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Aidants familiaux: pour le docteur Rossinot, "le système de santé repose sur ces personnes"

RCF,  - Modifié le 7 octobre 2019
Alors que l’on parle de plus en plus de congé rémunéré et de droits à la retraite pour ces personnes, focus sur les aidants familiaux.
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"Ils sont invisibles"

A deux jours de la journée nationale des aidants familiaux, c’est peu de dire que ces personnes sont quasiment invisibles dans la société. "Elle ne les reconnait pas vraiment. Les enseignants ne reconnaissent pas les jeunes aidants. Les professionnels de santé ne savent pas vraiment ce que sont les aidants. Ils sont invisibles pour tout le monde, y compris parfois pour eux-mêmes. Beaucoup ne savent pas qu’ils sont aidants. C’est une casquette tout à fait normale" explique le docteur Hélène Rossinot, Médecin, spécialiste de santé publique, auteur de "Aidants, ces invisibles" (éd. de l’Observatoire).

Tout est une question de curseur. Certains aidants réalisent le poids qu’ils portent au quotidien à partir du moment où ils se rendent chez un médecin, à l’occasion d’une crise. "Chaque situation est différente. Quand on a un diagnostic immédiat sur un cancer par exemple, ou un handicap à la naissance, on devient aidant tout de suite. Là où c’est plus compliqué, c’est pour le vieillissement. On devient aidant à partir du moment où on réalise des tâches d’un professionnel de santé, bref quand on sort du quotidien d’une famille habituelle" ajoute-t-elle.
 

Plus de patients, plus d'aidants

Les aidants sont invisibles, et pourtant on les estime à 11 millions, rien qu’en France. "On calcule ce chiffre à partir d’une extrapolation. La dernière étude du gouvernement remonte à onze ans. C’est très loin. À l’époque, ils étaient 8,3 millions. Et le chiffre a été réévalué à onze millions. Le vieillissement de la population entraîne de plus en plus de personnes à aider, mais aussi de plus en plus d’aidants. Plus de patients égale forcément plus d’aidants" lance le médecin.

La prise de conscience de ce dernier pour les aidants est venue de sa propre ignorance. "Quand j’ai commencé à travailler sur les hospitalisations à domicile, je voulais travailler sur les soins palliatifs. Et au bout de quelques jours, je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas que le patient et l’infirmière dans la pièce, mais aussi quasiment toujours un proche avec qui discuter. Et ils ont commencé à me raconter leur quotidien. J’ai réalisé qu’il n’y avait pas beaucoup de recherche sur ces proches aidants" précise le docteur Rossinot.
 

L'Etat fait des économies sur le dos de ces personnes

Concernant le profil de ces aidants, le médecin explique qu’il n’y a pas d’âge pour être aidant. "On est souvent surpris de voir des enfants être aidants. On les appelle les jeunes aidants, qui ont moins de 25 ans. On peut aussi être très âgé, à des âges extrêmes. Cela va de 7 à 97 ans voire plus. Il nous manque des études sérieuses, mais on peut dire que l’Etat fait des économies sur le dos de ces personnes, qui font le boulot d’un professionnel de santé" déplore le docteur Rossinot.

Aujourd’hui, les aidants souffrent de beaucoup de choses. De solitude, ils ne partagent pas cela au travail. De problèmes de santé, avec des troubles dépressifs, de l’anxiété, de troubles du sommeil, de blessures au niveau du dos. "Il est important que les aidants soient suivis et soient formés pour ne pas mettre en jeu leur propre santé. Les médecins généralistes sont aujourd’hui plus sensibilisés, mais ils ont très peu de temps à consacrer aux familles. Il y a un enjeu de santé publique énorme, vu que le système de santé repose sur les aidants" conclut le médecin.

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