à Jacques Ellul, quelles citations peuvent vous guider dans votre mission politique ?
 

"Exister c'est résister", à la base mon engagement politique. Jacques Ellul appelait beaucoup ses étudiants ou ses lecteurs à se méfier des partis politiques. Il disait "un homme de parti, c'est une partie d'homme". C’est ce que je m’applique, je ne suis pas un homme de parti, j'ai toujours eu des relations un peu distanciées avec l'appareil politique.
 

On vous dit catholique, comment vivez-vous votre foi ?
 

Cela relève du privé. Je suis catholique pratiquant, j'ai besoin d'une pause spirituelle. On a tous besoin de pauses spirituelles, certains le font à travers la religion d'autres différemment. C'est un choix. Pendant la dernière campagne électorale à Bordeaux mes adversaires m'ont surnommé le catho-basque c'est un peu réducteur mais je trouve ça plutôt rigolo.
 

Alain Juppé avait instauré des débats inter-religieux dans la cité pour dialoguer, est-ce que vous avez des idées de ce genre ?

Oui, on est en train de travailler pour renouveler ce concept qui est une très bonne idée. Il y a une attente forte, j'ai rencontré les principaux responsables religieux. Si on ne l'a pas fait plus tôt c'est à cause de l'année Covid-19 qui n'était pas très propice aux rencontres. On va poursuivre dans cette idée l'année prochaine, en espérant pouvoir reprendre des vies normales.

 

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