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Au Liban, une révolution en marche ?

RCF,  - Modifié le 21 octobre 2019
Il s'agit de sortir des informations répétitives et des controverses stériles, pour s'intéresser aux événements qui agitent le Liban


La presse française est étrangement silencieuse sur ce qui se passe depuis quelques jours, au Liban. Comme si les élucubrations en tout genre de nos politiques sur le voile suffisaient à remplir notre espace de pensée disponible. Pourtant, il faut parler de ce qui se passe au Liban tant ce pays, encore attaché à sa tradition francophile, joue un rôle majeur dans une région très secouée actuellement. Et aussi parce que, après le Soudan et l’Algérie, la révolte actuelle de la rue libanaise est scrutée attentivement par tout le monde arabe.

Voilà donc trois jours que la population brave les autorités, et descend massivement dans la rue. Et qu’elle le fait pacifiquement, même si, depuis vendredi, la violence de certains éléments provocateurs a entraîné des violences policières.

Pourquoi est-ce si important ?

Parce qu’il s’agit pour la première fois d’un mouvement citoyen. Le mot d’ordre des manifestants, c’est la réforme du système politique, rongé par la corruption et les intérêts claniques qui ont pris le pouvoir après la guerre civile. On n’avait pas connu un mouvement de telle ampleur depuis 2005, quand les Libanais ont mis fin à l’occupation syrienne. Mais c’était une protestation contre une puissance extérieure. Là, les Libanais demandent des comptes aux politiques en place, ce qui est totalement nouveau. Ce n’est pas une partie des Libanais qui manifeste contre l’autre. Mais toute la population qui manifeste ensemble, et condamne de manière unanime l’ensemble de la classe politique.

Et pour la première fois aussi, le mouvement ne concerne pas uniquement Beyrouth, mais tout le Liban : du nord, Tripoli, la ville sunnite, au sud, Tyr, chacun, qu’il soit druze, chiite, sunnite ou chrétien défile au même mot d’ordre. « Nous sommes tous dans le même bateau » semblent dire les habitants de ce pays si divisé habituellement.

La colère a été provoquée par la volonté du gouvernement, en recherche désespérée d’argent frais, de taxer les conversations sur whatsapp. Mais elle a des origines bien plus profondes. Les Libanais, et notamment les jeunes, n’en peuvent plus de la corruption, du système confessionnel qui se partage les avantages, et bloque toute initiative. Dans ce pays, un habitant sur trois est en dessous du seuil de pauvreté, le chômage des jeunes atteint 30 %, et la plupart n’ont d’autres issues que d’émigrer s’ils n’ont pas de solides appuis auprès des chefs de clans.

Que les manifestations fassent émerger une sorte de sentiment national, tourné vers le bien commun du pays, marque donc un tournant important au pays du Cèdre, qui ne s’était jamais remis de ses divisions de la guerre civile. C’est l’espoir, formulé par les habitants, qu’un avenir véritablement démocratique est possible.

Pourtant, il ne manque qu’une étincelle pour que tout bascule dans la violence. Le Hezbollah, que l’on sait financé par l’Iran, et qui refuse de perdre son hégémonie politique a les moyens de mettre le Liban à feu et à sang. L’absence d’une opposition citoyenne organisée, l’autisme de la classe politique actuelle, notamment le premier ministre Hariri qui refuse pour l’instant de lâcher le pouvoir, sont autant de marques que tout peut s’enflammer dangereusement. Le Liban est probablement en train de vivre un mouvement d’ampleur comparable au printemps arabe de 2011. On aimerait qu’il ne connaisse pas le même sort.

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