Officiellement mis en place en 2013 sous François Hollande, cet observatoire avait été pensé dès 2003 sous Jacques Chirac. C’est une commission consultative autonome, rattachée administrativement au Premier ministre, qui a pour mission de conseiller le gouvernement sur certaines politiques publiques liées à la laïcité et à la religion mais aussi de former des élus ou des membres d'associations partout en France. Il est composé de parlementaires, de représentants des ministères, mais aussi de professeurs, d'essayistes. À sa tête, Jean-Louis Bianco, haut-fonctionnaire et ancien secrétaire général de l’Elysée sous François Mitterrand, et Nicolas Cadène, le rapporteur général, qui est juriste.
Mais "les préoccupations ont évolué", estime Marlène Schiappa. L'Observatoire de la laïcité est accusé d’être trop laxiste, de défendre une laïcité trop libérale. Ce que réfute fermement Jean-Louis Bianco, son président, dont le mandat s’est arrêté le 4 avril dernier. "On fait tomber un garde-fou, une vigie. Si ça marche bien, pourquoi le supprimer ? Qu'on me cite en quoi on a été souple. On n'est ni souple ni dur, on applique le droit. On disait ce qui était le bon sens dans l'esprit de la loi", affirme-t-il.
L'Observatoire de la laïcité touche donc à sa fin, après de nombreuses divergences politiques et des polémiques nourries entre autres sur le réseau social Twitter. Des membres du gouvernement ont reproché à Nicolas Cadène, le rapporteur général d'être "plus préoccupé par la lutte contre la stigmatisation des musulmans que par la défense de la laïcité".
D’autres, comme des militants du mouvement politique laïque du Printemps républicain ont souligné une proximité avec certaines associations comme le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), dissout après l'assassinat de l’enseignant Samuel Paty en octobre dernier.
Mais l’Observatoire répète être indépendant et pour ses défenseurs, il n’a fait que réaffirmer des principes législatifs, notamment la loi de 1905 de séparation entre les Églises et l’État. "Une philosophie qui était de rendre plus intelligible la laïcité en tant que principe juridique, à la fois qui consacre la neutralité religieuse de l'État et son corrolaire de libre exercice des cultes. Ce n'était pas la courroie de transmission de je ne sais quelle officine mais surtout la volonté de mener des missions en contexte", estime Franck Frégosi, directeur de recherche au CNRS dans le groupe Société Religion et laïcité.
Pendant huit ans, l’Observatoire de la laïcité a effectué de nombreux déplacements en France pour former des citoyens. Son président affirme avoir formé de près ou de loin 350.000 élus, fonctionnaires ou associatifs.
Sa disparition s’apparente en tout cas à un changement de politique de la part du gouvernement, notamment depuis l’assassinat de Samuel Paty. Un amendement visait à inscrire l'existence de l'Observatoire de la laïcité dans la loi dite contre les séparatismes. Ce qu'a refusé Marlène Schiappa. Ce changement de cap est nécéssaire pour les défenseurs d'une laïcité plus radicale. "Le constat de la progression de l'islamisme est massif et évident pour qui a accès à toutes les remontées des préfets, des maires, de l'Éducation nationale. Par rapport à ça, l'appareil d'État était insuffisamment outillé. Il y avait un décalage entre un discours rassurant et une réalité pas du tout rassurante", assure Gilles Clavreul, haut-fonctionnaire et cofondateur du mouvement Printemps républicain.
Certains s'interrogent déjà sur la composition d'une nouvelle structure qui ne serait plus indépendante. Selon Franck Frégosi, la position du gouvernement peut être inquiétante. "C'est une laïcité qui postule un certaine forme de contrôle et de mise sous tutelle des cultes. Au motif de lutter contre certaines formes d'expression religieuse qui pourraient être mortifère, on en vient à sanctionner tous les cultes qui s'inscrivent dans le cadre réglementaire. C'est comme si la dimension religieuse devait être suspectée de pouvoir alimenter un sécéssionnisme à l'intérieur de la France", explique-t-il.
Pour l’heure, l’avenir de l’Observatoire de la laïcité doit encore être précisé. Matignon doit trancher sur sa dissolution. Marlène Schiappa a évoqué la possibilité de créer un Haut conseil à la laïcité ainsi qu’un bureau de la laïcité.
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