Passe-moi le sel !

Après la fermeture définitive des salines de Franche-Comté entre le 19ème et le 20ème siècle, la région n’en a pas fini pour autant avec l’exploitation du sel.
Il faut désormais compter sur le thermalisme, une activité qui ne date pas d’aujourd’hui et qui s’est fortement développée sous l’empire de Napoléon III.

Les plus anciens thermes de Franche-Comté ont été découverts à Luxeuil-les-Bains en Haute-Saône.
Ils existaient déjà au temps des Romains.
Les autres sites salifères n’ont jamais eu de thermes selon les recherches archéologiques.

Au 19ème et 20ème siècle, la Grande Saline de Salins-les-Bains bénéficie de nombreux travaux de rénovation et d’aménagements, dans un seul but.
Améliorer sa production annuelle de sel.

La destination utilitaire des bâtiments du site jurassien qui peut sembler peu fonctionnelle est en réalité faite pour accentuer cette rentabilité.
Cependant, cela n’empêche pas le déclin de la saline et des autres en Franche-Comté, malmenées par la concurrence du sel de mer, puis de la production étrangère à partir de 1958.

Quand on évoque le travail dans les salines, on pense généralement que c’est une activité strictement masculine.
Cependant, jusqu’à la fin du 18ème siècle, beaucoup de femmes ont travaillé dans les mines et les salines de Franche-Comté.

Elles ont même tenu des postes difficiles comme celles qui tiraient le sel des poêles.
On les appelait les tirari.
Il y avait aussi celles qui s’occupaient du foyer, celles qui façonnaient les pains de sel...
Ces femmes ouvrières sont les grande oubliées de l’Histoire.

Au 19ème et 20ème siècle, les conditions de travail des ouvriers des salines de Salins-les-Bains dans le Jura ont très peu évolué.
Le travail le plus pénible consiste à surveiller la chauffe et à tirer le sel à la fin de la cuite.

Pour supporter ces conditions, les employés chargés des tâches physiques consomment beaucoup d’alcool.
Ils travaillent à la tâche et non à l’heure et ne prennent pas leur seul jour de congé hebdomadaire.
Cependant, une grande solidarité se noue entre eux.

C’est grâce aux travaux des géologues du 19ème siècle que l’on a pu repérer plus aisément les bancs de sel.
Une série de sondages est effectuée à travers toute la Franche-Comté dès 1830, avec des premiers succès à Montmorot et Lons-le-Saunier dans le Jura.
Ces prospections vont durer pendant tout le siècle, se poursuivant jusqu’en 1910, à une plus grande échelle.
La raison en est que souvent quand on trouve du sel, on peut aussi découvrir des gisements de houille soit dans la couche inférieure soit dans la couche supérieure.

Pendant des siècles, l’impôt sur le sel, la gabelle, a suscité des violentes révoltes.
La Révolution française maintient cet impôt mais en décidant que sa redevance aura le même taux partout dans l’Hexagone.
Il faut attendre le milieu du 19ème siècle pour que cet impôt soit fortement contesté, grâce à l’action d’un Franc-Comtois, le député Auguste Demesmay.
Pendant ce 19ème siècle, l’industrie comtoise du sel va se modifier profondément, avec le passage progressif du monopole d’Etat aux capitaux privés.

Grâce à l’investissement du vice-président du Conseil général du Doubs Albert Migeon, la saline royale d’Arc-et-Senans est sauvée et va devenir au fil des ans, grâce à un haut-fonctionnaire, Serge Antoine, un véritable centre intellectuel et culturel de renommée internationale.

C’est ainsi que l’UNESCO inscrit le site au Patrimoine mondial de l’humanité en 1982.
Pour la première fois, un ensemble de bâtiments à vocation industrielle est admis dans le club fermé des sites mondiaux les plus remarquables.
La même année, la Grande saline de Salins-les-Bains dans le Jura est aussi inscrite à l’Unesco.

Laissée à l’abandon après sa fermeture en 1895, la saline royale d’Arc-et-Senans va servir pendant la Seconde guerre mondiale de camp de rétention puis d’internement pour les réfugiés espagnols.
Puis les tziganes et les prisonniers allemands.
Après la guerre, de nombreux projets vont être imaginés mais aucun ne va se réaliser.

En 1962, une proposition de rachat par l’Union des coopératives céréalières de l’Yonne fait réagir le vice-président du Conseil général du Doubs.
Il met en avant l’importance architecturale de ce site, qu’il faut garder et sauver.

Le devis initial du projet de la saline royale d’Arc-et-Senans est largement dépassé.
Claude-Nicolas Ledoux a la réputation d’être très dépensier car il ne peut maitriser ce qu’il invente.
Il laisse cours à son imagination, ce qui n’est pas possible de calculer.
Devant l’échec de son projet, il part à la fin du 18ème siècle et ne reviendra jamais à Arc-et-Senans.

Pendant une centaine d’années, différents acteurs ont essayé de faire fonctionner ce site en vain.
Et au début de l’année 1895, la production de sel est définitivement arrêtée.

