Ces deux femmes pleurent, certes, mais ce n’est pas parce que l’une d’elle doit partir : c’est parce qu’elles se retrouvent. Elles se rejoignent dans leur pays d’origine, l’Erythrée, après 20 ans de séparation. Elles ont profité de la réouverture des vols entre l’Ethiopie et l’Erythrée cet été pour se rejoindre à Asmara. Depuis la fin de la guerre, toutes relations étaient rompues. Une grande partie de la jeunesse érythréenne avait fui l’oppression du régime.
Le conflit a commencé en 1998 par un différend frontalier qui a dégénéré en violence et débouché sur une guerre sanglante de deux ans. Les deux pays se sont ensuite défiés pendant dix-huit années après le refus de l'Ethiopie de rétrocéder une partie de territoire pris à l'Érythrée pendant la guerre. Mais cet été, les dirigeants ont décidé de faire un pas l’un vers l’autre. Un premier vol a eu lieu. Et mardi, le premier ministre éthiopien, et le président érythréen ont participé à une cérémonie commune, pour la réouverture de postes-frontières fermées depuis 20 ans.
La photo officielle des deux chefs d’Etat est posée, sans intérêt, hyper officielle justement : des corps encravatés, costumés, avec des mains dans le dos, des mains serrés. Rien d’émouvant. Alors les photos que l’on a vu dans nos journaux, ce sont des images de l’été : celles des premiers jours de la paix. Celles des retrouvailles des habitants ordinaires. Sur leurs visages, dans leurs attitudes, on lit de vraies joies, des émotions pures, avec des larmes qui submergent. Sur l’image que j’ai choisis, il y a tout. Ces femmes sont photographiées en plan américain, coupées à la taille, afin de pouvoir mettre en avant leur attitude, tout en donnant des éléments de contexte. Elles sont différentes, l’une est habillée de manière moderne : veste en jean, sac à dos, cheveux lâchés avec des lunettes de soleil pour les retenir. L’autre est en costume traditionnel, le drapeau de son pays noué sur les épaules, avec un voile sur la tête. Une Ethiopie ouverte versus un pays fermé comme l’Erythrée.
L’AFP l’a diffusée avec pour seule mention « Stringer ». Et ça, ça ne veut pas dire que c’est un Alex Stringer ou une Stéphanie Stringer qui en est l’auteur. Stringer, cela veut dire que le ou la photographe n’est pas salarié de l’agence France presse, que c’est sûrement une photo que l’agence a racheté à un anonyme. Il faut dire qu’il y a quelques semaines encore, le pays était aussi complètement fermé aux journalistes.
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