Sean Rose et François Bégaudeau, rencontre entre un croyant qui doute et un agnostique interpellé
Un athée peut-il être touché par la grâce ? L'attrait de François Bégaudeau, agnostique, pour Bernanos ou Pascal a interpellé Sean Rose. L'un et l'autre sont critiques littéraires, et amis. Ils ont publié le fruit de leurs échanges sur la religion et la grâce, dans "Une certaine inquiétude" (éd. Albin Michel), sous la forme d'un essai épistolaire. À les écouter on se demande si on n'a pas tous en nous un peu d'eux : cette volonté que le spirituel rejoigne le concret de nos vies et cette aspiration à nous élever vers Dieu.
C'est "ce point sensible que touche le Christ en nous... c'est quand même quelqu'un qui avance au devant de l'humanité comme ça et qui dit la mort n'est pas la mort, la mort a perdu, la vie gagne sur la mort"
Au départ, une inquiétude métaphysique
François Bégaudeau est l'agnostique qui croit un peu, et Sean Rose le croyant qui doute beaucoup. Qu'ont-ils donc en commun, hormis l'amitié qui les relie ? "L'inquiétude, déjà", répond Sean Rose. Même si elle se déploie sous des préoccupations différentes ; François Bégaudaud c'est surtout la question de la mort et Sean Rose celle de "la naissance et du sens de la vie" - surtout depuis qu'il est père et qu'il se demande quelles vertus chrétiennes transmettre à son enfant.
Jésus, celui qui rejoint l'humanité
"Ce qui nous rapproche c'est surtout la figure de Jésus", dit Sean Rose. Le Christ, cette figure intermédiaire. "Il est venu insuffler en moi l'espoir fol que ma fin ne sera pas la fin", écrit François Bégaudaud. C'est "ce point sensible que touche le Christ en nous - et que touche le Christ en beaucoup de gens, y compris des gens qui ne sont pas éduqués et prédisposés à ça, moi compris - c'est quand même quelqu'un qui avance au devant de l'humanité comme ça et qui dit la mort n'est pas la mort, la mort a perdu, la vie gagne sur la mort : ça peut concerner tous les mortels que nous sommes." La résurrection, ce point d'aboutissement par là où Jésus "nous cueille".
La Foi et la pratique
D'un côté Sean Rose qui confie "[prier] pour avoir la foi". Le fameux pari pascalien, où la foi passe aussi "par le geste". "Je ne veux pas avoir une idée de la foi qui la cantonnerait aux rites mais la pratique rituelle fait partie de la religion et de la foi. Le corps est entraîné, des gestes comme la génuflexion sont des gestes d'humilité qui peuvent entraîner." L'anglo-catholicisme de Sean Rose, qui a redécouvert adulte la foi chrétienne, a "quelque chose de formel sans tomber dans le formalisme".
De l'autre côté l'agnostique que le christianisme séduit par la place qu'il accorde au concret de la vie. "Il est évident, dit François Bégaudaud, que le christianisme peut être appréhendé de façon plus terrestre dans la mesure où c'est une religion de l'incarnation, le Verbe s'est fait chair, et Dieu nous a envoyé une incarnation de lui-même qui s'appelle Jésus." Il a en mémoire les textes de Georges Bernanos, notamment, qui "ramène les problématiques de la foi à des questions concrètes". Comme après la perte d'un enfant, comment persister dans la joie quand tout incite à désespérer...
Écrivain, critique d'art, critique littéraire, Sean Rose est né à Saïgon d'une mère vietnamienne et d'un père anglais. Il est l'auteur du roman "Le Meilleur des amis" (éd. Actes Sud, 2017).
Avant de devenir scénariste et écrivain, François Bégaudeau était enseignant. On lui doit notamment "Entre les murs" (éd. Verticales, 20006) adapté au cinéma par Laurent Cantet en 2008 et Palme d'or à Cannes.
Émission réalisée en janvier 2018
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