Dans la seconde moitié du 18ème siècle, le deuxième projet de saline à Arc-et-Senans dans le Doubs, imaginé par l’architecte Claude-Nicolas Ledoux est soutenu par le roi Louis XV, qui fait taire les contestations.
Puis par son successeur Louis XVI.

L’architecture du lieu est marquée par des symboles forts, imprégnés du mouvement franc-maçon.
Comme l’orientation de l’entrée de la manufacture ou la structure en demi-cercle calquée sur la course du soleil.

Après le refus de son premier projet en forme carrée, l’architecte Claude-Nicolas Ledoux propose une manufacture en forme de demi-cercle, plus aérée, à Arc-et-Senans dans le Doubs.

Et dans ce demi-cercle, il va imaginer une véritable ville intégrant le travail des hommes, leur vie sociale et familiale comme le fera plus tard le philosophe bisontin Charles Fourrier avec ses phalanstères.
Le plan de la saline montre une architecture inédite et magnifique, qui s’inspire de l’art romain antique.

La saline de Salins-les-Bains dans le Jura ne fournit plus assez de sel.
Il faut donc l’agrandir, mais plusieurs projets montrent qu’il est impossible de le faire.
C’est ainsi que va naître le projet de créer une usine proche de la forêt de Chaux, imaginé par l’architecte Claude-Nicolas Ledoux.

La saumure sera transportée par deux conduites de Salins-les-Bains à la plaine du Val d’amour à Arc-et-Senans.
Le financement sera assuré par une régie, créée par la Ferme générale du royaume.

Le bois était le seul combustible utilisé dans les salines entre le 16ème et le 18ème siècle.
Notamment à Salins-les-Bains dans le Jura.
Cependant, les forêts situées autour de la Grande saline ne suffisent plus à approvisionner ses foyers.

D’autres combustibles sont cherchés comme la houille, mais plusieurs expériences échouent.
La saline de Salins-les-Bains doit aussi s’étendre pour produire plus.
Le roi de France sollicite alors un jeune architecte talentueux, Claude-Nicolas Ledoux.

A partir du 16ème siècle, les salines de Salins-les-Bains dans le Jura, ont évolué.
Il y a eu la fusion administrative de la Grande saline et du puits à Muire, appelé aussi petite saline.
Les outils de production du sel en surface, la conception et la fabrication des poêles ont aussi énormément changé.

Au 18ème siècle, les salines de Salins-les-Bains dans le Jura sont devenues une seule manufacture royale, contrôlée par l’administration des Fermes et Gabelles.
Avec un personnel de surveillance important coexistant avec le personnel de production de la Grande saline.

Les changements sont tout aussi importants dans le fonctionnement du site.
La pompe à bras maniée par des hommes pour remonter la saumure, va être munie d’un système hydraulique, alimenté par la rivière la Furieuse.

La saline de Saulnot en Haute-Saône a fonctionné jusqu’au début du 19ème siècle, mais de façon irrégulière, à cause de nombreuses guerres.
Puis, c’est le ravage de la saline à la Révolution française en 1789.

Elle sera de nouveau reconstruite pour fermer définitivement ses portes en 1826.
A la même période, entre le 16ème et le 18ème siècle, la Grande saline de Salins-les-Bains dans le Jura, va connaitre d'importantes mutations.

La saline de Gouhenans en Haute-Saône n’aurait jamais existé si une compagnie n’avait pas cherché dans le secteur, du charbon de terre c’est-à-dire de la houille.
A la suite de ces recherches, la compagnie découvre un banc de sel qu’elle va exploiter.
Elle va ainsi créer une usine chimique qui deviendra un véritable complexe industriel.

Pas loin de Gouhenans, une autre saline existe.
Celle de Saulnot qui est bien plus ancienne et qui a expérimenté pour la première fois l’utilisation du charbon à la place du bois.

Il n’y a pas que des salines dans le Jura…
Dans le Doubs, à Miserey-Salines tout près de Besançon, on découvre dans les années 1860, un ban de sel de plus de 55 mètres d’épaisseur.
C’est ce fameux ban de sel qui court sous la terre, entre Lons-le-Saunier et Villersexel.

Un autre site, Châtillon-le-Duc, sera un grand centre salifère du Doubs.
En Haute-Saône aussi, des salines se développent notamment dans le triangle formé par les communes de Lure, Héricourt et Villersexel.

La saline de Montaigu dans le Jura ferme en 1959 pour cause de non-rentabilité malgré 7 000 tonnes de sel produites.
A Grozon près de Poligny, la saline fermée depuis la fin du Moyen-âge est de nouveau ouverte par ordonnance royale du 12 avril 1845.

En 1852, elle est autorisée à exploiter la mine de sel par puits et galeries.
Puis à nouveau, en 1901, un arrêté de déchéance de la concession est prononcé mais aussitôt annulé l’année suivante, en 1902.

Près de Lons-le Saunier dans le Jura, plusieurs gisements de sel ont été découverts.
Une saline est donc construite au 18ème siècle à Montmorot, à partir des pierres prises au château avoisinant.

Elle va fonctionner jusqu’en 1966, puis tout a été détruit ou transformé.
Seul reste un chevalement qui a fait l’objet d’une restauration complète, terminée en 2019.