Au-delà des voix, déconstruire les tabous de la schizophrénie

Un article rédigé par Amaury Perrin - RCF, le 1 juin 2023 - Modifié le 17 juillet 2023
Je pense donc j'agisAu-delà des voix, déconstruire les tabous de la schizophrénie

La schizophrénie toucherait environ 600 000 personnes en France et près de 1 % de la population mondiale. Cette pathologie psychiatrique décrite il y a cent ans reste aujourd’hui l’une des plus complexes et fait l’objet d’une forte stigmatisation. D’autant plus lorsque des tragédies surviennent, comme le décès d’une infirmière au CHU de Reims poignardée par un patient schizophrène lundi 22 mai 2023. Ce n’est pas sans compter sur un certain manque de moyens et de personnels hospitaliers. De plus en plus de personnes œuvrent ainsi pour briser les tabous, stopper les préjugés et mettre fin à cette stigmatisation, et pour une meilleure prise en charge.

La schizophrénie touche 1 % de la population mondiale © Jueop / PixabayLa schizophrénie touche 1 % de la population mondiale © Jueop / Pixabay

La schizophrénie est une maladie du cerveau aux caractéristiques nombreuses. Il est notamment possible d’observer une perturbation de la pensée, de la paranoïa ou encore des idées tenaces. Cette pathologie implique des hauts et des bas, et fonctionne donc par crises. Mais elle est très variable en fonction des personnes. "Il y a DES schizophrénies", insiste Jean-Christophe Leroy, organisateur des Journées de la Schizophrénie et directeur de l’association PositiveMinders

 

Le diagnostic de la schizophrénie est particulièrement difficile et survient parfois tardivement. "La façon de diagnostiquer est très particulière, il faut avoir plusieurs symptômes pendant une certaine durée", explique Jean-Christophe Leroy. De plus, il n’y a malheureusement pas de cartographie exacte et unique de la maladie. "Ceux qui vivent avec ces troubles sont diagnostiqués plusieurs fois au cours de leur vie", confie-t-il. 

 

 

Une pathologie encore trop peu connue

 

Le manque de connaissances du public mais aussi de certains professionnels de santé favorise la mise à l’écart des personnes atteintes de schizophrénie. Elles se voient souvent diagnostiquées très tard puisqu’elles et leur entourage ne détectent souvent pas les signaux. "La question de l’acceptation joue aussi beaucoup, tant que ce n’est pas fait le traitement et l’évolution sont difficiles", estime le directeur de PositiveMinders. Se faire aider est souvent difficile, tout comme reconnaître la maladie. Mais "attendre, c’est aggraver les troubles", d’où la nécessité de faire tomber les barrières que sont le manque de traitements, de professionnels formés, de moyens, d’information et de prévention.

 

Anastasia Benzahi, dont le trouble schizo-affectif a été reconnu il y a sept ans, sensibilise sur ces questions grâce à YouTube. "Ce trouble s'apparente au spectre de la schizophrénie mais aussi de la bipolarité", confie la jeune femme. Ce trouble difficile à porter au quotidien se divise en phases de dépression et de manie. "Mon diagnostic était un vrai soulagement, même si j’ai eu une phase de déni", confie-t-elle. Diagnostiqué en 2011 à l’âge de 28 ans, David Martinelli est quant à lui pair-aidant à la Maison Perchée : "le fait d’être suivi et médicamenté à vie est forcément dur à entendre, mais je suis traité et ma famille est aux petits soins".

 

 

Informer et prévenir, les clés de la déstigmatisation

 

Beaucoup de personnes atteintes de schizophrénie ne sont pas soignées ce qui peut souvent peser. "C’est comme avoir une conversation avec une personne qui semble venir d’une planète différente", estime Jean-Christophe Leroy. Selon lui, l’accumulation quotidienne de situations décalées et de difficultés est fatigante et mène à des explosions verbales. "On ne comprend pas et on se fait du souci", indique-t-il avant d’ajouter que "apprendre à communiquer est la base pour les proches aidants". Il faut en effet apprendre à bien réagir face aux crises schizophréniques et pousser les personnes touchées à se faire aider. 

 

"Souvent, dans le cinéma, la personne schizophrène de l’histoire est tarée alors qu’on peut avoir toute sa tête et vivre une vie normale", déplore Anastasia Benzahi. Lors de la Semaine d'information sur la santé mentale, la youtubeuse propose ainsi à ses abonnés de poser des questions afin de leur apporter des éléments de réponse et de déconstruire leurs préjugés. "Les stéréotypes sont ancrés mais cela ne me fait pas mal, ça vient d’un manque d'information". 

 

Également, la Maison Perchée s’est montée lors du confinement pour aider les personnes schizophrènes. "On est venu combler le vide institutionnel à la sortie de l'hôpital", explique David Martinelli. L’association est tenue par des personnes concernées par cette pathologie, qui sont aujourd’hui soignées et suivies, souhaitant venir en aide à ceux qui en ont besoin. Notamment, des groupes de parole, conférences et échanges divers sont proposés. 

 

 

Des évolutions positives et un futur prometteur 

 

Les avancées de la science permettent aujourd’hui aux traitements d’être plus efficaces. Cela n’a pas été le cas pendant longtemps puisqu’ils faisaient plus de mal que de bien aux patients, étant inadaptés à la maladie. Il suffit aujourd’hui de trouver la molécule qui correspond le mieux à la personne. "J’ai testé deux traitements différents, celui actuel est très adapté et tout va bien", confie David Martinelli.

 

C’est par la vulgarisation des informations sur la schizophrénie que les choses avancent, et c’est le cas. Depuis 20 ans, les Journées de la Schizophrénie sont l’occasion de mettre en avant cette pathologie. "On parle dans les établissements et on transforme la vision des jeunes", indique Jean-Christophe Leroy, selon lequel les clichés restent mais s’amenuisent avec le changement des mentalités. Il s’agit d’un travail de longue haleine mais "plus il y a de formation et d’information mieux c’est", conclut David Martinelli.

 

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