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RCF Djihadistes français: le dilemme des condamnés à mort en Irak
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Djihadistes français: le dilemme des condamnés à mort en Irak

RCF,  -  Modifié le 26 juin 2021
Le dossier de la rédaction Djihadistes français: le dilemme des condamnés à mort en Irak
Onze djihadistes français ont été condamnés à mort en Irak, la semaine dernière. Des décisions de justice qui embarrassent l'Etat français.
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Les onze djihadistes Français condamnés à mort en Irak ces derniers jours ont-ils eu un procès "équitable", comme le dit le gouvernement ? Pas pour les ONG de défense de droits de l’Homme ni pour de nombreux pénalistes français, sans chercher à minimiser ni excuser ces terroristes condamnés.

Un casse-tête diplomatique

 Rappelons que la France refuse le rapatriement de djhadistes pour être jugés sur son sol. Pour Paris, il est légitime qu'un pays souverain juge des personnes pour des crimes commis sur son sol et contre ses ressortissants. Ces onze membres présumés de Daech étaient détenus par les autorités kurdes de Syrie. Or il ne s’agit pas d’un Etat, et Paris n'entretient aucune relation diplomatique avec le régime de Damas. C'est donc finalement l’option d’un transfert et d’un procès vers l’Irak qui a été retenue.
 
Une alternative qui permet à l'Hexagone de régler un casse-tête juridique. Cela dit, le gouvernement est confronté à un dilemme. Pas question de juger ses ressortissants sur son sol mais il ne veut pas non plus que l'Irak les condamne à mort, l'abolition de la peine capitale dans le monde étant une constante de la diplomatie française. D’où une situation quasi schizophrénique. Le quai d’Orsay assure intervenir "au plus haut niveau" pour éviter qu'ils ne soient pendus, Tout en soulignant que la justice irakienne assure des procès équitables. C’est du moins ce que le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian, affimait la semaine dernière à l’Assemblée nationale.
 


 
 

Des procès non équitables pour les associations

Les avocats des familles de djihadistes et les défenseurs des droits humains démentent ces assurances sur l'"équité" de la justice irakiene. La France s'expose à un "immense déshonneur" qui pourrait laisser "une tâche indélébile" sur le mandat d'Emmanuel Macron, ont dénoncé lundi plus de 44 avocats français dans une tribune. Selon l’ONG Human Rights Watch qui a suivi un grand nombre d’audience, les procès irakiens présentent de "graves lacunes, dont la torture", comme l'explique Ahmed Benchemsi porte-parole de l’ONG.
 

Human Right Watch a exhorté la France à ne pas "sous-traiter la gestion" de ses ressortissants à l’Irak. Et elle critique aussi le transfert dans ce pays hors des conditions d’une extradition. Sans parler des conditions des procès...
 

Des audiences expéditives

A ce sujet, l'essentiel de la procédure se fait durant l'instruction. L'audience sert uniquement à ce que le juge confronte les "aveux" en interrogatoire avec la version de l'accusé à l'audience. Les procès devant tribunal antiterroriste de Bagdad ont ainsi duré en moyenne entre une et deux heures. La plaidoirie de la défense ne dure pas plus de deux minutes dans la foulée du réquisitoire. 

Après une délibération d'un quart d'heure, le tribunal rend son verdict. La sentence prévue par la loi irakienne pour quiconque a rejoint une organisation "terroriste", qu'il ait ou non combattu, est la mort par pendaison. Les onze Français ont tous été assistés par des avocats commis d'office même si deux d'entre eux ont un avocat en France. Ces derniers n’ont pu se rendre en Irak.
 
Au-delà de la question de la peine de mort et de l’équité, se pose aussi le problème de l’exemplarité de la justice avec ces procès plutôt expéditifs. C'est l'un des points que soulève Me Clémence Bectarte, avocate au bareau de Paris, spécialiste en droit pénal international. Elle coordonne le groupe d’action judiciaire de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH).
 


 
Ces procès ne laisse pas non plus de place aux victimes. Il n’y a pas de partie civile présente comme c’est le cas en France. Ce que regrette l’avocate. L’association française des victimes du terrorisme a d’ailleurs rappelé sa profonde opposition de principe à la peine de mort. Elle souligne aussi que l’éventuelle exécution de ces hommes priverait les autorités judiciaires françaises d’informations sur les enquêtes en cours.
 
Côté alternatives, hormis juger ces djihadistes en France, l’une des solutions pourrait être la mise en place d’une juridiction internationale à l’image des crimes pour le Rwanda ou l’ex-Yougoslavie. Les jugements rendus depuis le 26 mai, sont susceptibles d'appel sous 30 jours.

Depuis 2018, l'Irak a condamné plus de 500 étrangers membres du groupes Etat Islamique. Jusqu'ici, aucun des étrangers condamnés à mort n'a été exécuté. 450 Français sont toujours détenus en Syrie et susceptibles d’être jugés en Irak. Début avril, des sources gouvernementales irakiennes avaient indiqué à l'AFP avoir proposé de juger l'ensemble des jihadistes étrangers retenus en Syrie, contre deux millions de dollars par personne, à la charge des pays d'origine.

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Le dossier de la rédaction © RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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